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La dernière chance
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La dernière chance

Le citoyen le croyait bel et bien fini, ce ballet des intentions autour de la réforme électorale. Il espérait que les politiques avaient enfin compris que ces comités annoncés, ré-annoncés, ces calendriers promis et bouleversés, devenaient insultants à son intelligence. Il s’est trompé. Tout va recommencer. Pire. Lui qui ronge sa colère devant l’incapacité des partis à s’entendre sur une formule, apprend qu’il y en aura désormais d’autres à considérer, ce qui décuple la complexité du débat. Lui qui pensait le consensus enfin atteint, découvre que – oh surprise – Sachs est dépassé, que le gouvernement va prendre un virage à 180°.
Ce n’est pas tout. Le Carcassonne qu’on lui inflige, il n’a pas le profil de l’emploi. Un progressiste capable de faire passer une loi sur l’interdiction de la burqa, pourra-t-il saisir les subtilités d’un pays aussi conservateur que le nôtre ? Sa disponibilité même soulève des doutes. Si le professeur ne veut négliger ni sa chaire à l’université de Paris Nanterre ni le président Sarkozy, qu’il conseille au sein d’un comité sur la réforme des institutions, on voit mal comment en six mois, il fera mieux qu’Albie Sachs et ses commissaires, dont le parcours nous semblait garantir une meilleure compréhension de notre système.
Mais ce qui agace par-dessus tout l’opinion, c’est la manière. Passe encore sur ce traitement cavalier qui consiste à envoyer un banal communiqué pour dire que le gouvernement balaie dix années de débat et autant de bonnes volontés. Ce que l’opinion admet mal, c’est le secret qui a entouré la décision de ce changement de direction. La réforme est considérée si fondamentale qu’il semblait entendu que toute décision soit discutée ouvertement entre les leaders. Ça n’a pas été le cas, semble-t-il. Ce changement soudain tend à être perçu comme de l’incertitude sur les objectifs de Ramgoolam par rapport à la réforme. On en vient à se poser des questions sur ses véritables intentions. Cette colère, ce scepticisme de la part du citoyen, sont fort légitimes. Ils ne devraient pas pour autant nous amener à nous retirer d’un débat qui reste le nôtre. Il faut être honnête. Nous n’étions pas « à deux doigts » de modifier le mode de scrutin. Dans l’évocation d’un « consensus », il y a beaucoup de comédie. Depuis la cassure du gouvernement, la réforme a été un prétexte pour monnayer le soutien du MMM au Parti travailliste (PTr). C’est Bérenger qui, au lendemain de la séparation entre le PTr et le MSM, amène le sujet sur le tapis en rencontrant Pravind Jugnauth pour « parler réforme ». Que cherchait-il à faire ? TaquinerRamgoolam. Si Ramgoolam a fait de même, rencontrant Bérenger pour évoquer leurs affinités sur la réforme, peut-on lui en vouloir ? Tactique contre tactique. Et de consensus, nenni ; il était aussi soudain qu’artificiel.
Relativisons de même le procès fait à la commission Carcassonne. D’abord, quand on apprend qu’il s’agit des conseillers de Sarkozy et de Cameron, on réfléchit à deux fois avant de cracher dans la soupe. Ce sont deux ténors, deux immenses aubaines. Bien sûr, c’est un rapport encore, de l’argent encore. Mais la démocratie n’a pas de prix. Deuxièmement, dans l’interview qu’il donne à Fabrice Acquilina (lire les pages 12-13 de l’express-dimanche), il réussit non pas à nous faire douter de la justesse de la formule de Sachs, mais à nous rendre curieux d’autre chose. On veut bien attendre six mois encore pour en connaître plus. Enfin, le professeur est bienvenu parce qu’il met le holà à la dérive du débat vers la seconde République. Nous avions besoin d’une telle autorité pour réussir la réforme électorale. C’est tant mieux si, comme il le dit, il affirme avoir refusé à Ramgoolam de réfléchir au système présidentiel que celui-ci porte dans son coeur. Quant aux craintes que les membres de la commission ne connaissent pas nos réalités, attendons voir. Ils ne sont pas nés de la dernière pluie. Restent Ramgoolam et la sincérité de ses intentions.
« Il me donne l’impression de vouloir aller de l’avant. Et le plus vite possible », dit le Pr Carcassonne. Avant lui, bien d’autres ont eu... cette « impression ». Qu’en sera-t-il ? Ramgoolam y croit-il vraiment ou est-ce une démarche politique stratégique ? Le Ramgoolam « qui ne gouverne pas en se laissant dicter par les experts », n’est-il pas en train de repousser l’échéance de la réforme pour tenir en suspens l’échiquier politique ? Mystère. Ce qui est plus sûr, c’est qu’il s’en sortira probablement. Il dira sans doute qu’il ne s’est jamais engagé auprès de l’opposition sur la réforme, qu’il y travaillait à sa façon, que ces consultations avec le Pr Carcassonne ont lieu depuis longtemps. Mais s’il fâche pour de bon le MMM au point que celui-ci lui retire le soutien dont il a besoin pour faire voter toute réforme ? Ce n’est pas plausible. Bérenger regrettera amèrement que ce soit le PTr qui dicte les règles de la réforme mais il ne se posera quand même pas comme l’obstacle à sa réussite.
La bonne nouvelle, c’est que maintenant plus que jamais, Ramgoolam joue sa crédibilité. L’histoire ne lui pardonnera pas s’il rate cette occasion. Quelle réputation aura Maurice si elle méprise les conseils des sommités de l’Afrique du Sud, de l’Inde, de la France, de l’Angleterre, de l’Espagne...
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