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La démagogie en quatorze stations

25 mars 2013, 12:37

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Dans le meilleur des cas, c’est de la religiosité populaire. Sans racines rituelles très profondes. Dans le pire, c’est de la surenchère dans l’invocation, un brin teintée de superstition. En aucun cas, ça ne fait partie des obligations religieuses du catholicisme et il n’y a que les élus mauves de Port-Louis à penser qu’une administration municipale est dans son rôle quand elle facilite le pèlerinage aux quatorze églises. Et derrière cette farce bouffonne, apparaît à nouveau la perversion à Maurice du rapport du politique au religieux.

 

Cette tradition des quatorze églises – auxquelles se rendent, pendant le carême, certains Mauriciens – prend sa source dans la pratique du chemin de croix. Ce dernier, organisé autour de quatorze stations, apparaît d’abord le vendredi saint chez les chrétiens orthodoxes de Jérusalem. Plus tard, à partir du XIIIe siècle, des religieux franciscains européens découvrent, en Orient, cette dévotion et, progressivement, la transposent dans leurs églises en Italie. Ce n’est toutefois qu’en 1731 que le pape Clément XII autorise la pratique de la via crucis dans toutes les églises latines. Si l’on voulait encore démontrer que cela n’a pas de racines anciennes, que c’est loin d’être un rite millénaire immuable, on pourrait encore rappeler que, voilà juste un peu plus de 20 ans, en 1991, le Pape Jean Paul II, pour son exercice personnel, a éliminé cinq stations courantes : les trois chutes et les rencontres avec Marie et Véronique dont les évangiles n’attestent pas.

 

Pour remplacer ces épisodes apocryphes, l’avant-dernier pape a choisi cinq autres événements dont les écritures font bien état. Voilà où on en est – en termes d’ancienneté et de certitude de tradition - par rapport au chemin de croix. C’est dire combien plus encore la pratique des quatorze églises, qui n’est qu’une déclinaison étendue géographiquement de la même démarche, ne peut absolument pas se prétendre d’antique tradition. C’est aussi dire combien la majorité municipale de la cité se fait prendre au piège du ridicule alors même qu’elle croyait mériter de l’église.

 

Tout cela est électoraliste. Tout cela est tributaire d’une pitoyable surenchère, chacun s’ingéniant à faire plus fort que l’adversaire en matière de cajolerie des vote banks. Si ces élus insécures avaient un peu de culture, s’ils avaient une réelle intelligence des enjeux, peutêtre auraient-ils appris à conserver, de manière plus enrichissante pour tous, les valeurs des uns et des autres.

 

Participer à la rénovation d’un temple ou d’une mosquée centenaire, c’est aussi rehausser le patrimoine bâti dans l’espace public. Soutenir la restauration de tableaux du XIXe siècle dans une église, c’est aussi rappeler la vocation muséale de la ville. Dans un pays, dans une ville où les citoyens-lecteurs n’ont pas toujours les moyens d’avoir accès à des publications coûteuses, on saluerait une section religieuse régulièrement mise à jour à la bibliothèque municipale.

 

Quitte à réunir quelques érudits, pour constituer le comité appelé à choisir les ouvrages à commander. Soutenir les groupes religieux dans leurs démarches culturelles, à plus forte raison quand elles paraissent inclusives, les aider lorsqu’ils proposent des projets éducatifs citoyens, des initiatives pour la santé. Moyennant du discernement de la part des dépositaires de l’argent public, une évaluation sans complaisance de la pertinence sociale des actions, l’Etat et les collectivités locales pourraient très bien concevoir de nouveaux partenariats, intelligents et de proximité, avec les groupes religieux outillés pour cela.

 

Non pas parce qu’on aurait abusivement conféré à la sphère religieuse une mission de légitimation des candidatsélus et des élus-candidats mais, bien davantage, parce que dans certains domaines ces personnes disposent d’un réel savoir-faire. Moyennant que nos élus, eux, sachent distinguer le service du prochain de leur prochaine niaiserie.