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La fausse campagne

1 mars 2009, 10:40

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Elle est l’élection de toutes les contradictions. Ce que les électeurs s’imaginent n’est pas ce qui est. Ce qu’ils croient faire n’est pas ce qui se fera. Celui qui gagne pourrait perdre, le perdant a toutes les chances de transformer sa défaite en destin. A la vérité, tous les dirigeants politiques sont en train de mentir au pays. J’explique pourquoi.

Si l’on se fie aux signes extérieurs et à la part visible de la campagne électorale à Moka-Quartier-Militaire, Pravind Jugnauth devrait être en mesure de remporter l’élection partielle. Non pas sur la base du poids électoral de son parti mais grâce à l’appui remarqué du Parti travailliste. Grâce aussi à l’impression cultivée par le MSM que cette collaboration électorale est le prélude d’un accord global pour les prochaines législatives. Les partisans du Parti travailliste sont d’autant plus mobilisés qu’ils croient soutenir leur prochain allié. Rien n’est moins sûr.

Ce que les électeurs travaillistes ne savent pas, c’est qu’ils sont incités à voter Pravind alors que l’immense majorité de leurs parlementaires ne pensent qu’à Paul... A moins qu’eux aussi cachent leur jeu. Ils chantent Pravind à tue-tête dans les meetings pour mieux dissimuler leurs voix vengeresses dans l’isoloir. Les élections « sous-marin », ça existe, je sais de quoi je parle…

Les dirigeants et les élus travaillistes s’intéressent à Paul Bérenger non pas parce qu’ils l’apprécient – beaucoup d’entre eux lui sont même foncièrement hostiles – parce qu’ils savent déjà combien il sera difficile, presque impossible, à accommoder éventuellement les exigences d’un MSM qui chasse sur les mêmes terres électorales que le Labour. Pour conclure une alliance électorale avec le MSM pour les prochaines législatives, le Parti travailliste devra accepter de faire de la place aux candidats de Pravind Jugnauth, dans des circonscriptions qui lui sont déjà acquises, plus particulièrement en milieu rural. Je ne vois pas Navin Ramgoolam se montrer aussi généreux que Paul Bérenger aux dernières législatives. C’est tout le problème.

Et pourtant, si une alliance doit se faire, il faudra bien que le Parti travailliste accepte d’offrir à un nombre décent d’élus actuels du MSM, une circonscription alternative prenable. Combien de députés du MSM, élus en 2005 au sien de l’alliance MSM-MMM, grâce donc aux votes des électeurs MMM, pourraient espérer conserver leur siège dans la même circonscription ? Nando Bodha à Vacoas-Floréal ? Mireille Martin à Curepipe-Midlands ? Leela Devi Dookun-Luchoomun à La Caverne-Phoenix ? Maya Hanoomanjee à Savanne-Rivière-Noire ? Sheila Grenade à Grande-Ri vière- Nord-Ouest-Port-Louis-Ouest ? Ne parlons pas de Port-Louis-Nord-Montagne-Longue, de Beau-Bassin-Petite-Rivière. Shekar Naidu et Joe Lesgongard l’ont compris, eux qui anticipent et cherchent refuge ailleurs.

Quelques-uns le pourraient peut-être, dans une ou deux circonscriptions où l’Alliance sociale, alors dans l’opposition, avait fait jeu égal avec les candidats du gouvernement sortant de l’alliance MSM-MMM. Pas plus.

Ce problème de distribution de sièges n’est pas le seul. Il y a encore celui du rapport entre les deux alliés, et celui plus délicat encore de la hiérarchie gouvernementale. Sur ces terrains-là s’affrontent les ego, les ambitions, les appétences. Ils sont toujours excessifs chez Pravind Jugnauth. C’est pourquoi ceux qui se persuadent que l’alliance bleu-blanc-rouge est chose faite, se trompent. Il y a loin de la coupe aux lèvres.

C’est sans doute la raison pour laquelle ni Ramgoolam, malgré les apparences, ni les caciques du régime, malgré leurs discours, n’ont abandonné l’option d’une alliance avec le MMM de Bérenger. Elle est effectivement plus facile à monter. Tant au plan personnel qu’électoral. Et là aussi, malgré les invectives, les attaques et les insultes, Bérenger qui fait voter Ashock n’a pas arrêté de penser à Navin…

Je sais que les électeurs ont tendance à penser que les hommes politiques sont des monstres froids et cyniques. Peut-être un peu, mais ils sont aussi des grands sentimentaux, des êtres fragiles, des boules d’émotion. Ramgoolam ne le dira pas à ces électeurs, pas ces jours-ci, en tout cas, il dira même le contraire, mais, au fait, entre Pravind Jugnauth et Paul Bérenger, sur le plan strictement personnel, je prétends que sa préférence va au leader du MMM. Pareillement, je crois pouvoir affirmer que Bérenger sera prêt à laisser tomber les Jugnauth, les Dulloo, et que sais-je, au premier signal « digne et sincère » comme avait dit l’autre, de Navin Ramgoolam. Moka-Quartier-Militaire ne changera rien à cette donne.

Il n’y a pas que les affinités personnelles. Au plan pratique, une alliance électorale MMM-Travailliste est infiniment plus simple à configurer du fait de la complémentarité électorale des forces en présence. Grosso modo, l’un est fort où l’autre est faible ; l’alliance produit un véritable effet synergique, sa portée symbolique est manifeste. Dès le lendemain de la partielle, et indépendamment des résultats, les manœuvres seront enclenchées.

Un rapprochement Travailliste-MMM n’est pas si facile non plus. Il y a là deux cultures de l’action politique, deux conceptions antinomiques du rôle de l’Etat, deux styles personnels différents. Navin Ramgoolam qui a régné sans partage, qui a transformé son Conseil de ministres en caisse enregistreuse de ses quatre volontés, qui ne tolère aucune contestation de ses choix, qui consulte à peine, devra être prêt à un bouleversement radical de son mode de fonctionnement. Je crois qu’il hésitera beaucoup, il le fera que forcé et contraint.

Forcé par les événements, un bouleversement social difficile à gérer dans le sillage de l’inévitable crise économique ; contraint par l’impossibilité de trouver un accommodement avec le MSM. Je n’ai pas parlé de l’autre option : une alliance MMM-MSM ? Nous en parlerons si Pravind Jugnauth est battu…

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