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La genèse d’un conflit

16 février 2014, 11:18

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La genèse d’un conflit

Au départ, cela s’apparentait à de simples divergences. Puis, cela a pris la forme d’un « blame game » avant de finalement se transformer en une véritable guerre de tranchées entre les deux plus importantes personnalités du paysage économique de Maurice. Nous faisons, bien évidemment, allusion au bras de fer qui oppose actuellement le ministre des Finances, Xavier Duval, au Gouverneur de la Banque de Maurice, Rundheersing Bheenick.

 

Comment en sommes-nous arrivés là ? Pour mieux comprendre ces divergences « devenues structurelles », il est important de remonter à la genèse. Tout commence en 2012. Après sa nomination au poste de mi-nistre des Finances en remplacement de Pravind Jugnauth en 2011, Xavier  Duval se concentre sur la préparation de son premier Budget. Ce qui ne lui laisse pas le temps de voir de près la politique monétaire. La preuve, les deux dernières réunions du comité de politique monétaire en 2011, soit en septembre et en décembre, ont été marquées par des décisions prises à l’unanimité. Dans le premier cas, c’était pour laisser le taux directeur inchangé et, dans le second, pour l’abaisser de 10 points de base.

 

Toutefois, la situation allait rapidement changer avec la reconstitution du comité de politique monétaire en mars 2012. Un exercice qui avait même vu, à l’époque, le report de la réunion en raison justement des difficultés à réconcilier des positions extrêmement divergentes. Avec les nouveaux membres fraîchement nommés, la guerre d’influence sur ce comité ne faisait que commencer. C’est ce comité new-look qui donnera d’ailleurs le ton des nouvelles relations entre la Banque de Maurice et le Trésor public. Il ouvrira également une nouvelle ère en matière de politique monétaire avec un coup de semonce qui enleva 50 points de base au taux directeur. Une réunion qui sonnait aussi le glas de la période de « consensus et de l’unanimité ».

 

Si, à l’époque, le marché anticipait une détente monétaire, en revanche, l’ampleur de la baisse avait pris tout le monde de court. D’autant plus qu’après avoir réduit le Repo Rate de 10 points de base à l’issue de la réunion de décembre 2011, le Gouverneur de la Banque centrale annonçait que le comité procéderait désormais par petites touches. Mais, c’était mal connaître ceux qui estimaient que la croissance était la priorité du moment. S’ensuit alors une bataille rangée entre deux camps opposés sur la nécessité soit de favoriser la croissance, soit de lutter contre les pressions inflationnistes.

 

Le départ de l’ancien Secrétaire financier, Ali Mansoor, l’année dernière, n’a rien changé à ce conflit qui a fini par trouver son chemin jusqu’en 2014. Au contraire, les récents épisodes de ce feuilleton qui a débuté en 2012 indiquent un durcissement de ton avec, cette fois-ci, le surplus de liquidités dans le circuit bancaire comme nouvelle source de tensions.

 

Alors que nombre d’observateurs s’attendaient à ce que le Fonds monétaire international, qui était de passage dans l’île récemment, allait contribuer à rapprocher les positions des principaux protagonistes, tel n’a pas été le cas. Pire, les commentaires émis par la mission dirigée par Martin Petri n’ont fait qu’alimenter davantage les tiraillements.

 

Au sujet de l’épargne, par exemple, l’institution de Bretton Woods s’aligne carrément sur la position du Trésor public lorsqu’elle est venue dire que la politique monétaire n’a qu’un impact très limité sur celle-ci. Selon Martin Petri, le mécanisme de transmission monétaire a une incidence sur l’activité réelle et l’inflation, mais s’agissant de l’épargne, il trouve que le taux est déterminé par des facteurs structurels autres que le taux d’intérêt, prenant ainsi le contre-pied du Gouverneur de la Banque de Maurice. Un commentaire qui a d’ailleurs été repris par le ministère des Finances dans un communiqué, dans la soirée de vendredi dernier.

 

Même quand il accepte, à la demande du FMI, de participer à l’exercice de stérilisation de l’excès de liquidités dans le but d’améliorer le mécanisme de transmission monétaire, le ministère des Finances trouve moyen de se démarquer. Il insiste que sa participation se fera à ses conditions et qu’il n’y aura pas de chèque en blanc. Une phrase qui n’a pas été du goût de Rundheersing Bheenick. Celui-ci ne s’est pas fait prier pour réagir le lendemain à travers un communiqué soulignant que la question de chèque en blanc ne se pose pas et que le Trésor public qui, à son avis, est  responsable de cet excédent de liquidités en raison de sa propension à avoir recours aux financements étrangers, devrait assumer ses responsabilités. Il répond également aux critiques portées à l’égard des services de la BoM en matière de prévision de l’inflation en renvoyant le Trésor public à ses projections de croissance dans le cadre de la présentation des  différents Budgets.

 

Finira-t-on par voir la fin de cette guerre de chiffonniers ? Ceux qui ont assisté au match Rama Sithanen / Rundheersing Bheenick en 2009 se demandent si le Premier ministre, le Dr Navin Ramgoolam, prendra le risque d’arbitrer le match Duval / Bheenick  en 2014.

 

Dans l’attente d’un éventuel arbitrage, l’absence de coordination entre le Trésor public et la Banque de Maurice sur plusieurs questions majeures se fera toujours sentir. Ce n’est certainement pas demain la veille que les deux institutions se mettront autour d’une même table pour décider d’un taux acceptable d’inflation pour Maurice. Cela, alors qu’une telle décision aurait pu – du moins nous aurions espéré – nous faire l’économie de la bagarre trimestrielle sur l’inflation et la croissance. L’alignement du taux interbancaire sur le taux directeur, comme le préconise le FMI, ne se fera pas non plus du jour au lendemain sans une bonne coordination.