Publicité

La glissade

20 mai 2010, 09:59

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Beaucoup de Mauriciens ont été choqués de découvrir, hier, le visage de la nouvelle île Maurice. Ils ont pu lire, sur deux pages, les lettres adressées par divers services de l’Etat à «l’express» pour résilier leur abonnement. La population a ainsi appris, avec stupeur, jusqu’où peut aller le pouvoir en place pour s’attaquer aux libertés : celui-ci tente de cacher de la vue des fonctionnaires un journal indépendant.

Les citoyens les plus avisés sont particulièrement outrés de constater que même des départements publics qui sont censés mériter le respect du public par leur impartialité ont exécuté l’ordre des maîtres politiques.

La Police, par exemple, a rejoint la cohorte des institutions publiques qui se sont pliées aux caprices des princes. «Due to financial constraints, the Police Headquarters will no longer subscribe to any newspaper/ periodicals issued or published by La Sentinelle», nous informe le Sgt 1787 Mirthil, du «Police Public Relations Office» dans sa lettre en date du 15 mai. La Banque centrale, autre institution théoriquement indépendante des pouvoirs publics, participe également au boycott de «l’express».

La mesure de rétorsion des autorités vis-à-vis d’un journal qui refuse d’être mis sous tutelle est l’une des caractéristiques d’un régime totalitaire. C’est précisément le début de la glissade vers le totalitarisme qui inquiète les Mauriciens.

Les apologistes du régime vont tenter de justifier cet acte de répression en invoquant une soi-disant préférence partisane exprimée par notre journal durant la campagne. Mais nos lecteurs savent, eux, que notre seul parti pris a été pour le pays. Nous ne défendons pas des partis, mais les libertés, la démocratie, la justice et une prospérité partagée.

Il est vrai que la campagne est terminée depuis longtemps mais il est tout de même utile, ici, de recenser les accusations qui ont été portées contre nous pour que nos lecteurs puissent mieux en juger la validité.

D’abord, on nous reproche d’avoir écrit que la lutte électorale était serrée. Oui, nous l’avions dit et le résultat du scrutin, en termes de suffrages, démontre que nous avions raison. L’alliance PTr-MSM-PMSD a remporté 50,72 % des voix exprimées tandis que le MMM et ses alliés en ont recueilli 42,88 %.

Ensuite, on nous accuse d’avoir accordé une couverture plus favorable à l’opposition. Pourtant, il est facile de vérifier qu’à chaque fois où il y avait un choix qui pouvait favoriser un camp ou l’autre, nous avons donné la priorité à l’alliance dirigée par Navin Ramgoolam. Non seulement, la hiérarchie des articles en Une accordait la préséance à la majorité sortante, mais les pages couleur étaient essentiellement dédiées aux activités du PTr et de ses alliés.

Citons également un fait qui semble échapper à l’attention des Travaillistes. Ils nous accusent d’avoir tenté de nuire à leurs chances alors même que sur une question qui était vitale à leurs propres yeux nous leur avons donné un net avantage. Il s’agit de l’affluence aux rassemblements du 1er mai. De l’avis de tous, le parti qui allait réussir la meilleure mobilisation allait capitaliser sur ce succès pour s’envoler vers la victoire.

Or, nous écrivions le 3 mai dernier que «l’express estime qu’ils étaient 20 000 au meeting de l’Alliance du coeur à Port-Louis et 30 000 à celui de l’Alliance de l’avenir, à Quatre-Bornes.» L’issue des élections aurait pu être différente si notre journal s’était abstenu de désigner un gagnant pour la joute du 1er mai.

Ni les journaux de propagande travailliste, ni la MBC n’ont eu le courage de rendre publiques leurs estimations de foule. Nous avons, pour notre part, assumé cette responsabilité et fait notre devoir. Et ce, après avoir écrit quelques jours plus tôt, que l’affluence aux meetings allait avoir une influence déterminante sur les électeurs indécis.

En vérité, certains n’ont pas apprécié notre traitement équilibré et juste de l’information. Pour le PTr, nous devions probablement écrire, avant le scrutin, qu’ils avaient déjà gagné si nous voulions démontrer que nous ne sommes pas partisans.

Nous devons remercier nos lecteurs, de même que certains confrères pour leurs nombreuses marques de sympathie, depuis que la campagne de boycott contre «l’express» s’est intensifiée. En particulier, un grand merci à tous les fonctionnaires qui ont fait des réservations d’abonnement à titre personnel depuis que les puissants du jour ont décidé qu’ils ne doivent pas lire «l’express».

De toute façon, si quelqu’un pouvait se sentir lésé par un quelconque traitement de défaveur de la part de «l’express», c’est le PTr et pas l’Etat. Pourquoi donc est-ce l’Etat qui frappe avec des mesures de représailles contre «l’express» ? Le parti n’est pas propriétaire de l’Etat. Nous ne vivons pas (encore) dans un Etat-PTr.