Après l’étonnante décision du chef juge de ne pas confier l’intérim, en l’absence du no 1 et du no 2 de la Cour suprême, au juge Balancy, les réactions sont vives. Il est vrai que le chef juge a le droit de nommer la personne de son choix pour assurer la suppléance aux deux postes, mais l’ancienneté est normalement respectée dans ces cas. Ainsi, l’évincement du no 3 ne pouvait manquer de soulever des interrogations.

Ces remous créent un climat incertain à la veille du départ à la retraite du chef juge, Bernard Sik Yuen. Dans l’ordre normal des choses, c’est Keshoe Parsad Matadeen qui doit être promu chef juge au départ du titulaire. Eddy Balancy, lui, devrait être nommé Senior Puisne Judge si les choses se passent comme prévu. Mais depuis les récents événements, on craint d’autres surprises.

La question de la nomination aux postes les plus élevés du judiciaire devrait faire l’objet d’un débat dépassionné. Il faut éviter que la situation ne débouche sur une crise politico-judiciaire comme dans les années 90. Bernard Sik Yuen fut nommé SPJ par Jocelyn Forget, le chef juge d’alors, à la place du juge Ariranga Pillay. Cette nomination était contestée par des mouvements socioculturels qui avaient alors fait campagne contre ce qu’ils estimaient être un passe-droit. Finalement, Ariranga Pillay fut rétabli dans tous ses droits et occupa les fonctions de chef juge.

Le départ à la retraite de Bernard Sik Yuen est une occasion pour revoir le mode de nomination du chef juge. Les dispositions actuelles de la Constitution prévoient que «The Chief Justice shall be appointed by the President acting after consultation with the Prime Minister ». Or, pour une réelle séparation des pouvoirs, il faut donner au processus un caractère apolitique. Par exemple, en accordant au Président le pouvoir de nommer le chef juge sans consultation avec le Premier ministre.