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Le beurre et la route vers l’Est
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Le beurre et la route vers l’Est
Avantl’arrivée des mappes de Mercator (1569) et seulement quatre années après le voyage historique de Christophe Colomb aux Amériques, la directive générale donnée aux marins qui souhaitaient renouveler l’expérience de Colomb se résumait à ceci : « Allez vers le Sud , jusqu’à ce que la motte de beurre ait fondu, puis allez directement vers le soleil couchant » ! C’était ainsi que les voiliers de l’époque trouvaient les vents du sud pour traverser l’Atlantique. Cette recommendation était, en fait, la carte, le plan des marins de l’époque et aussi sommaire qu’elle ait pu être, elle était capitale, parce que tout le monde en dépendait et s’y fiait. L’histoire ne nous dira pas ce qui se passait quand il y avait trop de nuages…
Quittons l’Atlantique du XVIe siècle et rejoignons l’océan Indien du XXIe siècle et cherchons, un moment, ensemble, la carte commune de notre nation.
Existe-t-elle d’abord ?
En fait, la carte commune de la nation est constituée de plusieurs cartes représentant toutes les routes que nous pourrions souhaiter prendre. Quelques cartes communes existent, mais il y a bien trop de routes pour lesquelles on doit faire et trouver mieux…
Par exemple, comment parler de carte commune quand le gouverneur de la Banque centrale va dans une direction, qui n’est pas celle du ministre des Finances ! A mon sens, c’est le ministre des Finances qui a raison dans les circonstances présentes, en vue des risques à l’emploi et à la balance des comptes courants mais l’important, c’est bien de trouver un compromis productif pour le pays, plutôt que d’insister sur ce qui les différencie et de créer plus de dysfonctionnements (et de littérature) que nécessaire !
De la même manière, à chaque fois que des élections se terminent, on coupe le pays en deux : « zot bann » et « nou bann » ne sont plus nécessairement traités comme les citoyens d’un même pays, avec les mêmes aspirations et les mêmes besoins. La première moitié voit son beurre fonder beaucoup plus vite que l’autre moitié car elle est sur le pont, respirant le grand air. L’autre moitié est en cale, grincheuse et rongeant son frein. Comment dès lors espérer un voyage serein, confiance ?
Comme carte commune nationale, nous pouvons tous nous aligner sur le désir du ministre Jeetah de voir au moins un gradué par famille avant cinq ans, mais attendons encore, sans doute, de pouvoir trouver une norme commune sur la qualité minimale attendee de toutes ces formations postsecondaires. Nous avons bien la vision de la « première île-cité artistique et culturelle au monde » du ministre Choonee (lire Business Magazine, 21 août), mais il reste peut-être à démontrer que l’on est le Christophe Colomb des arts et de la culture et que l’on a effectivement… découvert l’Amérique. Nous sommes tous heureux de systèmes de transport public améliorés, de routes nouvelles, mais avonsnous été suffisamment transparents sur ce que cela va coûter au pays et aux usagers en péage ? Une nouvelle aérogare est incontestablement une nécessité et un objet fédérateur de fi erté. Espérons que l’allocation des comptoirs et des services divers ne le soit pas moins.
Notre carte commune, je n’en doute pas, comprend un judiciaire au-dessus de tout soupçon, efficace et rapide ; un Internet qui carbure rapidement à au moins 50 % de ce qui se fait à Londres (30 livres sterling par mois pour 20 Mbps en downloadé et 2 Mbps en uploadé) ; une presse libre et responsable, de nouvelles licences radio, des télévisions privées ; une école qui marche, pour tous ; une attention particulière aux laissés-pourcompte de notre pays ; un combat intelligent et valorisant contre la misère ; un pays discipliné, productif, inventif et valorisant ; un pays qui pratique avec courage ses principes, applique ses lois sans faveur et non pas pour punir les « autres ». Notre carte commune veut de l’eau 24/7, mais doit comprendre qu’il faudra payer pour. Elle souhaitera des plages publiques propres et comprendra qu’il faudra, pour cela, ne pas salir. Elle voudra d’un lagon propre, étincelant, vivant… et cessera, pour cela, de polluer à tous vents.
Notre carte commune demande aussi un système démocratique, politique et constitutionnel qui marche, qui renouvelle ses dirigeants régulièrement, qui assure la relève, qui attire les meilleurs et les plus méritants, qui est transparent sur le fi nancement des partis politiques. Le beurre a déjà longtemps fondu sur cette question-là. Et on ne fait toujours pas route vers l’Est !
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