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Le choix des armes

11 avril 2010, 02:51

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A vingt-trois jours du scrutin, la campagne électorale n’a toujours pas commencé. Les mimiques des apparatchiks, les hurlements des seconds couteaux, les trahisons négociées ne peuvent tenir lieu de débat  démocratique. Une condition essentielle à la compréhension des enjeux de la bataille électorale est toujours absente : le programme gouvernemental sur lequel chaque alliance s’engage pour les cinq prochaines années.

Pourtant, des questions de société primordiales méritent d’être débattues et réglées d’urgence. Le pays est sur une mauvaise pente ; obnubilé par la crise économique  mondiale, que le tandem Sithanen-Mansoor a par ailleurs excellemment gérée sur le plan national, il n’a pas accordé toute l’attention voulue à d’autres risques auxquels il est aussi exposé.

J’en vois au moins quatre que personne ne peut contester :

1. La cohésion sociale. Les liens entre les diverses composantes de la nation se  istendent. Les claniques se renforcent, des chefs de tribus ont accès à l’hôtel du gouvernement, leurs discours de division ont droit de cité, certains sont devenus des héros de la République. En d’autres temps, ils en furent l’opprobre. La belle image de la nation arc-en-ciel vole en éclats, et ce n’est pas l’alliance électorale voulue par Navin Ramgoolam qui  ressoudera la nation. Elle s’est constituée, au contraire, pour exacerber les divisions.

2. La sécurité des personnes. Découlant sans doute du dépérissement de la nation,  l’agressivité et la violence sont désormais le mode d’expression d’un nombre grandissant de Mauriciens. Elles le sont d’autant plus que la police ne parvient plus à mériter le respect des citoyens. C’est le résultat d’un recrutement biaisé et d’un manque patent de formation et de discipline. J’ai connu une époque où les policiers tremblaient devant leurs chefs…, eux-mêmes des commandants très rigoureux. La police mauricienne a perdu son prestige ; dans un pays comme le nôtre, c’est jouer avec le feu.

3. L’affaiblissement des institutions. C’est sans doute le mal le plus pernicieux. A la présidence de la République, dans les institutions formellement indépendantes, dans la fonction publique et les organismes semi-gouvernementaux, les règles de neutralité de l’Etat, l’obligation d’indépendance à l’égard du pouvoir, le principe de l’égalité des droits sont quotidiennement bafoués. L’Equal Opportunities Act est une sinistre farce. Un grand nombre d’organismes d’Etat ont été accaparés et sont pillés par des dirigeants dont les seules qualités sont la largeur et la longueur de leur langue… Il y a, fort heureusement, quelques exceptions, mais elles sont rares.

4. Le rétrécissement démocratique. La démocratie n’est pas qu’un système politique. C’est une culture. Ce gouvernement n’est démocrate que par contrainte. A chaque fois qu’il le peut, il cherche à rogner l’espace de liberté des citoyens. Les exemples en sont nombreux ; Ramgoolam a rusé pour affaiblir l’opposition. Je ne crois pas que ce soit de bonne guerre. Les leaders politiques combattent franchement leurs adversaires, ils ne les désarment pas avant d’engager le combat. L’Etat travailliste a voulu étouffer toutes les organisations non-gouvernementales susceptibles de critiquer sa gouvernance. Il utilise la station nationale de radio-télévision comme son bien propre ; il se sert des fonds publics pour tenter d’asphyxier la presse libre et indépendante et récompenser ses flagorneurs.

Si nous ne débattons pas de ces questions au cours de la campagne électorale, je ne vois pas de quoi nous parlerons. L’Alliance sociale devrait pouvoir défendre son bilan sur ces thèmes-là, et l’opposition ne devrait pas se contenter de la promesse un peu courte d’une « autre île Maurice ». Les citoyens éclairés – et ils sont de plus en plus nombreux –  veulent des engagements précis, concrets, et surtout qu’on leur explique comment on compte les tenir. L’Alliance sociale a choisi le terrain de la confrontation, l’opposition a le choix des armes !

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