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Le créole est à nous (tous) !
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Le créole est à nous (tous) !
A première vue, l’initiative de la Fédération des créoles mauriciens (FCM) est fort louable. Dans un communiqué daté d’hier, elle annonce le démarrage d’une campagne nationale « pour l’introduction du créole mauricien à l’école. » La demande paraît justifiée. L’Unesco ainsi que les experts en pédagogie et linguistique sont unanimes à dire que l’utilisation de la langue maternelle permet un meilleur apprentissage des matières enseignées. D’expérience, les responsables locaux du projet Prevokbec le confirment. Le créole à l’école se justifie d’abord pédagogiquement. Or, la FCM s’emmêle encore une fois les pinceaux. Elle recourt à un argumentaire divisionniste et dérangeant pour motiver sa revendication. Voyons les faits.
La FCM « reconnaît le créole mauricien comme la langue ancestrale des Créoles, la langue maternelle et de communication de tous les Mauriciens ». Ce discours est inacceptable. Car il crée deux catégories de citoyens. L’une, ethnique : les descendants
d’esclaves dont « la langue ancestrale » est le créole. L’autre, culturelle : tous les Mauriciens dont le créole est la langue maternelle. Au passage, la FCM réinvente l’histoire. Aucun des esclaves venus de Gorée, du Mozambique ou de Magadascar ne parlait notre créole ! Cette langue est née à Maurice à travers le brassage des syntaxes, des mots et expressions aussi bien africaines, qu’européennes et asiatiques. Si le créole doit faire son entrée dans nos écoles, c’est d’abord parce qu’elle est notre langue maternelle à tous !
Décidemment, cette organisation qui lutte contre la ségrégation et l’exclusion donne le mauvais exemple. La FCM explique ainsi que « le droit des enfants CREOLES à leur langage est un droit linguistique et culturel » qui découle de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. La même phrase sans le mot « créole » aurait été tout à fait légitime. Hélas, la FCM choisit encore d’ethniciser le débat. Seul un naïf pourrait croire qu’un petit Hedley de 6 ans a plus de droit à la langue créole qu’un Ajay, une Swaleha ou un Ah Moy du même âge. Pourtant…
Le ridicule ne tuant pas – la bêtise non plus – la FCM en remet une couche. Elle considère l’introduction du créole à l’école « à côté des autres langues » comme « une réparation historique » dans « le cadre de la réparation et de la justice envers les créoles
descendants d’esclaves ». La FCM se trompe encore une fois lourdement. Le créole est la langue de TOUS les Mauriciens. Si les descendants d’esclaves veulent apprendre – c’est d’ailleurs compréhensible – leurs langues ancestrales, il faudrait plutôt enseigner le Ouolof ou le Malgache dans nos écoles. Ceci pourrait être une réparation symbolique pour les descendants d’esclave.
Bien malgré elle, notre langue maternelle est devenue l’objet d’un combat ethnico-politique. Prenons toutefois le temps de rappeler quelques réalités à la FCM. Lors de la manifestation des militants anti-incinérateurs dimanche dernier à La Chaumière, l’essentiel des slogans étaient scandés en créole. Quand Harish Boodhoo organise une conférence de presse au sujet d’un lieu de culte hindou, il s’exprime en créole. Quand un maulana convoque la presse pour parler des activités dans le cadre de Eid, c’est toujours en créole qu’il s’exprime. Quand le Premier ministre de la République s’adresse à la population, il le fait encore une fois dans la même langue. A ce titre, le créole n’appartient ni à « nou bann » ni à « bann là ». Il appartient à nous TOUS. Le FCM devrait donc s’abstenir d’ethniciser un débat national d’ordre éducatif et culturel.
Pour terminer, lançons en l’air une suggestion. Si l’Anglais parle en anglais, l’Indonésien en indonésien et le Japonais en japonais ; il serait bon qu’on dise d’un Mauricien qu’il parle mauricien. Cela évitera bien des revendications insensées.
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