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Le mort a bon dos…

24 août 2013, 05:16

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Dans ce paradis qu’est Maurice, un chauffeur de bus acclamé pour son héroïsme par toute la nation est devenu le principal suspect de la police. L’Américain dirait que Ganesh Deepchand, le chauffeur de la CNT décédé derrière son volant, «seems to have been thrown under the bus» par nos autorités.

 

Puisqu’ils ne peuvent pas communiquer de l’audelà, les morts ont souvent, à tort ou à raison, bon dos. Dans le cas du chauffeur Deepchand, malgré la diffusion de cette étonnante info sur notre héros national émanant des Casernes centrales, son collègue, le receveur, et nombre de passagers, rescapés du terrible accident du 3 mai, continuent à croire que Ganesh Deepchand a évité le pire, grâce à son sang-froid – lire demain le texte de Shandinee Yagambrum dans l’express-dimanche.

 

La police aurait-elle des données additionnelles que celles des survivants qui étaient à bord du bus ? Peut être, puisqu’elle prend tout le monde à contre-pied…

 

Malheureusement pas vraiment ! Une semaine seulement après l’accident, le premier à avoir jeté l’opprobre sur le chauffeur-héros était Robin Soonarane, General Manager de la CNT, qui ne croyait pas à la thèse des freins défaillants, encore mois au fait que la compagnie qu’il dirige devait être blâmée. L’homme fort de la CNT, objet de toutes les critiques, déclarait, en effet, dans une interview à Fabrice Acquilina : «Je n’exclus pas une erreur de conduite du chauffeur.» C’était le 12 mai 2013, une semaine après l’accident.

 

Depuis, les choses ont évolué à la CNT. Le chairman Ashwin Dookun a été sacrifi é sur l’autel de la realpolitik, après son bras de fer avec le ministre Anil Bachoo. Et la police semble privilégier l’erreur humaine : celle du chauffeur et celle du receveur qui aurait admis quelques passagers en plus. Et l’on parle de moins en moins des problèmes de pièces de rechange des autobus, du mauvais planning des entretiens, des appels d’offres défi ant toutes les lois de la transparence et de l’équité, de l’achat initial des bus Blue Line, etc.

 

La police n’aura pas le loisir de s’attarder sur le fait que si les bus sont bondés et si les receveurs sont obligés de prendre des passagers debout – sinon ils risquent de se faire agresser — c’est surtout à cause de la mauvaise planifi cation de la direction des companies d’autobus qui, bien des fois, n’envoient pas suffisamment de bus aux heures de pointe. Cela permet de maximiser les rendements. Mais elles on ne les poursuit pas, car on a besoin d’elles, pour transporter des gens aux meetings… Alors on augmente le prix du ticket d’autobus sans qu’elles n’en fassent la demande.

 

Notre pays est en sérieux manque de héros.

 

Le chauffeur Deepchand en est devenu un, à titre posthume. Ce serait malheureux aujourd’hui que des incompétents se cachent derrière lui pour bâcler une enquête dont les ramifi cations touchent les hautes sphères politiques et fi nancières de ce pays…

 

Peut-être que cela n’a rien à voir, mais on ne peut s’empêcher de faire le lien. La police recherchait-elle vraiment… trois graines de gandia chez les Dookun, ou pensait-elle tomber sur des documents compromettants de la CNT qui pourraient réorienter l’enquête policière ? Ou était-ce seulement un règlement de comptes entre politiciens en «l’absence du Premier ministre», comme le clame Ashwin Dookun ? C’est une question que les rouges auront à trancher, en leur âme et conscience, et par respect pour l’âme de Ganesh Deepchand… et la vérité.