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Le ‘Power Game’

6 mars 2012, 06:19

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Le vote intervenu samedi au Comité central du MMM sur «le principe» d’un remake de l’accord Bérenger-SAJ, est quelque part un marché de dupes, du genre «Pile je gagne, face tu perds», au profit du MMM.

Il compromet, en effet, singulièrement le président de la République, affectant du coup sa posture constitutionnelle et sa future crédibilité à ce poste.

Mais inversement, le vote n’engage pas pour autant – et de manière définitive - le leader du MMM, qui dispose, lui, toujours de deux échappatoires commodes pour éventuellement faire marche arrière si les circonstances l’exigeaient :

(i) le fait que seul le «principe» d’un remake ait été acquis, et non les obligations et modalités d’un accord, avec les risques de dissensions futures que cela comporte (ii) l’indispensable caution de l’Assemblée des délégués MMM (la plus anti-MSM des instances du parti), qui pourrait toujours, le cas échéant et dépendant des calculs de la direction, refuser sa bénédiction finale.

Dans les deux cas, Paul Bérenger avance, lui, son agenda de manière déterminée, mais Sir Anerood est, lui, coincé. On comprend, dès lors, que ce dernier, connaissant intimement le personnage, flaire le coup fourré et cherche à assurer ses arrières avant de bouger.

Le piège, en effet, pourrait être énorme et la chute fatale.

Pour vif que soit son désir d’en découdre une dernière fois avec le Dr Navin Ramgoolam, Sir Anerood est politiquement trop fi n pour ne pas se poser les questions auxquelles personne ne peut encore apporter des réponses, compte tenu de la stupéfiante duplicité affichée désormais par Bérenger. SAJ n’est pas né de la dernière pluie. Il devine bien les motivations réelles de Bérenger : utiliser la crainte que SAJ inspire à Ramgoolam pour faire plier le PM. Sir Anerood mesure bien, par ailleurs, ce qu’implique la précision de Bérenger à l’effet que le MMM souhaite faire alliance «avec SAJ, mais pas forcément avec le MSM».

Le président constate également que le MMM a évité avec soin jusqu’ici de confirmer s’il prendra le MSM à bord aux Municipales. Il sait aussi que Bérenger tolère son fils mais, qu’au fond, il méprise profondément Pravind Jugnauth et que, SAJ parti, Bérenger, à la moindre occasion, ne laisserait aucune chance à son fragile allié.

Enfin, et plus important encore, Sir Anerood sait parfaitement (pour l’avoir pratiqué pendant 40 ans) que le premier choix d’alliés de Bérenger depuis 1987 a toujours été et restera toujours Navin Ramgoolam et le PTr. (Si quiconque a encore le moindre doute à ce sujet, le livre de Jayen Cuttaree - «Behind the purple curtain» - sur les innombrables tentatives de rapprochement Bérenger/ Ramgoolam (père et fils) et sur le «désespoir» du MMM en 1996 devant le «shattered dream» de la rupture Navin/ Paul est plus qu’édifiant).

Sir Anerood, comme tous les observateurs, se demande donc en permanence : A quel jeu Bérenger et Ramgoolam jouent-ils ? SAJ craint – et non sans raison - de devenir le dindon d’une énorme farce, terminant sa remarquable carrière dans le ridicule d’une supercherie.

La difficulté de voir clair dans l’évolution politique tient aujourd’hui, pour une large part, à la complexité des positionnements et des manoeuvres de séduction auxquels se livrent sans arrêt (mais sans conclusion apparente) Ramgoolam et Bérenger.

Une situation de «ni guerre, ni paix», «ni tout à fait alliés, ni tout à fait adversaire » et qui varie selon leur humeur s’est, en effet, établie dans les rapports entre les deux hommes. Elle obscurcit l’analyse.

Les deux chefs tiennent le pays en otage, pratiquant avec une égale habilité l’art consommé du double langage et utilisant outrancièrement alliés et adversaires.

Ramgoolam et Bérenger jouent, l’un avec l’autre, au chat et à la souris, mais sans que jamais le chat ne se décide à manger la souris, devenue sa vieille complice. L’ambivalence de leurs sentiments l’un envers l’autre désoriente jusque leurs camps respectifs. Les mêmes questions restent, depuis des années, pertinentes : Ramgoolam est-il vraiment prêt à partager le pouvoir avec Bérenger ? Ce dernier est il vraiment prêt à servir sous un président Ramgoolam ?

Dans quel rapport de forces ?

Les deux hommes pourront ils se supporter longtemps au pouvoir ?

L’échec récent des négociations sur la réforme électorale vient souligner le gouffre qui sépare leur volonté de rapprochement des réalités du terrain. Tout est désormais lié, mais on n’avance plus :

Pour le PM, il n’y aura clairement pas de réforme majeure s’il n’y a pas, au préalable, alliance politique formelle entre PTr et MMM. Le risque de réformes mal reçues par l’opinion est trop grand pour que Ramgoolam l’assume seul.

Pour Bérenger, par contre, il n’y aura pas de négociation sérieuse de gouvernement d’unité nationale s’il n’y a pas, au préalable, élaboration formelle d’une réforme électorale au goût du MMM et qui, à travers le PR, doublé du «Best Loser System», augmenterait la représentativité parlementaire MMM et diminuerait le poids du PTr.

A défaut d’accords sur ces sujets, la situation politique nationale reste figée, bloquée, suspendue. Les «remakes», alliances et «come-backs» qui excitent la nation sont tous tributaires de développements hors du contrôle du MSM, mis hors jeu.

SAJ pourrait, dès lors, attendre longtemps encore une vraie clarification, condamné à l’inconfortable position de «second best». Ennuyeux pour lui : le temps est, en effet, son ennemi, pas son allié.


 

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