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L’effet invisible
MAURICE, nous dit-on, passe à l’heure électorale. Ce n’est pas vraiment une nouvelle : la vérité c’est que notre pays et ses politiciens sont en campagne permanente. À bien voir, celui qui a un vrai problème, c’est Xavier-Luc Duval. Il doit trouver, dans les prochains jours, une équation pour concilier son rôle de leader d’un petit parti politique et celui de ministre des Finances. Son prochain budget devrait s’attaquer aux défis économiques (croissance à privilégier, chômage à résorber, main-d’oeuvre étrangère pour relancer la construction) tout en digérant la définition du mot “béquilles” et en préparant la vitrine sociale du gouvernement, malmenée par l’effondrement du pouvoir d’achat. Difficile, en effet, de rester populaire s’il faut trancher entre les employeurs et les employés. Encore heureux pour lui que le PRB s’est chargé des fonctionnaires qui ont, eux, le pouvoir de faire et de défaire les coalitions au pouvoir.
Le problème avec nos politiciens, c’est que trop souvent leur vision va jusqu’à cinq ans au maximum. Elle s’arrête au renouvellement ou pas de leur mandat. Leur raisonnement est simple : il faut être au pouvoir pour initier des réformes. Et pour être au pouvoir, il faut être populaire. Et pour être populaire, il faut séduire l’électorat en créant davantage de richesse et en essayant de la partager entre différents groupes de votants. Pareille survie politicienne n’est pas compatible avec le présent contexte économique.
Qu’il s’agisse de juger des effets d’une politique économique, le journaliste-économiste français Frédéric Bastiat (1801-1850) mettait, il y a longtemps déjà, en balance «ce que l’on voit» et «ce qu’on ne voit pas». Pour lui, dans la sphère économique, un acte politique, comme la réforme économique, n’engendre pas seulement un effet, mais une série d’effets, qu’on voit progressivement, dans le temps. Entre un mauvais et un bon économiste, la différence c’est que le premier s’en tient à l’effet visible, l’autre tient compte de l’effet qu’on voit et de celui qu’on ne voit pas et qu’il faut prévoir.
Frédéric Bastiat, pourtant défenseur du libremarché, était l’un des premiers à vulgariser la notion que l’activité économique n’est pas une activité close qui s’exerce au travers de statistiques, mais que l’activité économique, par sa nature, débouche, d’un côté, sur l’homme et, de l’autre, sur la société.
Le fait est que nous n’avons pas dépassé le mi-mandat électoral, mais nous sommes au milieu d’un vaste monde qui change sans cesse. Et le petit jeu politique mauricien est dépassé. Il faut voir plus grand, plus loin. Moins étriqué ! Il faut voir ce qu’on ne voit pas encore. Le discours nécessaire pour un développement durable s’inscrit dans la durée, et c’est peutêtre pour cela qu’on l’entend davantage, chez nous, dans les sphères citoyennes que politiques. Après leur mandat, les politiciens peuvent s’en aller, le pays, lui, sera toujours là. Mais dans quel état ?
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