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Les ouvriers jetables

8 septembre 2013, 07:14

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L’odeur âcre du gaz lacrymogène a flotté dans l’air mardi aux abords de l’usine Real Garments, à La Tour Koenig. La police a dispersé par la force une manifestation des ouvriers bangladais insatisfaits de leurs conditions de travail. Le lendemain, une centaine de travailleurs étaient rapatriés.Face à leur révolte, le ministre du Travail a fait preuve de vanité plutôt que de finesse. Il promettait de « déporter l’ensemble des 468 ouvriers », s’il le fallait.

 

 

Le ministre Shakeel Mohamed aurait adopté une attitude moins prétentieuse s’il avait cherché les vraies causes du comportement des manifestants. Si les valeurs de solidarité et de générosité l’inspiraient mieux, il n’aurait pas manifesté de l’indifférence face aux conditions de vie de ces travailleurs venus d’ailleurs. Il aurait compris les raisons derrière la dégradation de leur situation. Cela aurait évité au pays les fanfaronnades du ministre à propos de son pouvoir de rapatrier massivement les Bangladais.

 

 

De plus, cela aurait mis le pays à l’abri de sa décision arbitraire concernant les étrangers employés dans la construction. Le minister a décrété, de manière intempestive et sans consultation avec les opérateurs privés, le gel du recrutement des ouvriers étrangers de ce secteur.

 

 

Il a cédé à la facilité du discours anti-étranger. Pourtant, du textile à la construction en passant par la boulangerie et la restauration, les employeurs ont du mal à trouver une main-d’oeuvre adequate qui respecte les obligations de qualité et de ponctualité. Quand lesmtravailleurs mauriciens trouvent que, dans un secteur donné, les horaires sont trop contraignants ou que le travail est trop épuisant, le pays doit pouvoir faire appel à des ouvriers étrangers.

 

 

Restons un pays ouvert et accueillons des ouvriers étrangers qui permettent à nos entreprises d’être capables d’honorer leurs carnets de commande. Cette main-d’oeuvre étrangère qui travaille sur des grands chantiers ou dans des usines qui doivent respecter des délais de plus en plus courts mérite notre considération. Leurs employeurs doivent leur garantir des conditions de vie acceptables et les autorités doivent avoir une approche plus humaniste à leur égard. Plutôt que de brandir des menaces de déportation et de les écouter que lorsqu’ils lancent des pierres, il faut s’assurer qu’ils sont logés et rémunérés de manière décente.

 

Le rôle du ministère du Travail n’est pas d’alimenter l’hostilité envers les travailleurs étrangers mais plutôt de créer un cadre législatif et institutionnel qui leur donne les mêmes droits que le travailleur mauricien. Ce ne sont pas des travailleurs de deuxième classe.

 

Il est vrai que le désir de voir Maurice figurer en bonne place sur certains tableaux pousse le gouvernement à la fermeté vis-à-vis des travailleurs, qu’ils soient locaux et étrangers. C’est ce comportement que Davos apprécie. L’indice de la facilité de faire des affaires est alors élevé et le pays a un bon classement. Ceux qui attribuent les bonnes notes disent pudiquement que notre environnement réglementaire est favorable aux activités industrielles. Cela signifie que les lois du Travail protègent le patronat. Que des travailleurs peuvent facilement être licenciés ou révoqués. Bref, qu’ils peuvent être considérés comme des ouvriers jetables.