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Leur dernière chance ?
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Leur dernière chance ?

La grande réforme électorale, annoncée vendredi au Parlement par le Premier ministre, est loin d’être une initiative isolée. Elle prépare la voie à un réaménagement de fond en comble du cadre politique tout entier. Condition sine qua non d’une nouvelle cohabitation MMM-PTr, la réforme électorale constitue la pierre angulaire d’une autre République. Les deux étapes s’inscrivent dans une même démarche et ont une même finalité. L’une ne va pas sans l’autre. L’une détermine l’autre.
Même si Navin Ramgoolam avance à pas de loup sur la question, préférant l’allusion à l’affirmation, la portée de l’action entreprise, avec le soutien tacite de Bérenger, ne peut d’aucune manière être sous-estimée : une refondation du pays est peut-être en train de se mettre en route.
Si tout ce qui se discute se confirme - sauf coup fourré de dernière heure - le pays irait rapidement vers de nouvelles élections sur une plateforme commune. On verrait, ensuite, se mettre en place la première vraie révision constitutionnelle en 45 ans d’indépendance. Le mode de gouvernement en serait substantiellement affecté. Notre démocratie, aujourd’hui fatiguée, essoufflée, retrouverait une occasion de se repenser. La marge de manoeuvre gouvernementale face à la crise s’en trouverait élargie, avec un coup de fouet à l’optimisme national.
Ce « deal » apparaît aujourd’hui plus probable parce qu’après bien des manœuvres d’encerclement, chacune des parties engagées y trouve désormais son compte : PTr et MMM ferment le jeu, se partagent le pays et se donnent un confort politique mutuel jusqu’en 2018-2020. Cet argument de vente sera, aux yeux de leurs troupes, irrésistible. Ramgoolam et Bérenger sont sur le point de réconcilier leurs ambitions personnelles et ce qu’ils estiment être leurs priorités respectives pour le pays. Il ne faut donc se faire aucune illusion : le jour où ils auront trouvé la formule pour ce « merger » d’intérêts, rien ne les arrêtera. Ni les jérémiades des purs et durs, ni les calculs des frustrés. Il y a d’ailleurs longtemps que les deux hommes se passent de l’opinion des autres ! Pourquoi ? Parce que c’est probablement leur dernière véritable chance, à près de 70 ans, d’assurer la place qu’ils veulent occuper dans l’histoire du pays.
Navin Ramgoolam, après un premier mandat assez quelconque en 1995-2000, a véritablement décollé et pris un ascendant total sur le pays en 2005. Mais il a, aujourd’hui, compris qu’en 2010, il a abattu la mauvaise carte et compliqué incroyablement sa vie. Son alliance avec le MSM a socialement écartelé la nation ; elle a introduit dans l’appareil d’Etat un rival ambitieux avec une toute autre culture politique ; elle l’a fait sacrifier l’artisan de son indiscutable succès économique, Rama Sithanen ; elle a enragé un MMM qui se croyait invité au banquet du pouvoir et qui, depuis, ne lui pardonne rien et lui pourrit la vie. La cassure subséquente du gouvernement, en l’exposant à une mise en minorité, lui a donné des nuits sans sommeil, l’a placé à la merci du PMSD et des groupes d’influence « socioculturels », a précipité le MSM dans les bras de Bérenger et provoqué ce que le Premier ministre voulait à tout prix éviter : le retour sur le champ de bataille du vieux lion respecté qu’est sir Anerood Jugnauth, le seul adversaire qu’il craigne vraiment. La crise économique cultivant l’instabilité, le désastre n’est pas loin.
Le troisième mandat Ramgoolam, supposé être son heure de gloire, s’évapore ainsi dans l’épuisant management de crises successives, alors que le Premier ministre souhaite légitimement laisser sa marque. En l’état actuel des choses, ce troisième mandat ne va nulle part. Un changement drastique de stratégie s’impose à lui.
Avec une alliance PTr-MMM, Navin Ramgoolam estime pouvoir réconcilier le pays, augmenter sa marge de manoeuvre économique, fermer la parenthèse 2010-2012 pour passer à autre chose, réaliser son projet présidentiel personnel, s’assurer avec un septennat un pouvoir tranquille jusqu’en 2019, sans avoir à s’esquinter pour assurer demain la difficile réélection des députés rouges et bleus à travers toute l’île. Il pourrait travailler à de plus grands projets portant sa griffe, laissant Bérenger aux fourneaux. Ramgoolam s’épuise dans l’action à ras de terre. Il veut aujourd’hui prendre de la hauteur.
Paul Bérenger, pour sa part, en 45 ans de politique, pourrait aussi se voir offrir une dernière chance de porter ses idées au pouvoir et, après avoir été surtout un chef de guerre, de montrer au pays ce qu’il peut faire dans l’action gouvernementale, avec la sagesse de l’âge et le fi let de sécurité du PTr. Son primeministership assez fade de 2003-2005 n’a pas laissé de souvenirs impérissables. Il a aussi compris qu’il bute dans un mur, que, seul, il ne battrait jamais le PTr. Or, depuis toujours, Bérenger préfère (de loin) le PTr au MSM et son « bon ami Navin » à sir Anerood, qu’il respecte, certes, mais à qui il ne pardonnera sans doute jamais d’avoir quelque part, en 1983, brisé son destin. Par ailleurs, la nouvelle cohabitation MMM-MSM ne le convainc guère : Bérenger ne respecte que la force. Et le 1er-Mai à Port-Louis, il a attendu l’expression d’une force MSM qui n’est pas venue. C’est ce jour-là que le « remake de 2000 » est entré dans le coma. Aujourd’hui, on le voit bien, le MSM n’est plus pour Bérenger le catalyseur mais, au mieux, une roue de secours qu’il garde toujours dans son coffre, au cas où …
Compte tenu des enjeux, la surprise demain ne serait ainsi plus que l’alliance PTr-MMM se fasse, mais plutôt qu’elle ne se fasse pas.
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