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L’homme pense bête
Un intellectuellement limité qui cite Aristote* ! A Maurice, décidément, on voit et on entend de tout. Cette semaine écoulée, un peu plus que les autres.
Un ministre qui remet – ou qui est contraint de remettre – sa démission, ça peut arriver. Mais un ministre qui signe sa lettre de démission sur un lit d’hôpital, après avoir tenté de se suicider, cela ne court pas les rues. Un autre ministre qui, en voulant défendre son confrère démissionnaire et dépressif, traite les journalistes d’animaux et de malades mentaux. Alors là, on ne pouvait deviner les références intellectuelles d’Anil Bachoo.
Pourtant, il cite les grands philosophes, s’inspire, peut-être sans le savoir, de Mitterrand, qui avait traité des journalistes de «chiens», et d’Alain Souchon, qui chante ces lignes :
«Dans les poulaillers d’acajou,
Les belles basses-cours à bijoux,
On entend la conversation
D’la volaille qui fait l’opinion.
Ils disent :
“On peut pas être gentils tout le temps.
On peut pas aimer tous les gens.
Y a une sélection. C’est normal.
On lit pas tous le même journal.”»
De toute façon, nous avons prêté le flanc. Comment nous, simples journalistes, avons-nous osé noter nos ministres ?
Comme on s’y attendait, notre exercice de samedi dernier a déchaîné les passions. Sortie en règle du Premier ministre au Parlement, sortie déréglée du ministre Bachoo, coups de fil, messages électroniques et lettres anonymes intimidants (mais pas vraiment !) ont suivi.
Pourtant, à voir comment se comportent les humains qui forment notre «classe» politique, il faudrait être plutôt flatté d’être traité d’animal. Les animaux ne mentent pas, ne démissionnent pas sous la contrainte, ne complotent pas, n’insultent pas. Or, nos hommes politiques sont terriblement humains. Ils dépriment, ils se mettent en colère, ils frappent, ils s’emballent, ils prennent pitié de leurs collègues... Et ils se vexent lorsqu’on les évalue professionnellement.
S’il est parfois bon pour le citoyen de savoir que ceux qui le dirigent sont faits de chair et de sentiments, comme lui, il peut se sentir perdu lorsqu’à cause de ces émotions, c’est tout l’appareil d’État qui flanche. Indicateurs économiques ? Hausse du chômage ? Inégalité des chances ? Echec du système éducatif ? Pollution ?... ah non, nous n’allons pas nous attaquer à tout cela alors que nous avons des ministres en souffrance ! Vue d’en haut, l’actualité de la semaine paraît tout droit sortie de l’imagination d’un savant fou qui aurait pris le Parlement comme laboratoire d’expérimentation. Avec ses membres comme cobayes… On en revient toujours aux animaux finalement…
* L’homme est par nature un animal politique, l’une des citations les plus usitées d’Aristote.
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