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Libertés attaquées

14 juin 2010, 08:40

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Le Premier ministre récidive. Il a choisi l’occasion d’une conférence de presse, qui visait à faire le point sur sa participation au sommet Afrique-France, pour attaquer «l’express», samedi. Navin Ramgoolam a cherché à humilier et à ridiculiser des journalistes du groupe La Sentinelle. Il ne s’est pas privé d’infliger à l’ensemble de ses invités une liste d’erreurs qu’il croit avoir relevées dans des éditoriaux parus dans «l’express». Revenons sur ses accusations.

Le Premier ministre n’est pas content du fait que l’éditorial de jeudi dernier ait évoqué le rôle déterminant joué par l’ambassadeur de France, Jacques Maillard, dans la concrétisation de l’accord sur Tromelin. «Mo bizin dir pou ledikasyon de Raj Meetarbhan, Misie Maillard pa ti ankor anbasader Moris, René Forceville ki ti la, bazik la li pa kone», s’insurge-t-il. Certes, le processus a démarré depuis quelques décennies. Mais, précisément, l’ambassadeur actuellement en poste a servi de catalyseur au processus qui a abouti à la signature de l’accord.

De plus, Forceville, c’est de l’histoire ancienne.

Il a fallu tout recommencer, il y a peu. Souvenons nous qu’en février 2007, nous étions retournés à la case départ avec le rattachement de Tromelin par la France aux Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

«Apre tou, sa kalite la ou kapav pena lespri. Souverennte o nivo anbasader ki deside sa ?» s’enflamme le Premier ministre. Il n’a pas compris le sens de l’éditorial. Evidemment, chacun sait qu’un ambassadeur n’aborde pas la question de souveraineté, mais celui-ci peut s’investir énormément pour élaborer les modalités pratiques d’une convention qui ouvrent la voie à la signature d’un accord.

S’il voulait agir en homme d’Etat, Navin Ramgoolam aurait rendu hommage à tous, ministres comme ambassadeurs, qui ont permis de parvenir à un résultat positif sur Tromelin. On ne saurait sous-estimer le travail fait en amont et dans l’ombre. D’ailleurs le Premier ministre reconnaît lui-même ce principe quand il loue son ministre des Affaires étrangères pour ses efforts en coulisses lors des sommets importants.

Navin Ramgoolam a également exprimé une vive colère à propos d’un commentaire fait dans un éditorial paru vendredi dernier sous le titre :

«To the Britishers». «Parski mo trouv misie konn tou dan diplomasi dir pa ti gagn randevou Downing Street. Downing Street pa enn laboutik sa. ..» s’emporte-t-il.

Dans l’article en question, nous exprimions seulement notre incompréhension devant le fait que, durant son séjour à Londres, le Premier ministre a dû se rendre au bureau d’un ministre. Que le «Foreign Secretary» britannique l’ait, en fait, accueilli à sa résidence privée, et non à son bureau, ne change rien à la question que nous avions posée.

Entorse au protocole diplomatique ou pas, il est dommage que Navin Ramgoolam s’attarde sur cette remarque, qui relève de la forme. Rappelons que dans cet éditorial sur les Chagos, nous donnons raison sur le fond au chef du gouvernement «Navin Ramgoolam did ably defend our position», écrivions-nous.

Pour injurier et calomnier, le Premier ministre fait feu de tout bois. «Dimoun bizin konn so responsabilite.

Ena dimoun inn desann dans larenn politik. Ni Jacques Rivet, ni Eshan Khodabux ni Gaëtan Sénèque pas fi nn donn interviou pou dir ki lalians bizin fer. De l’Estrac inn fer li…

Ou finn desid desann dans larenn politik, ou bizin atann bann kou», dit Navin Ramgoolam d’un air vengeur.

Donc, selon lui, Jean Claude de l’Estrac est coupable d’avoir dit sa préférence pour une alliance spécifique et il doit payer pour ce délit d’opinion.

C’est du délire ! Depuis quand l’Etat est-il en droit de punir un journaliste qui a exprimé une opinion ?

Il est clair que la presse libre a en face d’elle un Premier ministre querelleur qui ne recule devant rien pour atteindre ses objectifs. Attaqué, le groupe La Sentinelle demeure pugnace et entend défendre jusqu’au bout la liberté d’expression et le droit des citoyens d’être informés.

Il est vrai que l’affaire de l’interdiction qui est faite à nos journalistes d’assister à des événements officiels est en passe d’être réglée mais ce n’est qu’un aspect des relations conflictuelles entre le pouvoir et La Sentinelle. D’autres obstacles au droit des citoyens, plus graves encore, existent.

Nous sommes confiants qu’ils seront enlevés en temps et lieu.