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Loser comme le MMM
Parler d’Histoire en permanence. Sans avoir le sens de l’Histoire. Telle semble être la malédiction de Paul Bérenger. Au moment où le MMM est appelé à participer à la concrétisation d’une réforme électorale qui abolit un Best Loser System (BLS) désuet, le patron des mauves campe sur une position invraisemblable. On connaissait le jeu du « ni oui ni non ». Bérenger invente le « oui mais non » !
Pendant que Steve Obeegadoo, le secrétaire général du parti, rappelle que « le MMM a toujours été contre le BLS », son leader explique que le pays n’est pas prêt à s’en défaire et qu’une réforme électorale ne devrait donc pas remettre en cause l’élection de 8 députés sur la base de leur appartenance ethnique. Les contorsions langagières du MMM ne trompent outefois plus personne.
Si Bérenger tient ce langage, c’est par souci de ménager certaines susceptibilités. Dont, en priorité, celles de la minorité musulmane. Pendant deux décennies, celle-ci a constitué une part non négligeable du « dépôt fixe » électoral des mauves. Avant d’adopter des habitudes de vote plus « réalistes » à partir des élections de 2000.
Bérenger s’oppose ainsi à l’abolition de l’actuel système de BLS pour des raisons purement tactiques et politiciennes. Le MMM postule qu’une importante partie de cette minorité voit dans le BLS la planche de salut lui assurant une représentation minimale à l’Assemblée nationale. Pour le leader de l’opposition, s’opposer à l’abolition du BLS équivaut donc à défendre les intérêts de cet électorat… en espérant que cela conduira ce dernier à montrer sa reconnaissance au MMM dans les urnes.
C’est là un calcul erroné établi sur de mauvaises prémisses. Celle de la naïveté d’abord. Car rien n’indique que le positionnement du MMM peut amener la minorité musulmane à renier les habitudes de votes « réalistes » qui se sont avérées payantes depuis 2000. Ensuite, celle d’une idée reçue statistique. En effet, c’est à tort que l’on pense que c’est le BLS qui a assuré
une juste représentation de cette composante de la population au Parlement.
Un examen minutieux des résultats électoraux depuis l’indépendance démontre que 82 % des députés musulmans élus l’ont été à travers le système First Past The Post. Ainsi, au fil des scrutins, sur une moyenne de 10 députés musulmans élus, seuls 2 ont obtenu leur siège grâce au BLS. Rien n’indique donc que son abolition lèsera cette minorité. La dose de proportionnelle préconisée dans la réforme actuellement en préparation par Rama Sithanen permettrait même une meilleure représentation de cette minorité au Parlement.
Le MMM n’est pas toutefois à une incongruité près. Dans son souci de justifier l’injustifiable, il préconise la coexistence du BLS avec l’élection d’une partie de nos députés à l’aide d’une dose de proportionnelle… dont l’objectif est de faire élire toutes les composantes de l’électorat – minorités comprises ! Pour sauver coûte que coûte le BLS, le MMM va jusqu’à inventer de nouveaux concepts juridiques. Bérenger et ses cadres entendent ainsi « laisser mourir naturellement le BLS »… tout en le maintenant dans la First Schedule de notre Constitution. Plus étonnant encore, le parti suggère aux futurs candidats qui le veulent, de ne pas déclarer leur appartenance ethnique lors du dépôt de leur candidature… pour lutter contre le communalisme institutionnalisé… maintenu dans notre Constitution à travers le BLS… à l’insistance des mauves !
Le MMM et son leader ne peuvent plus prétendre se cacher derrière de faux prétextes pendant encore longtemps. Envers et contre Bérenger, un consensus se dégage entre le Parti travailliste, le PMSD et même le MSM. Tous s’entendent sur la nécessité d’éliminer la déclaration des appartenances ethniques dans le cadre des élections à Maurice. Ce qui implique la mort du BLS actuel.
Bérenger a aujourd’hui face à lui le camp des progressistes. En le rejoignant, il prendra rendez-vous avec l’Histoire et permettra ainsi à notre démocratie d’ouvrir un nouveau chapitre de son cheminement politique. Le Premier ministre doit également assumer sa part de responsabilité en ne s’abritant pas derrière une éventuelle volte-face du MMM pour tenter de ne pas concrétiser la réforme électorale actuellement en gestation. Avec ou sans le MMM, nous devons attendre de Navin Ramgoolam qu’il présente sa réforme au Parlement. Libre alors au MMM d’assumer ses responsabilités devant l’Histoire. Et libre aux Mauriciens de ranger le MMM parmi les « losers » si ce parti et son leader s’obstinent à rester dans le camp des rétrogrades.
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