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L’histoire racontée à un «grand» intellectuel…

5 octobre 2010, 03:46

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Le Premier ministre n’ouvre plus la bouche que pour insulter, critiquer et diffamer ceux qui pourraient « penser autrement » que son glorieux parti.  Ceux-là sont tous des « semi intellectuels » ! Navin Ramgoolam, lui, est tantôt professeur de journalisme tantôt professeur d’histoire. Sa dernière agression verbale a ciblé ceux qu’il qualifie de « prétendus historiens », c'est-à-dire ceux qui racontent une version différente de l’historiographie travailliste. Des journalistes ont traduit « so-called » par « pseudo », c’est une erreur.

Je ne sais si les propos de Ramgoolam me visent personnellement. Beaucoup de gens ont cru y voir une nouvelle attaque. Si c’est le cas, une mise au point s’impose.

D’abord, je ne me suis pas « autoproclamé » historien. Lors du lancement de mon dernier ouvrage, en présence du Premier ministre,  j’ai présenté mon travail comme celui d’un amoureux  de l’histoire de mon pays, la contribution d’un journaliste. Voici précisément ce que j’ai déclaré : «  Depuis près de 40 ans, je n’ai eu de cesse de vouloir rendre leur histoire aux Mauriciens. C’est parce que je crois que l’histoire est une chose trop importante pour être laissée aux seuls historiens. Le journaliste que je suis – fier de l ‘être – cherche donc à rendre la fabuleuse histoire de la nation  mauricienne, lisible au plus grand nombre ».  Je fais essentiellement un travail de vulgarisation. J’ai commencé par raconter l’histoire aux enfants mauriciens, en m’appuyant sur le travail des historiens professionnels, en le complétant, le cas échéant, par des recherches personnelles. Est-ce les faits historiques que je cite à partir des archives du gouvernement britannique qui ont mécontenté ? Sans doute…

Dans « Passions politiques », je ne me suis pas contenté des comptes-rendus des journaux - y compris d’ailleurs Advance, The Nation, Mauritius Times, Le Populaire -  pour raconter l’île Maurice politique contemporaine. J’ai pu également accéder à des documents jusqu’ici secrets et confidentiels qui apportent un nouvel éclairage sur les événements de ces dernières années. Dans deux cas au moins, ces documents obtenus à Londres des National Archives, Kew, révèlent  une version bien différente de l’histoire « officielle » véhiculée par les dirigeants politiques travaillistes depuis quarante ans. L’un concerne les conditions de l’accession du pays à l’indépendance et l’autre, l’excision négociée de l’archipel des Chagos du territoire mauricien, alors colonie britannique.

Que disent ces documents et pourquoi pourraient-ils embêter le Premier ministre ?

Dans le premier cas, ils confirment ce que tous les gens avertis savent. Dans la plupart des anciennes colonies britanniques, l’indépendance a été octroyée par l’ancienne puissance coloniale et non pas « arrachée » par des libérateurs nationalistes. Dans le cas de Maurice, la « décision » britannique d’accorder l’indépendance à Maurice a été prise dès 1965. Une note du secrétariat du Commonwealth adressée à sir Burke Trend, secrétaire général du cabinet du Premier ministre britannique Harold Wilson, datée du 20 octobre 1967, en fait foi. Cette décision avait été communiquée aux dirigeants politiques mauriciens. Avec une seule condition – et c’est là où la contribution des Travaillistes est significative : les Britanniques réclament la présentation d’une résolution votée par une majorité à l’Assemblée législative mauricienne. Une fois cette résolution votée, ils n’ont plus qu’un souci : se désengager de Maurice au plus vite. « Les Mauriciens sont dans une situation financière difficile et nous tenons à nous débarrasser d’eux aussi vite que possible… » écrivent-ils. (Cabinet Office, Whitehall, B 020035, 20 October 1967, The National Archives, Kew). Ils veulent même mettre les dirigeants travaillistes devant le fait accompli. George Thomson, secrétaire d’Etat au Commonwealth écrit à Wilson : « Nous devons insister pour une date aussi proche que possible de la mi-février (1968), et nous devons résister à toute tentative du gouvernement mauricien de retarder l’indépendance… » Il propose même de fixer arbitrairement une date afin d’engager publiquement les ministres « afin de les empêcher de se rétracter sans perdre leur prestige ». (George Thomson to Harold Wilson, A9826, 16 October 1967, National Archives, Kew.) Etablir ces faits, c’est, aux dires de Ramgoolam, faire preuve de « racisme ».

Deuxième document : la « négociation » de Diego. Les faits sont établis : au cours d’un tête à tête entre Harold Wilson et sir Seewoosagur Ramgoolam, en marge de la conférence constitutionnelle de Lancaster, la question est  abordée. Je possède la copie certifiée du procès-verbal de cette conversation établi par les services du Premier ministre britannique. Il rapporte que « sir Seewoosagur said that he was convinced that the question of Diego Garcia was a matter of detail; there was no difficulty in principle. » Le process-verbal note de plus : « On leaving, Sir Seewoosagur Ramgoolam said that the one great desire in Mauritius was that she should retain her links with the United Kingdom. Mauritius does not want to become a republic but on the contrary wished to preserve all her present relationships with the United Kingdom. » (Record of conversation between the Prime minister and the Premier of Mauritius, at 10 Downing street, 23 September 1965)

Le cabinet mauricien donnera, peu de temps après cette rencontre, son accord à l’excision. Un télégramme secret du gouverneur, sir John Rennie, au secrétaire d’Etat aux colonies, annonce que le « Council of Ministers today confirmed agreement to the detachement of Chagos Archipelago… » (Inward Telegram to the Secretary of State to the Colonies, No. 247, 5th November 1965). Maurice a certainement raison de contester les conditions de ce démembrement du territoire national eu égard aux résolutions des Nations unies, mais le fait brutal est que sir Seewoosagur avait donné son accord.

CQFD.

 

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