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Malgré l’échec
Le « National Pay Council » est-il un mort-né ? Pour cette année, il ne faut pas en espérer grand-chose. Si nous n’avons pas pu, au temps de la prospérité, créer un véritable dialogue social entre partenaires, ce n’est pas en ces moments marqués par la peur de l’avenir qu’on pourrait y arriver. Notre nature est ainsi faite : en temps d’insécurité, nos positions se radicalisent. Pourtant, nous ne devrions pas renoncer à ce projet.
Pourquoi ? Parce que le NPC correspond au progrès économique et au projet de société que nous voulons. Nous avons souhaité, pour que progresse notre niveau de vie, une économie ouverte, attirante pour les investisseurs. Une telle instance de dialogue social fait partie, d’une certaine façon, du « package ». Elle rassure tout chef d’entreprise sur le fait que la politique salariale n’est plus le résultat d’une décision politique imposée. Elle encourage l’entreprise et assure son développement.
Avec le NPC, la politique salariale devient l’objet d’un consensus entre partenaires, conscients que, dans une économie ouverte, la situation du travailleur ne peut pas être décidée sans tenir compte des forces du marché, conscients qu’une augmentation de salaire plus importante que le taux de productivité n’est pas raisonnable. Le gouvernement, en instituant ce mode de tripartisme, a été juste ; il a opté pour une formule « intermédiaire » qui prend compte du coût de la vie autant que d’autres critères économiques.
La première cause de l’échec du NPC est la question de confiance. Singapour, à qui l’on doit le NPC, a réussi sur ce plan. Lee Kuan Yew était un ancien syndicaliste. C’est grâce à la confiance dont il jouissait auprès des syndicalistes qu’il a pu faire fonctionner efficacement le National Wages Council, créé en 1972 et toujours en opération. Son passé, ses longues années d’association avec les syndicalistes, lui ont servi à transformer les relations industrielles de la confrontation à la coopération. Et cette confiance, payante. Singapour en récolte aujourd’hui les fruits. Il aborde la crise économique dans la sérénité. Il ne devrait pas craindre la crise sociale. Sa maîtrise du dialogue social est assez appréciable pour qu’on cite la dernière décision du NWC.
Le NWC vient de se réunir afin de revoir ses recommandations pour l’année faites en mai 2008, à la lumière de la détérioration de la situation économique. Ses nouvelles recommandations se lisent comme suit : « The NWC strongly recommends that compagnies adversely affected by the economic downturn work with the unions and workers to reduce and manage total costs. They may, in consultation with their unions/workers, implement a wage freeze and wage cut commensurate with their performance and prospects, in order to help companies stay competitive and save jobs. » L’an dernier, elle recommandait une augmentation de salaire proportionnelle à la performance de l’entreprise et un « lump sum » spécial pour les ouvriers en raison du fort taux d’inflation.
Avec l’absence de confiance qui existe entre nos partenaires, il y a le manque de courage : il est clair que les syndicats refusent d’être partie prenante d’une décision qui pourrait ne pas plaire à leurs membres. Au fond, les syndicats savent très bien que la méfiance n’est pas de rigueur avec notre historique des relations industrielles : depuis trente ans que le tripartisme existe, le travailleur a toujours été bien traité. La compensation moyenne a augmenté de 7,8 % par an entre 2000 et 2007, alors que la hausse moyenne de la productivité était de 3 %. Mais ils estiment qu’ils perdraient leur raison d’être, trahiraient leur fonction s’ils faisaient le choix de la solidarité avec les autres partenaires sociaux. Ils ne s’imaginent pas hors d’une logique de confrontation.
Il y a peu de chances qu’on atteigne la flexibilité des partenaires sociaux singapouriens. A défaut d’être solidaires, soyons raisonnables : le travailleur a compris que la priorité première est de conserver son poste ; il ne devrait pas être exigeant sur la compensation. Et essayons de contenir la nervosité qui pourrait s’installer. Le patronat est nerveux : il a bousculé le gouvernement cette semaine, revendiquant le droit de licencier en dernier recours mais réclamant aussi, et à juste titre, moins de lourdeur bureaucratique de la part du gouvernement. Le gouvernement est aussi sur les nerfs, il n’accepte pas la critique. Ce n’est pas avec un tel état d’esprit qu’on traversera la crise.
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