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Masques et vérités
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Masques et vérités

Il a raison Navin Ramgoolam. Le rédacteur en chef de «l’express» ne ferait pas un bon cireur de pompes.
Eh non. Ce n’est pas le genre à se courber pour flatter. Ni obséquieux, ni servile. Pas le genre à se compromettre pour être dans les bonnes grâces d’un seigneur. Plutôt le genre à dire ce qu’il pense.
Quitte à déplaire. Plutôt le genre consciencieux, investi d’une mission. 25 années à faire face tous les jours à 100 000 lecteurs qui exigent de «savoir», ça oblige à un certain courage de dire, à une certaine audace d’oser. A contre-courant.
Objectif, Meetarbhan ? Non. L’objectivité, tout le monde le sait, est un «mal entendu» entre lecteur et journaliste. S’il fallait, au journaliste, rendre compte d’une information en faisant abstraction de sa sensibilité, de ses connaissances et de ses valeurs, s’il fallait raconter au lecteur un événement sans lui partager son émotion, nos journaux seraient bien fades. Choisir même de parler d’un événement plutôt qu’un autre demande l’exercice d’un jugement.
Objectif, non, mais honnête. Parce qu’aucun journaliste ne peut garantir qu’il dira la vérité, mais seulement qu’il le fera «dans la mesure du possible» en se dotant de toutes les techniques qui le lui permettront et malgré les obstacles délibérément dressés pour empêcher la nécessaire vérification. Et respectueux, toujours. Respectueux du lecteur : un respect qui oblige une recherche scrupuleuse et méticuleuse de toute information, un respect qui oblige le débat équilibré et contradictoire.
Respectueux de la personne aussi : parce que jamais, à «l’express», on ne dénigre. On critique les actes et les propos, mais jamais on n’insulte.
Alors en cette Journée mondiale de la liberté de la presse, il n’y a pas de raison de crier au désespoir.
«l’express» n’a pas à rougir. La condamnation publique et sans appel dont son rédacteur en chef a été l’objet de la part du Premier ministre, dimanche, ne repose en rien sur des manquements.
Nous demandons des comptes, nous ne rampons pas ni ne blessons. Cette liberté, elle est bien utilisée.
Bien sûr, il y a des ratés, parce que c’est la nature du métier. Mais le cadre est posé pour éviter les dérives. Signe de la confiance d’une population avide d’infos, la presse n’a jamais été aussi dynamique et variée. Cette pluralité oblige à une agressivité dans la recherche d’infos qui sert le droit du public de savoir.
Y a-t-il pour autant des raisons de célébrer ?
On pourrait… ll n’y a pas de plus grand honneur pour un journal indépendant que d’être attaqué par un Premier ministre au pouvoir, disait Remy Ollier. Mais le coeur n’y est pas. Le déferlement de haine, la brutalité méprisante du Premier ministre a blessé bien des citoyens, bien des journalistes.
Personne n’a reconnu le démocrate, le rassembleur porté au pouvoir pour unir et construire ce pays. A la place, un «Terminator» qui poursuivait, avec un discours méthodique, sa stratégie de destruction d’un organe vital de la démocratie. Une stratégie en quatre temps, appliquée en particulier à «l’express». Asphyxier financièrement afin de réduire l’indépendance ; limiter l’accessibilité en désabonnant tous les départements d’Etat ; fermer l’accès à l’information en terrorisant les sources officielles ; et, le coup fatal, discréditer. En insultant, en dégradant. Par des allusions ethniques infondées. C’est l’exact contraire de ce que fait une démocratie, selon Mme Patil. Si le dirigeant constate des failles, il renforce les aptitudes professionnelles, il promeut un cadre légal qui permet à la presse d’exercer son devoir de chien de garde, il aide la diffusion, il soutient économiquement.
A côté de la désillusion, il y a eu le choc, causé par la vulgarité du ton. En latin, foule se dit «vulgus». Certains politiques pensent être plus efficaces quand, face à la foule, ils deviennent un brin vulgaires. Mais un Premier ministre ne peut pas sacrifier la décence, la dignité auquel son statut l’oblige pour rallier la foule. Le ton qui convient ? C’est, avec raison et humour, un internaute qui le lui indique, sur le site lexpress.mu :
«Avec sobriété, Chacha aurait dit : ‘Bérenger, to enn bon garçon, intelligent et doué. Donn kudmin pou tir pei dan difikilte’…»
Le masque est tombé. Le masque blanc du rassembleur et du démocrate. Il a révélé un visage noir de haine. Une haine qui veut exterminer, empêcher d’exister, éliminer. Ce visage, est-il celui de Navin Ramgoolam ? Ou porte-t-il autre masque ? Celui de la peur, de la colère, de la fatigue ?
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