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Menottes ou badine ?

7 février 2011, 08:09

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Selon les critères définis par Jacques Séguéla, le publiciste français, Jean Suzanne le pdg de Infinity Bpo a plus que réussi sa vie. A moins de cinquante ans, il étrenne non seulement une Rolex (comme Sarkozy), mais fait partie du cercle restreint de millionnaires trendy qui peuvent se flatter de faire rugir sur nos routes encombrées la voiture mythique de 007 : une Aston Martin ! Ces deux attributs, assortis de son appartenance à la jet-set de la haute finance, illustraient jusqu’à tout récemment sa success-story.

C’est dire qu’il n’a pas pris la charrette d’un coolie, encore moins le taxi marron d’un descendant d’esclave, pour sa fulgurante ascension sociale. Le Premier ministre, pendant la campagne électorale 2005, avec raison à l’époque, en avait fait la référence d’une réussite sociale en le présentant comme une figure emblématique, un modèle d’entrepreneur bling-bling pour Maurice et plus particulièrement pour une communauté  en panne de guide.

En juillet 2005, nommé conseiller du Premier ministre en matière de technologie informatique, il découvre la griserie sous les ors et des lambris du pouvoir après le vertige de la Cyber tour. Dès lors, sa visibilité s’accentue ; il devient une coqueluche nationale, le chouchou des médias, une référence et la fierté d’une communauté. Bref, son symbole que Navin Ramgoolam n’a pas cessé d’exhiber comme un porte-drapeau créole surtout dans un domaine où personne n’avait osé tant investir auparavant. Ce qui n’a pas manqué d’ajouter à la fascination du personnage.

Mais que s’est-il passé pour que Infinity Bpo, une entreprise locale dont on vantait un socle des plus solides et un avenir des plus prometteurs, se retrouve ainsi dans la mélasse ? Pour qu’aujourd’hui ses employés, qui n’ont pas été payés depuis novembre dernier, soient contraints d’avoir recours à l’arme ultime, la grève de la faim, pour toucher ce qui leur est dû.

Depuis 2006, la chute de Infinity a été vertigineuse, malgré des profits pendant la même année. Dans des conditions qui relèvent presque de l’escroquerie, Infinity met la clé sous le paillasson en France. Jean Suzanne doit commencer à signer des chèques : Rs 8 millions aux Seeyave alors que BPML lui réclame Rs 34 millions. Il fait même un chèque en bois pour lequel il est arrêté. Mais l’Etat se précipite à son chevet pour le sérumiser. Il bénéficie de toutes les aides possibles du Stimulus Package de Rama Sithanen de l’ordre de Rs 135 millions. Son rêve de grandeur s’écroule en 2010 quand la State Investment Corporation fait l’acquisition de sa tour à la Cyber Cité pour la coquette somme de Rs 330 millions afin qu’il puisse éponger ses dettes, payer ses créanciers, rembourser le stimulus et surtout garantir la sécurité d’emploi de ses employés.

Que les grévistes de la  faim de l’Infinity en soient à  leur 6ème jour aujourd’hui pour forcer son Pdg à payer, il y a là une énorme indécence pour dire le moins. Comme tout aussi indécents ces propos de Shakeel Mohamed les invitant d’aller voir ailleurs du côté du workfare programme comme pour signifier en fin de semaine dernière que la restructuration promise par Jean Suzanne pour cette semaine n’est qu’un écran de fumée pour leurrer les grévistes de la faim afin qu’ils mettent un terme à leur action.
Jean Suzanne, toutefois, pour justifier le gouffre financier qu’il a creusé, a prétendu qu’il a été victime d’une cabale interne et externe. Ou même de la rapacité de ses concurrents. Ce ne sont que des prétextes pour justifier sa gestion catastrophique, l’assassinat presque programmé de son entreprise et partant l’enterrement de ses employés.

Comme il a voulu être un symbole, même s’il a beaucoup vécu en France, il devrait méditer sur cette formule courante et savoureuse bien de chez nous : «Si pa menottes, badine

De plus, avec tout cela, l’on se demande si l’affaire Suzanne n’est pas plus énorme que celle de Medpoint…