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Opinion publique es-tu là ?
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Opinion publique es-tu là ?

L’opinion publique est souvent le reflet de la société dans laquelle elle opère. A contrario, une société et l’orientation qu’elle emprunte illustrent très souvent aussi la qualité, la volonté et l’engagement de son opinion publique. Voilà pour le postulat. Où en est donc l’opinion publique mauricienne en l’an de grâce 2014 ? Le bilan est évidemment mitigé, mais, en gros, si l’opinion publique locale a été, pendant longtemps, sur la pente glissante de la démission, on peut quand même suggérer que depuis peu, il y a comme une prise de conscience, comme un réveil, timide il est vrai. Ce n’est pas Kiev, mais peut-être avons-nous touché un fond ?
Si l’opinion publique locale est restée assoupie, c’était, très probablement, la conséquence de trois facteurs. D’abord, la déferlante de scandales et de faits divers inquiétants, les uns plus choquants que les autres, diffusés avidement par une presse et des radios qui en sont friandes (la MBC n’ayant, de son côté, que de bonnes nouvelles à diffuser…), aura aidé à baisser le seuil de tolérance de la population. Par là même, les médias ont créé un début de sentiment que ce qui était intolérable est en train de devenir une nouvelle norme. Ensuite, l’absence de grandes réformes qui stimulent, qui font rêver et qui créent des ouvertures, a été patente. Le gouvernement a bien essayé : des routes nouvelles, ça aide, un aéroport neuf, cela rend fi er et établit des standards nouveaux. Mais le blocage, ailleurs, souvent pour des raisons qui font elles-mêmes honte, conditionne l’opinion publique dans l’autre sens, celui de l’étroitesse d’esprit, du clanisme, de l’absence de méritocratie, de l’inefficience et donc du cynisme, si ce n’est du désespoir. Pensez réforme constitutionnelle et réforme électorale, éducation et nine year schooling, nominations politiques en toutes sauces, administration régionale et décentralisation, santé publique et médecins « spoutnik », transport public (c’est vrai qu’il y a les promesses, mais ça voyage moins bien...), Internet plutôt tortue que lièvre, non renouvellement chronique de la classe politique et blocage généralisé d’ouverture pour les jeunes. Si vous avez vu quelque chose de stimulant émerger du ministère de la Culture, vous avez bien de la chance ! Si votre image de MID n’a pas été écornée par les centrales à charbon (CT Power pour longtemps, Alteo temporairement), le projet d’éthanol et les bus fumigènes, vous êtes un sacré optimiste ! Pensez-vous que nous ayons récemment scoré en sport, outre le kick ? Dans le carnaval de Flic-en-Flac, peut-être ? Qui rêve de l’économie « bleue » après le dépérissement du projet de Land based Oceanic Industry ? Qui pense qu’un « middle income country » peut effectivement être construit avec autant de désinvolture et d’approximation, sans changer de culture du travail, sans améliorer l’école et grâce aux bons offi ces d’EIILM, de Mauras Dentistry, du Dr Patil Medical College… Qui croit, après la débâcle de Jing Fei et de NeoTown, que l’investissement étranger, qui devait suppléer à celui de nos « fat cats » à nous, va aller ailleurs que dans l’immobilier… ?
Finalement, l’opinion publique a été largement conditionnée par les équations matérialistes du consumérisme. Cascavelle, Bagatelle, La Croisette, Shoprite et tous les autres malls, réussis ou pas de ces dernières années, mais aussi Mr Bricolage, Espace Maison, Courts, Cash & Carry, les hôtels plus accessibles et les chaînes de télé satellitaires nous auront au moins visuellement promis les paradis perdus du « mieux vivre ». Nombre d’entre nous sommes ainsi devenus obnubilés par nos petites équations égoïstes (la deuxième salle de bains, le prochain shopping chez Celio, les vacances en croisière ou, plus modestement, les 12 perches dans « morselma »). Nous avons cessé de rêver, proposer, concrétiser sur la base d’un pays (un monde !) l’amélioration pour tous plutôt que pour soi seulement. Homo idealensis a totalement cédé la route à Homo Plaisirensis Immediaticus. Toutes proportions gardées, nous aussi avons créé nos propres jeux du cirque !
Nous sommes, il est vrai, les victimes des plus grands responsables de notre conditionnement délétère depuis des décades : les politiciens qui, avec leur moralité qui ne remplit pas les ventres et leur politique de « bout » pourrissent tout et font fuir les méritants. Mais nous sommes aussi coupables de les avoir laissé faire, mollement cachés que nous sommes, uniquement actifs derrière le masque confortable et anonyme des blogs ou des « phonein » à la radio… Nous sommes coupables, par démission, de ne les avoir jamais fait évacuer ! Il est encore temps. Et une grande occasion pointe à l’horizon.
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