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Plus de 30 000 têtes…

11 janvier 2011, 11:06

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Ils étaient plus de 30 000 enfants à faire leur entrée dans la cour de nos établissements scolaires hier. Avec beaucoup d’appréhension et d’excitation, pourrait-on ajouter. Vus de haut, on pourrait aussi dire qu’ils ressemblaient à plus de 30 000 têtes qu’on envoyait à l’abattoir. Car, aujourd’hui, l’enthousiasme de se rendre à l’école a disparu. Et, cela, pour plusieurs raisons.

Ils sont nombreux les instituteurs et enseignants à ne plus ressentir cette passion d’enseigner. Le système les broie autant que les enfants. Il n’y avait pas hier beaucoup d’entre eux à éprouver de la passion à l’idée de prendre contact avec les «petits» qui faisaient leur grande entrée dans le monde primaire et secondaire de l’éducation. De relais du savoir, ces instituteurs et enseignants sont devenus des pompiers. Car, l’école s’est transformée en un espace d’agression. Des pulsions violentes y surgissent. Comme nous le faisait remarquer un ancien ministre de l’Education, en l’occurrence Kadress Pillay, le plus grand problème de l’école d’aujourd’hui, c’est celui de l’indiscipline.

Avec des enfants mal dans leur peau, résultat de toute la pression et des attentes dont ils font l’objet, comment s’attendre à avoir des instituteurs et enseignants sereins ? A chacun sa croix. Celle de l’enseignant est de travailler dans un univers hostile.

Il y a, en effet, une certaine démesure dans l’école mauricienne. Une sorte d’hystérie collective.

Des maîtres d’école et des recteurs qui, devant l’obligation de rendre des résultats et subissant donc eux-mêmes une attente folle des parents, transfèrent cette pression sur les enseignants. Démesure aussi chez les autorités de l’éducation, qui travaillent dans une structure abracadabrantesque.

Un véritable labyrinthe où chercher sa voie, c’est comme essayer de retrouver un mot dans un bouquin qu’on a lu dix ans de cela.

Démesure enfin chez les parents. Ces derniers ont assimilé un système dont la référence cardinale demeure la réussite académique. Peu importe de savoir si, à la fi n du cycle primaire et secondaire, l’enfant a acquis des connaissances. L’important pour chaque parent, c’est de pouvoir s’enorgueillir du fait que l’enfant a terminé premier de sa classe.

Certes, c’est de la fierté légitime. Mais, comment accepter qu’un enfant soit perçu comme un athlète dont le seul objectif, c’est d’être toujours premier à la ligne d’arrivée ? Comment accepter que la connaissance et le savoir, les vrais, soient devenus des considérations secondaires ? L’école, en principe, devait produire, non seulement une élite, mais aussi des citoyens qui s’assument. Or, aujourd’hui, elle fait de nos enfants des poissons qui pourrissent d’abord par la tête.

C’est la plus grande réussite d’un système qui est obsédé par l’élitisme. Il ne reste plus qu’à espérer que le ministre de l’Education saura réussir sa réforme. Que ce soit en douceur ou par la force, il est plus que temps de la réussir. Un temps qui, d’ailleurs, est déjà écoulé…