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Quand nos journalistes évaluent nos ministres

15 juin 2013, 13:12

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On est bien loin des 100 premiers jours et de la période de grâce. Trois ans après leur installation au conseil des ministres, l’express a jugé opportun d’évaluer la performance de notre Premier ministre et des 24 ministres de la République.

 

Pour ce faire, nous avons fait appel à un échantillon spécial : la centaine de journalistes et de rédacteurs que compte notre groupe de presse (c’est-à-dire les membres de la rédaction de l’express, l’express.mu, l’express-dimanche, 5-Plus dimanche, Business Magazine ainsi que le pôle-magazines).

 

Nous leur avons demandé de noter (sur 10) chaque ministre, en considérant quatre critères d’évaluation :  1) performance générale, 2) maîtrise des dossiers, 3) leadership, 4) idées nouvelles tout en donnant, au final, une appréciation d’ordre général : la personnalité en question a-telle une influence positive ou négative sur le pays ?

 

Il va sans dire que cette évaluation de La Sentinelle est subjective, que c’est notre constat comme journalistes. Nous sommes aussi des contribuables, des électeurs et des citoyens, même si on ne peut prétendre les représenter. Si nous sommes hétéroclites et que nous venons d’horizons divers, nous n’avons nullement la prétention de comparer notre exercice à l’interne à un sondage «représentatif» ou encore moins à un vote électoral, et ce, même si nous vivons les actualités du pays au quotidien, à la minute près, grâce à l’instantanéité duWeb.

 

Malgré les notes que reçoivent nos ministres, il est attendu que certains de ceux qui nous rendent sceptiques soient réélus – le système politique du pays et les réflexes des électeurs étant ce qu’ils sont. L’objectif de notre notation consiste davantage à pousser à la réflexion critique de l’action gouvernementale.

 

On a trop tendance à oublier que le Premier ministre et ses ministres travaillent pour nous et sont payés de nos sous. Et qu’à ce titre, ils sont redevables envers le public. Il convient donc de juger nos ministres non pas comme des chefs de tribus ou des représentants de circonscription mais comme des personnes investies de responsabilités nationales susceptibles de faire avancer – ou reculer – le pays. À l’instar d’un employé de McDonald’s, obligé de justifier son salaire, nous nous proposons de noter nos ministres, comme les employés du peuple qu’ils sont – et qu’ils doivent demeurer.

 

Afin d’éviter de faire des faux procès, nous avons donné à chaque ministère l’opportunité de nous fournir un bilan pour ces trois dernières années. Il est triste de constater qu’ils n’ont pas été nombreux à communiquer. Nous leur accordons un délai supplémentaire pour défendre leur bilan.

 

Avant de nous attarder sur les résultats détaillés de l’évaluation, soulignons quelques faits notables. Primo, c’est la sévérité des scores : seul un ministre passe le ‘pass mark’de 5 sur 10. Soit il y a un vrai problème de médiocrité au Cabinet (donc en phase avec Reza Issack) soit les journalistes qui ont voté sont particulièrement exigeants ou… mieux informés.

 

Secundo, c’est la constance des ‘Top 5 performers’ dans les quatre critères identifiés. Arvin Boolell, Xavier Duval, Shakeel Mohamed, Chedumbrum Pillay et Sheila Bappoo émergent du lot pour leur maîtrise relative des dossiers, leurs qualités de leadership relativement supérieures aux autres ministres, leurs idées relativement fraîches, et leur influence sur le pays.

 

À noter que le Premier ministre apparaît une seule fois dans le ‘Top 5’ pour son leadership, mais il n’est, alors, que troisième. Nous ne voulons pas offrir des explications irréfutables à ces opinions, suggérons quelques pistes, mais préférons laisser le lecteur tirer ses propres conclusions.

 

Tertio, il faut rester prudent. Dans l’absolu, ces scores ne veulent pas dire grand-chose. Le mot-clé ici demeure ‘relatif’, un peu comme on dirait ‘au royaume des aveugles, les borgnes sont rois’. Outre la comparaison relative d’un ministre par rapport à un autre, que permet l’exercice du jour, ce que La Sentinelle se propose de faire, c’est de renouveler cet exercice afin de dégager des tendances dans les opinions de ses rédactions. Car si les chiffres absolus ne sont pas importants, les chiffres relatifs et leur tendance le sont davantage ! Et on se propose de vous les apporter sur une base régulière, en faisant appel à notre propre échantillon de journalistes.

 

Tout sondage fait appel à l’imaginaire du votant et l’imaginaire est généralement plus fortement conditionné par les événements récents. Ainsi, il est normal que les récentes actualités, dont les affaires Soornack, Varma, MITD, Namasté et les drames découlant des inondations du 30 mars et de l’accident de Sorèze ont influé sur le vote. D’où, sans doute, l’importance de mesurer les tendances au lieu de focaliser sur des photographies ponctuelles de l’opinion (une opinion qui demeure dynamique au gré des actualités). Les spécialistes des sondages savent qu’il convient d’utiliser les indicateurs de performance avec prudence. Peter Drucker*, inventeur du concept de gestion par objectifs, concède que la mise en place d’indicateurs n’est pas la panacée des problèmes de performance, même si elle demeure une des solutions possibles, un instrument de gestion utile. Il s’agit donc de préserver un jugement discrétionnaire, qui est l’essence même de l’homme d’action, du personnage politique. Pour ce dernier, il importe avant tout de dégager des objectifs clairs et de s’assurer que ces objectifs sont bien reliés aux stratégies politiques (comme le concept MID, par exemple).

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*Peter Drucker, considéré par beaucoup comme le père du management, avait fait la 4e de couverture du magazine spécial de l’express-dimanche dans le cadre de nos 50 ans, le 2 juin. La devise qu’on avait choisie disait ceci : «La meilleure façon de prédire l’avenir, c’est de le créer.» Souhaitons quecette notation de La Sentinelleprovoque un sursaut au Cabinetpour le bien commun dupays !