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Ramgoolam et Bérenger : du pareil au même

Un Avenir sans cœur ou un Cœur sans avenir. A l’image de ces slogans et symboles qui ne veulent rien dire, le scrutin du 5 mai est dépourvu d’enjeux véritables pour le devenir commun des Mauriciens tant les stratégies pour conquérir ou retenir le pouvoir, ou encore les critères utilisés pour répartir les postes de responsabilité, sont similaires dans les deux camps.
Aujourd’hui, avec la bataille des foules et la guéguerre des chiffres, cette courte campagne électorale, chargée de passion communale, d’accords et de compromissions secrets, de trahisons et de menaces publiques, cette campagne-là va s’intensifier car la joute entre les deux alliances s’avère bien plus serrée que prévu. Et ce climat électoral surchauffé, qui crée des foyers de tension inutile, va nous faire reculer encore plus sur le plan de la cohésion nationale.
Le 60-0 qu’entrevoyait Ramgoolam, en s’alliant avec le MSM, est constamment démenti par les rapports de ses services de renseignements. Les observateurs évoquent une lutte serrée, avec un avertissement : tout peut basculer n’importe quand. Pour beaucoup d’observateurs, l’issue de ces législatives demeure incertaine malgré la cote de favori du camp Ramgoolam chez les bookies (qui pour une fois ne sont pas inquiétés par la police).
Partie avec une avance confortable, grandement due à une opposition autant frivole que molle – le MMM et le MSM étaient alors en posture de pré-accouplement électoral et n’avaient aucunement envie d’embarrasser le leader rouge -, l’alliance menée par Ramgoolam s’est petit à petit brûlé les ailes, entre autres, à cause de sa liste de candidats qui a créé bien des frustrations au sein des rouges (sacrifiés au profit du MSM) tout en déstabilisant ce rapport des forces ethniques qui l’avait porté au pouvoir en 2005 ; puis il y a eu l’affaire Sithanen qui a envoyé comme message que la méritocratie n’est pas un facteur déterminant en politique ; ensuite il y a eu le « tamassa » international sur Internet autour du reportage de « Thalassa » qui a mis à nu la politique de petits copains de Xavier Luc Duval et la destruction irréversible de notre biodiversité marine ; et finalement ces attaques remplies de haine contre la presse indépendante.
Bérenger, sentant le glissement de terrain en sa faveur, ne s’est pas gêné pour, lui aussi, jouer un chef de tribu contre un autre. Mesurant le faible soutien d’Ashock Jugnauth (qui n’a que le patronyme mais dont le parti, tout comme celui de Madun Dulloo, est une coquille vide, surtout sans financement genre Sun Trust), Bérenger a sorti deux personnages du grenier : Dinesh Ramjuttun et… Harish Boodhoo. Aussi au numéro 8, ce Sithanen, hier villipendé, devient un allié stratégique contre Pravind Jugnauth.
Bérenger et Ramgoolam sont les chefs incontestés de leur attelage ethno-castéiste respectif. Pour arriver à leurs fins, ils ont imposé ceux qu’ils voulaient sur leur liste électorale et les autres applaudissent autour. Opportunistes politiques, ils se présentent pourtant comme des hérauts de la République et de ses valeurs. Orateurs hors-pair, ils disent, avec une conviction des fois touchante dans leur discours, qu’il faut en finir avec le communautarisme qui enferme chacun dans une petite grille, dans une circonscription spécifique. Mais en même temps, ils ne font rien pour amender la loi et changer ce jeu électoral faussé, dont ce « Best Loser System » qui ne répond plus aux réalités du pays. Comme vient de le souligner la juge Rehana Mungly-Gulbul dans le sillage de l’action citoyenne du « Blok 104 », la protection des minorités s’inscrit en porte à faux par rapport à l’article 1 de notre Constitution.
La voie vers une démocratie participative passe d’abord par une remise en cause des partis politiques et de leurs leaders respectifs. Avec Ramgoolam ou Bérenger, c’est finalement du pareil au même, à quelques variantes près. Si Arvin Boolell et Pravind Jugnauth peuvent travailler ensemble comme si de rien n’était, si Lutchmeenaraidoo et Sithanen peuvent collaborer parce que conjoncturellement ils ont des comptes à régler, si Bappoo et Bodha se retrouvent en gommant le passé, si Boodhoo et Ramjuttun se jettent dans les bras l’un de l’autre, alors il y a de quoi affirmer que le système est perverti et verrouillé. On prend les mêmes et rebelote.
Comme pour Dave au sein de la Nouvelle Star, le public se passionne pour des joutes serrées. Des fois, on est tellement pris dans le jeu qu’on ne se rend pas compte qu’on se moque de notre intelligence. Et dans quatre jours, on fera accomplir notre devoir civique, sans vraiment broncher parce que c’est une habitude de voter soit pour Ramgoolam, soit pour Bérenger – quand ils ne sont pas ensemble !
Nad Sivaramen
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