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Ramgoolam, pile et face
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Ramgoolam, pile et face

Côté pile : le moderniste, le réformateur, le démocrate, le rassembleur, le séducteur. Côté face : le traditionnaliste, le conservateur, l’autocrate, le diviseur, le narcissique. L’être ayant fi ni par supplanter le paraître, il va falloir commencer à parler du vrai Ramgoolam.
Je dis « commencer » comme une confession, un aveu de péché d’omission. J’ai été moi-même séduit par la posture de républicain moderne et novateur du Premier ministre. Je n’ai pas été le seul dans la presse libre et non partisane. A l’exception de deux ou trois irréductibles - Josie Lebrasse, de manière abrupte et catégorique dans « Week-End », Raj Meetarbhan clairement mais plus mesuré dans « l’express » - les journalistes de La Sentinelle et de la presse en général ont réservé à Navin Ramgoolam un accueil généreux et globalement favorable.
Tout au long de son dernier mandat, ils disaient entre eux apprécier chez l’homme, sa disponibilité, son écoute et une apparente ouverture d’esprit. Pas tous, il est vrai, certains n’ont jamais été dupes. D’autres, ailleurs, se sont fait son porte-voix, mais cela n’a rien à voir avec les qualités humaines perçues du Premier ministre. Sans être de sa famille politique, d’autres encore avaient trouvé que dans les circonstances du moment, Ramgoolam était sans doute le leader politique le plus à même de réussir la modernisation intellectuelle du pays tout en assurant sa croissance économique. J’ai été de ceux-là, apportant un soutien franc à la réforme économique orchestrée avec maestria par son ministre des Finances – ce qui avait déplu à l’opposition et aux syndicalistes – et un appui critique à d’autres initiatives gouvernementales.
Bien entendu, dans la presse nationale, les journalistes ont exposé, sur ces questions d’intérêt public, une grande diversité d’opinions. Au sein même du groupe La Sentinelle qui compte une soixantaine de journalistes, le soutien affiché par l’éditorialiste de « l’express dimanche » à la politique économique du gouvernement Ramgoolam n’a nullement empêché ses collègues d’exprimer leur hostilité à cette politique. Cela est normal ; les salles de rédaction de La Sentinelle, ce n’est pas le comité central du Parti travailliste.
Soyons donc clairs : c’est parce que des opinions critiques ont été exprimées par les journalistes libres de La Sentinelle, c’est parce que des informations déplaisantes, possiblement controversables, aux yeux des politiciens au pouvoir ont été publiées durant la campagne électorale, que Ramgoolam, soutenu par son allié du moment, cherche par tous les moyens à détruire une entreprise vieille de bientôt cinquante ans, le fleuron de la presse mauricienne, l’éditeur de quelques-uns des journaux les plus lus du pays, la « tribune de la raison » évoquée, vendredi, par le Dr Philippe Forget, premier directeur
de « l’express ».
Cette intolérance, cette hargne, cette vendetta, cette ingratitude sans nom, révèle désormais le vrai visage de Navin Ramgoolam.
Du moderniste, il n’en a que le vernis. Sous le fard apparaît le traditionnaliste qui puise dans la vieille hotte du père les mêmes ignobles procédés contre les mêmes adversaires fantasmés.
Réformateur, il ne l’a été que contraint, incité par un Sithanen aujourd’hui honni, et ravalant maintenant sa réforme au bon plaisir de ces Jugnauth tant méprisés. Qui un jour nous expliquera pourquoi ?
Démocrate ? Que non ! Son gouvernement est le cimetière des institutions libres. Les seuls citoyens qu’il apprécie sont ceux qu’il parvient à effrayer et à domestiquer. Les seuls « journaux » qu’il tolère sont ceux qui le louangent. Mais ce n’est pas la tradition de la maison, tous les Premiers ministres en ont fait l’expérience, Paul Bérenger en son temps, qui s’était également plaint de l’hostilité de « l’express ».
Rassembleur, ah bon ? Mais qui a été rassemblé, quelle nation ? Depuis quarante ans, je n’ai pas vu le pays aussi divisé, aussi morcelé. Belle réussite sans doute pour celui qui s’était posé en unificateur.
Séducteur, là oui ! Je l’ai dit, j’ai été séduit par la posture. Pas par le discours… Le Ramgoolam qui se trahit maintenant est un homme dangereux pour le pays. D’autant plus qu’il est désormais sous l’infl uence mesquine de Pravind Jugnauth.
Ceux qui font semblant de croire qu’il ne s’agit que d’un règlement de comptes personnel ou d’un énième confl it entre un politicien et un journal, se trompent. Comme l’écrivait, vendredi, avec justesse le « Mauritius Times » - dont on ne dira pas qu’il est un journal anti-gouvernemental -, comme le disent nos confrères solidaires du « Mauricien » et du « Défi Plus », c’est du droit des citoyens qu’il s’agit, du droit à l’information. Pour défendre ce droit, nous irons bien loin.
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