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Religion squatteuse
Tout est bien dans le meilleur des mondes. Voltaire n’aurait pas mieux dit ! Depuis vendredi, les dévots du « kalimaye » de St-Paul peuvent prier en paix. Leur illustre voisin, le Premier ministre, s’étant acheté une conscience en leur proposant de faire leurs petites prières au « kalimaye »
bordant sa résidence. Et d’organiser les cérémonies plus imposantes dans un futur temple construit plus loin, sur un terrain dont Navin Ramgoolam lui-même fera bientôt l’acquisition. L’épilogue est bollywoodien. Harish Boodhoo annonce que sa « mission est terminée ». Tandis que les dévots enragés d’hier, filmés par la télé paillasson nationale, ne tarissent plus d’éloges sur la compréhension et le grand cœur du Premier ministre. « Win with Navin », le slogan vieilli du Parti travailliste, prend un coup de jeune. Le consensus cache toutefois une honteuse hypocrisie.
Pour une fois, nous pensons que la « Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation » (MSDTF) et la « Voice of Hindu » (VOH) ont eu une position sage sur un problème « religieux. » Les dirigeants de la MSDTF ont ainsi fait remarquer que le « kalimaye » a été érigé sur un terrain privé sans aucune autorisation formelle. L’argument juridique suffit. Nous n’allons donc pas dire que la MSDTF et la VOH se sont tues à cause d’un quelconque pacte d’allégeance à Navin Ramgoolam. Nous n’allons pas non plus sous-entendre que les deux associations se sont dissociées à cause des pratiques occultes dans ce « kalimaye » à la tombée de la nuit.
Restons donc sur le terrain juridique. Le président de la MSDTF, Somduth Dulthummun, a précisé qu’il s’agit là d’une construction illégale. Et qu’à ce titre, les dévots qui y prient ne peuvent prétendre continuer à squatter les lieux. La déclaration est pleine de bon sens. Elle est même lourde de sens ! Nous en concluons que le seul titre de « lieu de culte » ne donne pas droit à tout. Un tel édifice n’est en rien inviolable s’il est construit en violation de la loi.
Dans un Etat de droit, les mêmes règles doivent s’appliquer à tous. Or, c’est justement là que l’on constate l’hypocrisie qui règne sur la question. Il suffit de se rendre sur nos plages publiques – à Mon-Choisy, Anse-La-Raie et Belle-Mare notamment – pour croiser ces champignons religieux qui ont poussé ça et là. Ces constructions sont-elles légales ? Non. Aucune autorisation formelle n’ayant été donnée par les « Districts Councils » ou le gouvernement pour construire ces temples et autels « pieds dans l’eau ».
Au regard de la loi, tous ces édifices sont assimilables au « kalimaye » de St-Paul : ce sont des constructions illégales. Le tandem Anerood Jugnauth - Paul Bérenger a bien essayé de mettre de l’ordre dans ce capharnaüm. Mais le patronyme et la couleur de peau du vice-Premier ministre Bérenger a bien vite nourri une campagne « Pa touss nu bann ». Dont les principaux animateurs n’étaient autres que la MSDTF et la VOH !
Quelques années plus tard, ces deux organisations ne trouvent toujours rien à redire à ces constructions illégales-là. Pourtant, pour paraphraser le qualificatif de Dulthummun sur le « kalimaye » de St-Paul, on pourrait lui faire remarquer que les temples improvisés sur le littoral sont aussi des «endroits sales où on voit même des chiens errants traverser ». Pire, à deux pas des autels et temples, on retrouve bien souvent des cuisses de poulet, des cannettes de bière ou une touriste ayant enlevé le haut de son maillot de bain pour parfaire son bronzage. « Tchi tchi ! »*
Dans le monde idéal de la religion squatteuse, les plages seraient interdites aux touristes en monokini. On n’aurait pas droit d’y manger de la chair et de boire une goutte d’alcool. Ainsi, les autels religieux et leurs alentours préserveraient leur sainteté. Mais ce monde idéal-là n’existe pas. Dans le monde où nous vivons, où la loi est reine, toutes les constructions religieuses du littoral doivent être détruites. Sinon, on ne pourrait que donner raison à ceux qui constatent amèrement qu’il y a une loi « pu nu bann » et une autre « pu bann la ».
*Expression indienne de dégoût
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