Publicité

Samedi noir : Une catastrophe peut en cacher une autre

5 avril 2013, 04:35

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

 

Le coupable est déjà tout trouvé. Avant même d’être en possession de toutes les informations sur les causes possibles des inondations de samedi, le gouvernement a choisi de jeter tout le blâme de ce drame sur le changement climatique.

 

C’est en tous les cas la conclusion qu’on peut tirer des déclarations du Premier ministre et du ministre des Infrastructures publiques, Anil Bachoo, dans le sillage de la catastrophe. Un tel degré de certitude est pour le moins prématuré, d’autant plus que plusieurs experts s’accordent à dire que les activités humaines ont joué un rôle important, et même prépondérant, dans les événements de ce week-end.

 

«Une convergence de facteurs naturels et humains. »C’est en ces termes que Vasantt Jogoo, urbaniste, décrit les causes des inondations meurtrières qui ont terrassé Port-Louis. «Le changement climatique est, certes, une réalité, en particulier en ce qu’il s’agit des événements météos plus intenses, mais qu’avons-nous fait exactement pour nous y adapter et atténuer ses effets ?» Il rappelle que lorsque Mahé de La Bourdonnais fit construire le Ruisseau du Pouce, le changement climatique n’existait pas. Ce qui n’a pas empêché le gouverneur d’alors d’assurer la mise en place d’un système d’évacuation des eaux adéquat. Tel n’est plus le cas depuis longtemps. «Au lieu d’agrandir les drains on les obstrue. On bétonne partout », fait-il ressortir.

 

Pire, le front de mer de la capitale a été presqu’entièrement bétonné par le «Caudan Waterfront», le «Port-Louis Waterfront» et «Harbour View», bloquant du coup le transit de l’eau vers l’océan. Le projet «Neotown» viendra compléter le tableau. Commentant les travaux de construction de la troisième voie de l’autoroute en aval du Ruisseau du Pouce, il est estimé que «la chaussée aurait dû avoir été surélevée». Bhanooduth Lalljee, directeur du «Centre for Consultancy and Contract Research» à l’université de Maurice, estime pour sa part que les drains de la capitale ont été conçus pour contenir «beaucoup d’eau». «A condition d’être bien entretenus», précise-t-il.

 

Et puis, plus en amont, il y a la «Ring Road» à hauteur de Pailles qui a servi, selon Vasantt Jogoo à oblitérer «le système de drainage naturel qui acheminait les eaux de ruissellements venues des montagnes alentours». Il estime que les quelques drains aménagés pour acheminer l’eau vers la mer sont «insuffisants». Car comme le rappelle Bhanooduth Lalljee, «l’eau suit naturellement son cours». Ce fait doit impérativement être pris en compte lors de l’aménagement de drains. Ceux-ci doivent être situés de manière à capter les eaux de ruissellement, faute de quoi ils ne serviront pas à grand-chose. Et lorsque la capacité d’absorption des terres en amont de la capitale est saturée, «tout descend vers Port-Louis», donnant à l’expression de la goutte qui fait déborder le vase tout son sens.

 

Bhanooduth Lalljee, qui fait partie d’une équipe internationale chargée d’évaluer les risques hydrométéorologiques de six pays africains, dont Maurice, évoque un autre danger potentiel : les glissements de terrain. La montagne des Signaux, par exemple, est composée en surface d’une terre argileuse qui gonfle lorsqu’elle est pénétrée par l’eau. Ce qui représente une menace pour l’intégrité structurelle des drains, routes et autres bâtiments construits sur ce type de terrain. C’est aussi l’avis de Vassant Jogoo : «L’eau a tendance à lubrifier ce type de sol. On risque un jour de voir tout un pan de la montagne glisser».

 

Dans un communiqué émis hier (mardi 2 avril), la Commission de l’Océan Indien (COI) a, de son côté, également relevé que les «drains sont souvent bouchés ou insuffisamment dimensionnés, quand ils ne sont pas tout simplement absents». Ce n’est pas non plus la première fois que la COI tire la sonnetted’alarme. En mars 2011,une évaluation de la vulnérabilitéde Maurice au changementclimatique, élaboréedans le cadre de son projet«Acclimate», avait noté que :«Pendant les dix dernièresannées, le service météorologiquemauricien a notéune augmentation des casd’inondations, surtout dejanvier à mars. Si l’intensitédes précipitations a légèrementaugmenté (de 50 à 55mm/ heure), les inondationssont exacerbées encore unefois par des constructions‘sauvages’ ou résultent dedrains mal entretenus. Dece fait, ce phénomène n’estpas répertorié».

 

Au niveau du gouvernement toutefois, le déni reste entier.

Publicité