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Servitude volontaire

7 mars 2014, 07:51

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Servitude volontaire

“Pourquoi un seul peut gouverner un million, alors qu’il suffirait à ce million de dire non pour que le gouvernement disparaisse?” Dans un texte magistral, Le discours de la servitude volontaire, Etienne de La Boétie, écrivain du 16e siècle, cité hier lors la conférence d’Edwy Plenel sur la presse et la démocratie, soulève cette question qui devrait être au coeur de nos débats pré-2015.

 

Selon La Boétie, dont le texte semble dépeindre, trait pour trait, nos leaders politiques locaux, il y aurait trois sortes de « mauvais princes » (les femmes étaient disqualifiées d’office à l’époque mais demeurent toujours rares dans des positions de leadership, ou encore à la table des conversations démocratiques sur la presse, comme l’a pertinemment rappelé, hier au centre Vivekananda, notre consoeur Shenaz Patel). 1) Ces princes ou tyrans qui arrachent le pouvoir par la force des armes et qui se comportent comme en pays conquis; 2) ces autres qui montent sur le trône par succession de race – nés et nourris au sein de la tyrannie, ils sucent le lait naturel du tyran et usent du royaume comme de leur propre héritage; et 3) ces princes qui possèdent le Royaume par l’élection du peuple, qui normalement devraient être plus supportables, mais qui se révèlent souvent indétrônables. L’un de ces mauvais princes est ainsi décrit par La Boétie : « Dès qu’il se voit élevé en si haut lieu, au-dessus de tous les autres, flatté par je ne sais quoi, qu’on appelle grandeur,il prenait la ferme résolution de n’en plus descendre (…) Il considère presque toujours la puissance qui lui a été confiée par le peuple comme devant être transmise à ses enfants. »

 

Formés à la bonne école de la discipline et trop occupés a réfléchir sur leur sort national avec un CPE qui détruit les neurones, les Mauriciens semblent contraints à l’obéissance depuis l’enfance. Hommes et femmes sont éduqués pour temporiser, pour s’habituer à leur condition d’esclaves modernes et ne se rendent pas compte de la valeur de la liberté qu’ils n’ont jamais connue. Si, par la force des armes, la nation est soumise au pouvoir d’un seul prince, il ne faut pas s’étonner qu’elle serve et supporte ce malheur avec patience et résignation. Il arrive aussi qu’un peuple développe de la reconnaissance pour un de ces princes qui lui aurait donné quelques preuves d’une grande hardiesse pour le défendre…

 

Avec une presse bafouée dans ses droits et sujette à des attaques pouvoiristes visant à la décrédibiliser, la museler et l’asphyxier, et une société civile divisée, l’espoir en cette année 2014 pour Maurice devrait venir des citoyens engagés, informés, libres de mener un combat collectif contre la dictature des trois princes qui ont institutionnalisé leur fonds de commerce : le communalisme.

 

Pour La Boétie, l’habitude, qui en toutes choses exerce un si grand empire sur toutes nos actions, possède surtout le pouvoir de nous apprendre à servir : « C’est elle qui à force de patience (comme Mithridate s’habitue peu à peu au poison) parvient à nous faire avaler, sans la moindre répugnance, l’amer venin de la servitude...»

 

Sans plus tarder, il nous faut comprendre ce vice qui atteint la grande majorité des Mauriciens, qui acceptent de servir, jusqu’à se faire tyranniser, car ne voyant plus aucune voie de se démettre de ceux qui ont empoisonné le réservoir dans lequel les électeurs, avec ou sans carte d’identité biométrique, viennent tous s’abreuver…