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Sithanen : Destin prévisible

C’était couru d’avance, cette mise à l’écart programmée de Rama Sithanen. Des signes précurseurs indiquaient que le ministre des Finances allait être sanctionné, voire sacrifié, avant la fin du présent mandat. Et il ne fallait pas monter sur le toit de la Banque de Maurice pour voir ainsi le ciel s’abattre sur le Grand argentier.
Voyons voir : le gouverneur Bheenick, du haut de sa tour, et qui avait une meilleure vue que Sithanen sur le champ politique, ne s’est jamais senti en danger malgré les maintes tentatives de celui-ci d’avoir sa tête. Il savait l’essentiel : Sithanen était dépourvu de soutien des travaillistes traditionnels.
Pire Sithanen se dirigeait vers sa propre chute avec sa réforme économique qui mécontentait ceux (les fonctionnaires et leurs proches en général) qui choisissent le gouvernement du jour.
En mars dernier, quand Jugnauth (père) conviait Chissano pour un déjeuner au Réduit, l’alliance bleu-blanc-rouge avait déjà été conclue dans les grandes lignes. Mais Ramgoolam voulait gagner du temps, entre autres, pour ne pas stopper la machinerie gouvernementale, et aussi pour soigner son approche vis-à-vis des gêneurs comme Sithanen ou des députés-« paresseux » qui n’auront pas de ticket. Et accessoirement il donnait un peu d’espoir et de direction à un Paul Bérenger qui zigzaguait - le jeune Pravind ne lui disait-il pas de manière ouverte que le MMM devait « arret revé » et que le « jackpot » était déjà touché.
Entre-temps les choses se sont accélérées avec la fameuse note circulaire du secrétaire permanent Ali Mansoor qui devait provoquer un tollé parmi les fonctionnaires. En renversant la décision de Mansoor, protégé par un Sithanen lui-même vulnérable et mal informé de surcroit, Ramgoolam ne voulait pas tant donner une victoire aux syndicalistes sur le tandem Mansoor/Sithanen ; il savait sciemment qu’il devait réparer les dégâts politiques provoqués par le duo mal-aimé.
Si à mi-mandat, Ramgoolam avait ménagé son ministre des Finances en lui demandant de ravaler sa lettre de démission – et ce, tout en maintenant la nomination du gouverneur Bheenick ! -, c’est parce qu’il avait besoin de Sithanen pour mener à bien la réforme économique. Ramgoolam était pragmatique et il le demeure.
Hier un « asset » économique, Sithanen devient aujourd’hui un « liability » politique au sein de l’Alliance des Ramgoolam/Jugnauth/Duval. Cela sautait aux yeux, sauf pour le principal concerné, Sithanen lui-même, aveuglé par ses sentiments pour son «ami» Navin. Il pensait que Ramgoolam était son protecteur face aux faucons. Or ce même Ramgoolam a lui-même besoin des faucons pour tailler sa part du lion.
Sithanen, qui se dit être l’un des plus proches collaborateurs de Ramgoolam, a en fait été écarté des décisions stratégiques depuis longtemps. Docteur en système électoral, Sithanen n’est pas consulté par son « ami » Ramgoolam quand il conclue les termes de son alliance bleu-blanc-rouge (une équation que seul le leader rouge peut résoudre). Vice-Premier ministre, Sithanen (en mission à Londres) n’est pas tenu au courant quand le Parlement est dissout.
Puis, avalant sa fierté et ses mots prononcés au complexe du pavillon de Quatre-Bornes eu égard au manque d’égalités des chances en politique, Sithanen consent à rester au sein des travaillistes même s’il ne sera pas ministre des Finances. Mais c’était trop tard. Le MSM, approché pour reconquérir l’électorat refroidi par les mesures Sithanen, couplé aux faucons rouges, avait déjà eu sa peau.
Sithanen aurait pu être le symbole d’un esprit brillant sacrifié à cause du jeu malsain des alliances. Mais il a choisi de continuer à boire la soupe dans laquelle il avait craché tant de fois. Cette fois-ci, en le sanctionnant, Ramgoolam le libère, sauf que lui, il ne veut plus partir…La traversée du désert, Sithanen l’avait connue en rejoignant les rouges en 2000, dix ans après, mis sur le banc des touches par ces mêmes rouges, il risque d’être un spectateur passif…
C’est cette fois-ci que Sithanen aurait dû marcher avec sa lettre de démission dans la poche !
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