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SOUVENIRS ÉMUS : L’express salue son père spirituel

10 septembre 2013, 08:42

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SOUVENIRS ÉMUS : L’express salue son père spirituel

La nouvelle est tombée brutalement, hier après-midi, alors qu’on préparait le briefing du soir : le Dr Philippe Forget est décédé. Il avait 85 ans. Et avait toujours à cœur le devenir de l’express, même s’il restait en retrait (mais pas à la retraite !). Ses questions, ses conseils, ses encouragements incessants trahissaient la distance qu’il avait volontairement placée entre le journal et lui-même.  Les funérailles auront lieu ultérieurement. Une communication sera faite à cet effet.

 

Avant de partir subrepticement hier, il avait effectué, le 27 avril dernier, un grand retour dans les locaux de La Sentinelle pour célébrer avec nous les 50 ans du groupe. Ce jour-là, dans ses yeux, et selon ses mots, «il y avait beaucoup d’émotion devant la rencontre des anciens parce que c’était eux qui faisaient une bonne partie de ma vie». Mais l’homme, «ce génie mauricien méconnu», dont la puissance intellectuelle avait des longueurs d’avance sur son temps, regardait rarement dans le rétroviseur. D’ailleurs, on avait rendez-vous avec lui demain : il voulait visionner les dernières vidéos (réalisées par son petit-fils, Loïc) et postées dernièrement sur lexpress.mu. Depuis longtemps, il avait compris qu’avec Internet, c’est la profession elle-même qui devait se repenser. Un changement paradigmatique, comme celui qu’il avait initié au début des années 60, en redéfinissant la fonction même de l’exercice éditorial. Comme le rappelle Gilbert Ahnee, qui a dirigé son récent recueil d’éditoriaux, «L’avenir, seul choix possible», le médecin devenu homme de presse «était étranger aux coquetteries de salons littéraires mais doté d’une clarté de scientifique, d’une précision et d’une concision de langage qui d’emblée le distinguaient du lyrisme des signatures de l’époque».

 

Si le Dr Forget avait conscience que le journalisme, tel qu’il le pratiquait (1963-1984) avait changé, l’objectif demeure le même : «dans un pays libre, l’opinion publique ne peut juger, ne peut se prononcer que si elle est en présence des problèmes réels et des faits exacts (…) disons- le en peu de mots : l’express prétend être et demeurer un journal propre, un journal digne de ce pays et de son peuple».

 

Dans la dernière interview qu’il nous a accordée (parue dans l’express du jeudi 30 mai 2013), il expliquait que «ma phase de journaliste était conçue comme un devoir de diriger la pensée mais je reconnais qu’avec l’éducation montante de nos jours il doit y avoir une osmose plus présente entre le public, le lecteur et le journalisme». Mais ces lignes qui soulignent sa contribution énorme au journalisme et au développement du pays n’auraient pas plu au Dr Forget. Il n’en avait que faire.

 

L’express ce n’était pas lui, l’express c’était avant tout des valeurs qui ont pour but d’aboutir «à cette fusion nationale qui a été longtemps refusée». A la fin des années 1970, avant de prendre l’avion pour l’Afrique du Sud pour un traitement médical, le Dr Forget disait à ses journalistes en briefing : «si je ne reviens pas vivant, de grâce, n’écrivez pas une nécrologie sur moi !»… Aujourd’hui, l’heure n’est pas aux pleurs, le travail doit continuer, le pays ne va pas mieux qu’avant. Nos pensées émues vont à sa tendre moitié Huguette, ses six enfants, ses 14 petits-enfants, ses sept arrière-petits-enfants qui l’ont comblé de bonheur. Le Dr Forget les surnommait affectueusement «mes bouées de sauvetage dans ce monde de mouvements, de courants, de campagnes et de suiveurs…»

 

 

N. S.

 

TÉMOIGNAGES

 

Denis ITHIER: «La brutale disparition du Dr Forget en cette année de notre jubilée d’or nous laisse désemparés. Nous conserverons jalousement les moments privilégiés qu’il a bien voulu partager avec nous le samedi 27 avril. Le livre-hommage ‘L’avenir seul choix possible’ lancé à cette occasion restera un précieux héritage de ce journaliste exceptionnel. Malgré ce départ, il reste le phare qui nous éclairera toujours.»

 

Raj MEETARBHAN: «J’avais 23 ans quand le Dr Forget m’a offert de travailler au sein de la rédaction de l’express. J’ai tout appris du métier, ses techniques et ses règles d’éthique, en le côtoyant. L’efficacité, la rigueur et la générosité étaient les traits centraux de cette personnalité qui a surplombé la presse mauricienne pendant plusieurs décennies. Un grand homme s’est éteint.»

 

Luc OLIVIER : «Il est parti. Pour ne plus revenir. Contrairement au 27 avril, pour le jubilé de l’express. Mais perdurera le souvenir d’un homme debout, juste. Elément catalyseur dont les écrits affirment un caractère trempé. Que l’on pourra difficilement émuler.»

 

Alain BARBÉ: «La discipline, la rigueur, la ponctualité étaient ses maîtres mots. Visant la perfection, il n’appréciait guère le travail fait à demi. Le Dr Forget ne transigeait pas sur l’intégrité et l’honnêteté d’un journaliste. Il était pour moi, jeune journaliste qui débutait ma carrière en 1978, plus qu’un rédacteur en chef. Je dirais plutôt qu’il était un chargé de cours universitaire. Sous sa direction, j’ai fréquenté peut-être une des meilleures écoles de journalisme. Je n’oublierai jamais son combat pour la liberté de la presse.»

 

Jean-Mée DESVEAUX: «Mes balbutiements de journaliste je les ai faits sous le Dr Forget en 1978. C’était un homme de conviction qui refusait toutes compromissions sur ses valeurs morales. Je n’ai vu personne de sa trempe en 35 ans de vadrouille ici ou ailleurs.»

 

Renaud MARIE: «Le Dr Philippe Forget a énormément contribué à la modernisation de la presse mauricienne et au façonnement de l’île Maurice naissante. Il a servi de guide à toute une génération de journalistes qui éprouvent en ce moment de deuil une immense tristesse.»