Les véritables démocrates ne sauraient se laisser séduire par la portée symbolique de la suppression du Best Loser System et fermer les yeux sur l’entorse qui est faite par ailleurs à la démocratie. Une mesure spécifique de la réforme électorale va à contre-courant de la modernité. Il est prévu d’accorder aux leaders des partis un pouvoir de discrétion pour la désignation des élus à la proportionnelle. Cette pratique est rétrograde. Le livre blanc sur la loi électorale prévoit d’attribuer au moins 16 sièges correctifs en sus des sièges décrochés par ceux qui sont élus directement. Le principe en soi n’est pas contestable. Un Parlement ainsi constitué est susceptible de refléter le plus équitablement possible le poids électoral de chaque parti. Chaque sensibilité politique arrivera à se faire entendre à l’Assemblée pour peu qu’elle soit soutenue par un minimum de 10 % de l’électorat. Mais le diable est dans les détails.

Le mode de désignation de ces députés correctifs va renforcer le pouvoir déjà excessif des leaders politiques. Qu’un dirigeant de parti puisse, à sa guise, nommer des députés selon des critères qu’il sera le seul à connaître est totalement contraire à l’esprit de la démocratie. Cela nous rappelle, dans une certaine mesure, l’ère coloniale. Le gouverneur pouvait alors désigner un « nominee » de son choix pour siéger au Conseil législatif.

Il est vrai que les leaders ont déjà la prérogative d’accorder les investitures comme ils l’entendent. Cependant, leurs préférés doivent obtenir l’onction du suffrage universel avant d’accéder au Parlement. Or, quelle sera la légitimité d’un député qui ne doit son statut qu’au seul bon vouloir de son chef ?

Une partie des sièges correctifs ira à des candidats inscrits en ordre de priorité sur une liste de parti. Quant aux autres, ils seront retenus ou pas par leur leader en fonction de critères opaques. Ainsi, la surprise du chef sera totale.