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Suspicion
Gouvernance. Ce mot est d’actualité avec la publication de l’Indice Ibrahim de la gouvernance en Afrique (IIAG) pour l’année 2013. Une fois de plus, Maurice se retrouve en tête de ce classement qui évalue la performance de 52 pays.
Toutefois, au lieu de se réjouir de cette performance, nombre de nos compatriotes restent dubitatifs face à une réalité autre que celle que leurs renvoient les indices régionaux et internationaux. Cette réalité qu’ils vivent dans le brouhaha de l’actualité quotidienne n’est certainement pas celle constatée par les évaluateurs de la fondation Mo Ibrahim. Au contraire, elle se compose depuis un certain temps d’un défilé quasi-hebdomadaire devant les locaux de la CentralCID. L’image est encore moins reluisante eu égard aux responsabilités qu’occupent ou qu’ont occupé bon nombre de ceux qui y sont convoqués pour les enquêtes en cours. Et pour couronner le tout, même ceux qui se considéraient comme des victimes au départ ont appris à leurs dépens que la roue peut tourner à n’importe quel moment.
Au vu des événements qui nous occupent en ce moment, il serait crédule de penser qu’un début de moralisation de la vie politique est possible. Si cela devait vraiment arriver, elle aurait dû commencer dans le sillage de l’affaire Medpoint qui a fini par avoir raison de l’Alliance de l’Avenir. Au lieu de cela, au pays du Dodo, nous avons eu droit à une série de décisions les unes plus suspicieuses que les autres. Des initiatives au parfum de scandale qui n’ont pas manqué et qui continuent de faire les choux gras de la presse.
Depuis l’octroi de contrats pour l’installation des radars sur nos routes en vue de contrôler les excès de vitesse, en passant par l’arrestation des secrétaires de juges jusqu’au départ du Secrétaire financier, Ali Mansoor, tout est jugé suspect. Un climat de suspicion généralisé a gagné le pays.
Pourtant, le président du Parti travailliste, Patrick Assirvaden, a raison. Il ne faut pas tout ramener à la politique. Mais une question se pose : que font les politiques pour éviter à ce que cette perception s’installe, voire ne se propage ?
Certes, l’Opposition parlementaire ne fait qu’alimenter le soupçon quand elle questionne certaines décisions comme la rapidité avec laquelle le gouvernement a décidé d’aller de l’avant avec la nouvelle carte d’identité nationale ou encore l’évocation de la fusion entre la Banque de Maurice et la Financial Services Commission. Mais il faut savoir que l’Opposition est dans son rôle.
Dans un pays où le débat civilisé et éclairé entre dirigeants et opposants est proscrit, les « allégations » sont réfutées par conférences de presse interposées. Le tout dans une ambiance mélodramatique.
En attendant de vrais échanges à l’Assemblée nationale sur des questions d’intérêt public avec la reprise des travaux parlementaires, cette semaine, c’est tout simplement l’incompréhension totale devant ce que les sociologues considèrent de plus en plus comme la mise à feu d’une bombe à retardement. Car que l’on veuille ou non, un climat de suspicion n’est pas sans conséquence sur l’économie. D’autant plus que les fonctionnaires déjà échaudés par l’affaire Medpoint ne manqueront pas de réfléchir à deux fois avant de s’aventurer en terres inconnues, notamment à l’approche d’une échéance électorale. D’où d’ailleurs, la lenteur administrative et le retard enregistré sur certains projets d’investissements publics.
Avec le moral au sein de la communauté des affaires déjà en berne, il n’est pas non plus à écarter que le secteur privé fasse également doublement attention avant de s’engager. Encore plus lorsqu’il entend les récents discours portant sur la démocratisation de l’économie.
La fragilisation dangereuse de nos institutions ainsi que la crise de gouvernance à laquelle nous assistons plongent leurs racines dans nos moeurs politiques et la propension d’ingérence de nos dirigeants.
Pour éviter à ce qu’un climat où tout le monde va se méfier de tout le monde ne s’installe durablement dans le pays, il serait temps de venir avec une loi sur la liberté de l’information. L’accès à l’information à travers une Freedom of Information Act permettra au public d’avoir des réponses à beaucoup de questions et ainsi d’éliminer toute mauvaise perception.
Si l’information est l’oxygène de la démocratie, en revanche, la culture du secret et le manque de transparence ne font que contribuer à l’épanouissement du passe-droit, du gaspillage, de la fraude de la corruption et du trafic d’influence.
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