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Un Etat épicurien
Une béquée ne suffit plus au Premier ministre pour nourrir ses mauvais galopins qui pourtant se signalent par leurs incompétences et l’immodération dont ils font preuve dans l’exercice de leur pouvoir. Ici, on accuse un ministre d’avoir brutalisé un automobiliste, là on pointe du doigt un autre ministre pour des accidents et des catastrophes qui ont entraîné la mort de plusieurs personnes en passant par ces autres ministres dont les performances ne satisferaient pas le Premier ministre.
Dès lors, il ne faut pas s’étonner qu’on évoque un remaniement ministériel ou encore un recadrage attitudinal de certains dirigeants. Voire un rappel à l’ordre par le chef du gouvernement. L’heure ne serait plus de céder à la fatalité de l’autruche. Au-delà du fait que le Premier ministre doit prouver qu’il détient bien les rênes de son gouvernement - chose dont il n’est pas tenu de faire la démonstration - il y a une transformation de la société qui est inquiétante.
Certains pourraient estimer que c’est un épiphénomène. D’autres que c’est devenu une norme qui embrase toute la classe politique. Le sentiment de l’impunité, de «l’Etat, c’est moi» qui seraient propres à la culture travailliste inciteraient quelques élus et autres proches des gouvernants à exercer de manière discrétionnaire et arbitraire le pouvoir qu’ils ont hérité du peuple. Bateleurs et saltimbanques ne craignent plus les critiques de l’opinion publique. Ils sont confiants que leur Premier ministre agira en Esculape en prodiguant ses bons conseils pour faire oublier leurs embardées.
On laisse ainsi jacter les mécontents. Quelques individus défient le collectif, la société avec ses règles et ses lois. Nous sommes entrés dans cette ère et il semblerait que nous n’en sortirons pas de sitôt. Tout cela est facilité par le peuple qui a mis de côté les aspirations collectives au profit d’une ambition personnelle.
Cela dit et pour mieux comprendre la sensation d’impunité, il faut préciser que celle-ci procède du sentiment qu’on est protégé et que tout un système peut être inféodé à un régime politique. Aujourd’hui, l’ensemble du personnel politique est aussi perçu comme fonctionnant dans l’opacité. Cette perception est accrue du fait que ce personnel, de quel que bord qu’il soit, travaille dans un réseau de complicité tacite où chacun couvre l’autre.
La classe dirigeante s’est constituée en autorité morale. Elle ne veut souffrir d’aucune contestation. La moindre critique est, de ce fait, considérée comme une manœuvre faisant partie d’un vaste complot. Des gestes chevaleresques, comme démissionner pour assumer ses responsabilités dans la mort de dizaines de citoyens, de reconnaître ses torts pour avoir brutalisé un automobiliste ou encore d’utiliser son pouvoir pour couvrir ses sbires et des membres de sa famille, n’ont donc plus aucun sens.
Tout cela dans un contexte où on nous assène que le pays fait face à une crise mondiale. Mais qui sont ceux qui tenteront de résoudre la crise des valeurs intérieure ?
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