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Une réforme qui ne va nulle part
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Une réforme qui ne va nulle part

La réforme électorale, évoquée depuis maintenant plusieurs années, prend de plus en plus la forme d’un mirage, s’éloignant à chaque fois que l’on croit s’en rapprocher et frustrant tous les espoirs de régénération d’une démocratie décidément aujourd’hui bien fatiguée.
Le rapport Carcassonne qui, un temps, apparaissait aux yeux de la classe politique comme une « intéressante » perspective d’action, est désormais déchiqueté de toutes parts. Le début d’intérêt suscité aura été finalement trop beau pour être vrai.
Ce document qui se voulait une rupture assez radicale par rapport à l’ordre passé, butait toutefois, aussitôt publié, sur des appréhensions liées à la représentation des minorités, l’avenir du Best Loser System (véritable vache sacrée du débat politique mauricien), sur le dangereux redécoupage des circonscriptions qu’il impliquait et sur les vieilles phobies travaillistes héritées des années 60 pour tout ce qui touche à la représentation proportionnelle.
L’hostilité de politiciens disposant d’assises régionales importantes, donc peu disposés à se fondre dans des listes de partis contrôlées par les leaders, réduisit davantage les chances d’une réforme équitable. Les « réserves » fort documentées exprimées par Rama Sithanen ont, par ailleurs, donné aux dirigeants travaillistes les arguments requis pour alimenter les soupçons. Le coup de grâce à la réforme a, pourtant, lui, été infl igé par le leader de l’opposition lui-même, qui, en qualifi ant la réforme proposée de « mort-née » enfonçait le dernier clou dans le cercueil et exonérait par avance et commodément le PTr de toute responsabilité à venir dans sa mise à mort.
La cause première de ce nouvel échec est la même que celle qui, dans le passé, a paralysé toutes les autres propositions et qui, (c’est maintenant une évidence) longtemps encore, assurera l’immobilisme et la rigidité du système : Elle réside dans les calculs égoïstes des grands partis et le fait que ceuxci, toutes formules confondues, en défi nitive n’y trouvent pas leur compte.
La considération primordiale dans le débat sur la réforme électorale n’a finalement jamais été l’élargissement de l’espace démocratique mais la mise en place des circonstances les plus favorables pour le succès électoral et l’exercice stable du pouvoir. Tout le reste n’est et n’a jamais été que pure hypocrisie.
La réforme Carcassonne s’est condamnée elle-même à une mort certaine le jour où les commissaires ont confi é (assez naïvement) que l’effet principal de la réforme – par le biais d’une représentation plus équilibrée – serait de resserrer les écarts dans la représentation parlementaire des grands partis, de raccourcir les majorités et de dégager le jeu politique mauricien de sa logique traditionnelle de rechercher des alliances multipartites préélectorales.
Dans la mesure où la réforme proposée laminait l’étendue des majorités parlementaires et introduisait ainsi le risque de majorités plus fragiles donc plus d’instabilité (tout simplement parce qu’aucun parti ne pouvait espérer dépasser 50 % des voix, donc des sièges), elle signait sa propre perte. Carcassonne et ses commissaires, en misant sur l’équité, ont totalement négligé le fait que PTr et MMM sont loin d’avoir la même structure mentale. Navin Ramgoolam ne cesse, depuis des années, de réclamer une « très large majorité » de trois quarts pour asseoir son rêve de deuxième République et de présidence exécutive et « en finir une fois pour toutes avec le MMM » - et cela seul le « First past the post » le lui assure et cadre avec ses plans. Le PTr est le parti le plus « clanique » de le scène politique mauricienne.
Gouverner avec une petite majorité de quatre, ces jours-ci, lui est déjà insupportable. Croire qu’il s’enthousiasmera pour un système qui ferait de petites majorités un « feature » permanent de la politique locale est ne rien comprendre au psychisme travailliste.
Quant au MMM, s’il dit s’émouvoir des 60-0, il n’en est pas moins partisan de « majorités substantielles » permettant « le grand coup de balai » promis au pays. Ce parti glisse, par ailleurs, vers des positions conservatrices (au sens de conserver ce qui existe) de plus en plus aberrantes. Sur la réforme électorale, comme sur de plus en plus de thèmes sociaux, le MMM donne aujourd’hui l’impression d’avoir peur de son ombre et semble avoir renoncé à toute audace. En rejetant les formules Carcassonne, qui mettaient à nu le bluff historique du MSM, le MMM indirectement maintient aussi le MSM à ses cotés dans le jeu des alliances, alors qu’il avait une occasion rare de ramener le parti des Jugnauth à de plus justes proportions. Les dettes politiques s’accumulent !
En balisant le cadre électoral futur comme le font actuellement les grands partis (pas d’abolition du Best Loser System ; maintien du nombre actuel de circonscriptions malgré les disparités ; refus du financement par l’Etat des dépenses électorales des partis ; prééminence absolue des chefs dans la
distribution des tickets), on fait en sorte que – quelles que soient leurs affirmations du contraire – il n’y aura effectivement aucune réforme électorale d’envergure dans un avenir prévisible, si ce n’est 20 ou 30 députés supplémentaires à caser et un nombre accru de femmes – toutes choses parfaitement réalisables dans le cadre actuel.
La réforme électorale, objet et occasions de toutes les combines, prétexte commode de toutes les négociations, pourrait bien être, au final, l’escroquerie intellectuelle de la décennie. Il n’y a pas de quoi en être vraiment fiers.
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