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Vertement manipulés ?
Il peut être un véritable sphinx quand cela l’arrange. Puis se transformer en conteur volubile l’instant d’après.
Ce jeudi, on a plutôt eu droit à la version « bavard » de Navin Ramgoolam lors des célébrations du Nouvel An tamoul. Mais les confi dences du Premier ministre n’ont rien eu de rassurant. En évoquant le projet de centrale à charbon CT Power – mis au placard en janvier –, Ramgoolam laisse entendre que son gouvernement a pu être manipulé sur ce dossier.
Candide, le Premier ministre a d’abord expliqué avoir été « surpris du contenu » du rapport de Joël de Rosnay sur la question. L’expert en développement durable a en effet conclu que la centrale CT Power pourrait faire courir de réels risques au pays. N’en démordant pas, Ramgoolam a ensuite avoué qu’on lui avait fait comprendre que le rapport avait pu être manipulé. C’est ce qui justifi erait, selon lui, le réexamen du dossier CT Power.
Cet aveu n’a rien d’anodin, il est même d’une extrême gravité. Car il nous conduit à nous poser une série de questions.
Est- ce que le Premier ministre implique que c’est son conseiller Joël de Rosnay qui aurait pu « manipuler » le rapport ? Si c’était le cas, à qui aurait profi té cette présumée « manipulation » ? Si ce n’est pas l’expert franco- mauricien qui est en cause, qui a faussé les conclusions du rapport ? Enfi n, si c’est sur la base de ce rapport que le gouvernement a enterré le projet CT Power en janvier, peut- on conclure que d’autres décisions du gouvernement ont pu être prises à partir d’études elles aussi manipulées ? Les citoyens du pays ne doivent ni plus ni moins attendre du Premier ministre qu’il initie toutes les procédures administratives et juridiques afi• de vérifi er si le rapport sur la centrale à charbon a été manipulé ou non. Si une quelconque irrégularité était avérée, nous devrions également exiger du Premier ministre qu’il utilise toutes les prérogatives à sa disposition pour situer les responsabilités dans cette affaire.
Il y a moins d’un mois, Navin Ramgoolam disait sa dé- fi ance envers ces experts « qui n’ont pas forcément raison » . Il sait probablement de quoi il parle. Car ce sont, par exemple, eux qui ont cornaqué le gouvernement au moment de la signature des accords d’achat d’électricité aux « Independent Power Producers » ( IPP). Or, ce n’est qu’une dizaine d’années après la signature des deals que Ramgoolam a personnellement laissé entendre que ceux- ci se montraient trop favorables aux IPP. Il est probablement un peu tard pour modifi er fondamentalement les clauses de ces contrats dont l’intégrité sera effi cacement défendue et protégée devant nos tribunaux.
Toutefois, nous pouvons encore nous intéresser aux autres mégaprojets qui n’ont pas encore abouti. Mais qui auront potentiellement un important impact environnemental. Nous devons nous demander si nous avons bien reçu des avis d’experts « non manipulés » sur la zone économique de Jin Fei et le « mégaprojet » Neotown.
Ces questions méritent d’être posées maintenant, c’està- dire à la veille du déclenchement d’une vaste campagne de consultation et de conscientisation organisée par le ministère de l’Environnement, dans le cadre de l’élaboration d’une « integrated national policy » en matière de développement durable. C’est ce que préconise le Livre blanc sur Maurice Ile Durable ( MID) adopté par le Conseil des ministres, ce vendredi.
MID est un projet trop important pour qu’on en jette les bases réelles à partir de rapports « manipulés » . Dans le Livre blanc, l’élément « government committment » apparaît comme l’un des ingrédients les plus importants pour la réussite du projet MID. Il est temps que le gouvernement et le Premier ministre en fassent la démonstration en expliquant à la population – étude à l’appui – si nous avons été ou non vertement manipulés par les promoteurs des projets Jin Fei et Neotown.
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