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Vivre à crédit
Les grandes personnes n’ont pas toujours raison. Elles aiment dépenser sans en mesurer les conséquences. Que les offres de crédit se multiplient n’est pas étonnant… s’il y a une demande. Le gouverneur de la Banque de Maurice, Rundheersing Bheenick, aura beau dénoncer les visées mercantilistes de certains opérateurs que cela n’y changera pas grand-chose. Qu’on revoie même à la hausse le «repo rate», cela n’empêchera pas les Mauriciens de consommer davantage de biens matériels futiles.
Le plus grand révélateur de cette consommation à outrance, c’est évidemment les jeunes. Quasiment tous les adolescents de ce pays possèdent un téléphone portable, s’habillent «griffé », ont des gadgets in, dont des iPods… D’où vient l’argent pour s’offrir toutes ces babioles et pour soutenir un train de vie qui dépasse les moyens dont ils disposent? Cette question, nous sommes nombreux à nous la poser. Et si c’était nous, les grandes personnes, qui étions coupables ? Fautives, par notre propre exemple de vie. Nous passons notre temps dans les grandes surfaces. Les liquidités manquent. Qu’à cela ne tienne, nous avons nos cartes de crédit ! Nous sommes en train de dessiner un monde qui affole toutes les logiques.
Si nous en sommes arrivés là, n’est-ce pas aussi parce que nous passons à côté de la réalité? Nous vivons dans un monde matérialiste qui commande une attitude consumériste. Et nous nous sommes laissé prendre au piège. Et avec quelle facilité… Il n’est pas difficile de convaincre l’humain que plus il possède de biens matériels, plus grande est sa dignité. Il y a, aujourd’hui, une compétition dans tout ce que nous entreprenons. Nous poussons même le ridicule au-delà de tout bon sens. Ce n’est pas seulement en termes d’amusettes dernier cri que nous rivalisons. On se bat même pour prouver qui est le plus malade d’entre nous – scène véridique vécue dans un hôpital.
Qu’est-ce qui s’est passé? Pourquoi l’artificiel et le superficiel ont-ils effacé toute l’authenticité qui fait l’être humain? Si on perd ce qui est véridique, c’est bien souvent parce qu’on est pris dans une telle course qu’on n’a plus le recul nécessaire pour voir les choses comme elles sont. Nous croulons sous une pyramide d’obligations. Mais le plus important, c’est de poser une façade qui impressionne ses voisins. L’essentiel est dans le paraître désormais. Nous vivons dans le mode de l’envie. Dans un monde fait d’illusions et de désirs de possession.
Tout cela est le résultat d’un mauvais rapport au temps. Le temps qui nous est donné pour vivre, nous le consacrons à exister. Les grandes personnes ont perdu la raison. Elles vivent à un rythme démentiel. Elles n’ont pas compris que le rythme, c’est du sens. C’est l’expression d’une poéticité de la vie.
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