Publicité

Vous n’aurez pas notre liberté

30 décembre 2012, 07:31

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Il n’y a que la vérité qui blesse. Et elle est ce qu’elle est. Pravind Jugnauth manque cruellement de charisme. Le leader du MSM n’est, par ailleurs, qu’une ombre chinoise mue par les mains aguerries du père. Au niveau de son bilan – avec trois discours du Budget à son actif –, Pravind Jugnauth ne peut prétendre fi gurer au panthéon des ministres des Finances visionnaires du pays. Dire que le leader officiel du MSM est une réelle menace politique pour le pouvoir en général et Navin Ramgoolam en particulier est donc un non- sens. Pourtant… Les conditions dans lesquelles Pravind Jugnauth a été contraint de se rendre aux Casernes centrales, mercredi, sont troublantes. Dans un premier temps, il allait être accusé de diffamation criminelle. Ensuite, poursuivi pour sédition. Mais en ressortant libre du quartier général de la police ce jour- là, le leader du MSM ne savait pas encore exactement pour quoi il risque un procès au pénal. Sinon, pour avoir – comme tout opposant légitime au gouvernement – tenu des propos durs à l’encontre de celui- ci.

Cyniques, les travaillistes font de l’esprit. En prétendant que l’épisode a réussi à raviver l’électrocardiogramme politique plat de Pravind Jugnauth. Qu’il a permis à Paul Bérenger d’afficher, sans trop se déjuger, sa solidarité envers son ancien « ti frer ti lespri » . Tout en donnant au remake de 2000 l’occasion de terminer 2012 sur un beau coup de pub.

Même si tout cela était vrai, les faits n’en demeurent pas moins dérangeants. Un pan moyenâgeux de notre Code pénal a été utilisé, cette semaine, pour réitérer un signal que l’on entend trop depuis quelques années : la critique contre le gouvernement est non seulement peu tolérée… mais carrément passible de sanction disproportionnée.

En coulisse, des personnes proches du pouvoir pourront toujours prétendre qu’aucun ordre formel n’est venu d’en haut pour « inquiéter » Pravind Jugnauth. Que ce n’est donc que l’excès de zèle de quelques personnes voulant bien se faire voir du Prime Minister’s Office , qui a valu à Pravind Jugnauth un interrogatoire de quatre heures en guise de cadeau d’anniversaire. Mais il ne faut pas oublier que le patron des hommes en bleu prend, lui aussi, des ordres de son supérieur.

Dhun Iswar Rampersad , le commissaire de police ( CP), a fait preuve de bon sens à un moment, mercredi.

Irrités à l’idée que l’un des dirigeants du remake de 2000 passe la nuit en cellule, environ 200 partisans de l’alliance s’étaient massés devant les grilles du QG de la police. Or, même si ce rassemblement était manifestement illégal, Rampersad a choisi de ne pas le disperser par la force et encore moins d’ordonner l’interpellation de certaines personnes venues soutenir Pravind Jugnauth.

Ce sont des jugements de bon sens de cet ordre que l’on est en droit d’attendre du CP. Le Premier ministre peut d’ailleurs tout à fait encourager ce type de comportement en se fondant sur l’article 71 de notre Constitution qui lui permet de « give to the Commissioner of Police such general directions of policy with respect to the maintenance of public safety and public order as he may consider necessary and the Commissioner shall comply with such directions » . La facilité de la police à procéder à des arrestations ou à des interrogatoires marathon au moindre dépôt de plainte pour diffamation criminelle ou publishing false news, ainsi que l’intransigeance de l’ Independent Broadcasting Authority sur ce qui est dit sur les ondes des radios privées, installe irrémédiablement un climat particulier dans le pays. Dominé par le sentiment que le pouvoir devient irascible, voire allergique à la critique.

Les principales victimes de ces sautes d’humeur qui semblent ne pas être passagères semblent être les contre- pouvoirs – l’opposition et la presse.

La question est désormais celle- ci : jusqu’où ira l’intolérance du pouvoir face à la critique mais aussi aux questions qui fâchent ? C’est à croire que quelqu’un, quelque part, a peur qu’un secret – et les moyens mis en oeuvre pour le cacher – ne soit révélé au grand jour.

S’il est d’intérêt public que certains faits se sachent, ils le seront tôt ou tard. Il sera du devoir de l’opposition de les débusquer et de la presse de les rapporter. Peu importe à qui cela déplaira.