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Vœux politiques

27 décembre 2009, 07:01

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Chers Navin, Paul et Pravind. Vos partisans vous ont sans doute déjà dit à quel point vous êtes des leaders charismatiques, visionnaires et justes, tout en vous souhaitant le meilleur pour 2010. Les vœux des citoyens raisonnables de ce pays sont autres. Si 2010 doit vous apporter quelque chose, nous souhaitons que ce soit le sens de la modération.

En cette année électorale, vous serez chacun tenté de mettre toutes les chances de votre coté pour rallier les suffrages d’une majorité de la population. Vous Navin, l’avez souvent rappelé : « On ne peut gagner une élection à n’importe quel prix. » Il faudra y penser cette année. Car vos choix politiques - d’alliances et de mésalliances – auront un effet certain sur la paix sociale du pays.

Ce qui est certain, c’est que chacun d’entre vous a durant les dernières semaines envisagé plus ou moins sérieusement de vous allier les uns aux autres. Navin et Paul, si officiellement vous êtes chacun satisfait de votre place sur l’échiquier politique, vous avez néanmoins discuté, à distance, de la possibilité d’un rapprochement. Pravind, malgré les apparences, vous et vos lieutenants avez laissé une porte entrouverte pour Paul. Tandis que l’entrée principale est restée ornée d’un tapis rouge…qui attend toujours d’être foulé par Navin.

Le pire, Navin, Paul et Pravind, c’est que personne n’est dupe. Les plus fidèles de vos partisans aiment à l’avouer : « Tout est possible avec eux ! » Il y a une chose par contre que nous aimerions caser hors du vaste champ de vos possibilités. Une chose qui risquerait de nous faire revivre les dramatiques événements de 1967-68 ou de février 1999. Le phénomène le plus inquiétant et potentiellement dangereux pour notre paix sociale serait que 2010, tout en étant une année de polarisation politique, soit également marquée par une polarisation ethnique.

L’élément qui pourrait potentiellement déclencher une telle polarisation est connu : une alliance Parti travailliste-MSM. Navin, vous êtes celui qui a le pouvoir de conclure ou d’enterrer cette alliance. En le faisant, vous n’ignorez pas que vous allez envoyer un signal fort au pays et à ses minorités. Le MSM, avec ses 9 % d’intentions de vote (sondage « Sofres » de mai 2009), n’est qu’une force d’appoint pour vous. C’est un ajout qui n’accroîtra que marginalement votre assise électorale. Par contre, malgré votre PMSD réunifié, presque un Mauricien sur cinq se sentira potentiellement exclu de votre alliance.

Vous savez pourquoi. Parce que cette alliance sera perçue comme une force politique homogène, proche d’une population rurale et traditionnelle soucieuse de préserver ses privilèges. Bien vite, une partie de la population considérera que c’est l’alliance des « bann-là. » Très vite, vos décisions objectives, mais bénéfiques, disons, aux habitants de Flacq seront perçues comme étant clientélistes par des citoyens de Roche-Bois ou de Case-Noyale. Parce que la lutte contre la pauvreté est un long combat, très vite, dans les poches de pauvreté du pays on aura l’impression que seuls certains Mauriciens obtiennent les dividendes de vos actions économiques et sociales. C’est le danger d’un gouvernement bâti sur une polarisation ethnique de l’électorat.

Pour des raisons qui vous appartiennent Navin, vous pensez que la plateforme susceptible de rassurer la grande majorité des Mauriciens – une alliance PTR-MMM - sera difficile à gérer. Vous n’avez pas complètement tort. Paul, trop dirigiste, trop intrigant, a été botté hors de plusieurs gouvernements. Rien ne dit qu’il a changé de méthode après 40 ans de vie politique. Contrôler les appétits de pouvoir d’un Pravind vous semble sans doute donc plus reposant que surveiller un Paul hyperactif.

Toutefois, Navin, vous devez savoir que les perceptions jouent en votre faveur. C’est un atout bien intéressant, maintenant que vous avez réellement et sérieusement commencé à jauger vos possibilités en termes d’alliance. Longtemps, vous avez été sensible au discours de vos lieutenants, il fallait faire une alliance. C’était une question de « d’atténuation de risques » comme aime à le dire l’un de vos proches. Mais les mois ont passé. Votre stratégie consistant à diviser l’opposition a marché à merveille. Valeur du jour, en termes de perception, une bonne partie des Mauriciens pense que vous êtes en mesure de remporter seul les prochaines élections.

Pour vous, plus que pour vos deux autres camarades leaders de partis, l’heure est à la modération. Dans votre langage d’abord, en abandonnant ce discours guerrier qui donne à une partie de la population et de ses décideurs économiques le sentiment que vous leur en voulez. Ensuite dans vos actions, en montrant que vous n’avez pas été accaparé par toutes sortes d’organisations socioculturelles et que vous méritez encore qu’on vous appelle le « rassembleur ». Enfin dans votre stratégie, durant les cinq dernières années, vous avez fait la preuve qu’on peut mettre en œuvre des réformes sans majorité des trois-quarts à l’Assemblée nationale.

Vous semblez obsédé par cette majorité. Et avez donné l’impression Navin, que toute votre stratégie politique doit vous permettre d’atteindre cet objectif. Mais l’heure est à la modération. Le vrai objectif, le seul qui vaille en 2010, c’est l’atténuation des inégalités dans notre pays. Une stratégie qui fasse que notre système politique, social et économique cesse de créer deux catégories de citoyens : l’une vivant dans l’île Maurice moderne et l’autre dans le tiers-monde. Mais la question demeure. Si vous choisissez cette stratégie, allez-vous la mettre en œuvre seul ou avec un partenaire ?

Rabin BHUJUN