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Walk-over ou photo-finish ?

2 mai 2010, 03:43

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Expérience de management de campagnes électorales : pour gagner une élection, un parti doit pouvoir démontrer en amont qu’il va la gagner. En principe, celui qui fait figure de gagnant gagne. Il ne faut pas chercher plus loin l’extraordinaire déploiement d’énergie et de moyens des partis dans l’organisation des meetings du 1er mai.

L’explication du phénomène est simple : les dirigeants politiques savent combien l’électeur est cynique et opportuniste. Eux-mêmes exploitent ces travers en les incitant à se mettre du côté du pouvoir. Une fraction de plus en plus large de l’électorat est devenue très sensible à l’argument. Ce sont ces électeurs froidement calculateurs, inciviques, volatils et blasés qui détermineront l’issue des prochaines législatives.

Et c’est ce raisonnement qui a mis du vent dans les voiles de l’Alliance de l’avenir au début de la campagne électorale. Une série de bons sondages, une communication professionnelle, un matraquage quotidien à la télévision avaient créé le sentiment que Navin Ramgoolam était imbattable. L’élection est alors considérée comme un walk-over pour l’Alliance de l’avenir.

Au fi l de la campagne, le MMM de Paul Bérenger – ses alliés pèsent si peu – donne l’impression de faire une remontée. Même si ses moyens financiers sont à l’évidence bien inférieurs à ceux de ses adversaires, l’organisation du MMM a paru mieux huilée. Mais l’opposition a continué à se heurter à une barrière psychologique. Elle ne fait pas figure de vainqueur même si l’inquiétude a changé de camp. Il lui restait une chance, les meetings du 1er mai.

Pour vraiment renverser la vapeur, il eût fallu, pour l’opposition, un immense succès d’affluence, attirer incontestablement la plus grosse foule. Cela n’a pas été le cas. L’Alliance de l’avenir a nettement gagné ce premier tour. Elle conforte son avantage, mais la composition quasi monochrome de sa foule devrait être une cause de profonde préoccupation. A sa place, je ne chanterais pas victoire.

Mais quoi qu’il en soit, la suite va être encore plus compliquée pour l’Alliance du coeur. Ramgoolam s’appuie sur un ensemble de facteurs favorables qui le portent. D’abord personne ne doit en douter –, dans ces élections qui consistent principalement à désigner un homme pour diriger le pays, Navin Ramgoolam est le choix naturel et passionnel d’une importante fraction de l’électorat. On peut se désoler de la persistance de ce vieux réflexe identitaire, on peut le justifier eu égard à l’histoire. Ce que l’on ne peut pas nier, c’est qu’il est toujours le principal déterminant pour de très nombreux électeurs.

Par réaction – cela était inévitable, et certainement voulu par le tandem Ramgoolam-Jugnauth, malgré un saupoudrage bleuté – Bérenger, sans qu’il le veuille forcément, ce n’est d’ailleurs pas dans son intérêt, se retrouve dans la position de porte-drapeau de tous ceux qui se sentent exclus. Ils sont nombreux, mais je ne suis pas sûr qu’ils représentent une majorité d’électeurs au niveau national. Néanmoins, dans notre système électoral, dans la configuration actuelle des circonscriptions, le MMM peut quand même remporter une majorité parlementaire. Cela reste possible. Dans ce cas, il faudra s’attendre à une photo-finish.

Ce premier facteur mis à part, Ramgoolam et ses alliés abordent ces élections dans un contexte socioéconomique plutôt favorable. L’érosion du pouvoir d’achat est sans doute un sujet de mécontentement pour beaucoup d’électeurs, la détérioration du climat sécuritaire inquiète sans doute les Mauriciens, l’avenir économique leur paraît incertain, plus encore sans Sithanen pour sortir Ramgoolam du pétrin. Mais ces inquiétudes ne semblent pas traumatisantes au point de pousser une majorité d’électeurs à prendre
le « risque » d’un changement historique. D’autant plus que Ramgoolam n’a pas encore abattu toutes ses cartes. A-t-on jamais vu un Parti travailliste au pouvoir affronter l’électorat sans satisfaire son appétit de prébendes ?

Il reste une dernière considération : la peur du changement est-elle plus forte que la tentation du changement ?

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