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Kronik Kc Ranzé
Idées… …Pour entrepreneurs en devenir
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Kronik Kc Ranzé
Idées… …Pour entrepreneurs en devenir

Nous ne parlerons pas de «piliers» nouveaux de l’économie aujourd’hui, ce concept sévèrement racorni à force d’utilisation… ne menant nulle part. Nous ne parlerons que d’agriculture et pourtant pas de sécurité alimentaire, puisque ce sujet aussi paraît épuisé ; coincé qu’il est entre les sceptiques qui soulignent que les grosses notes d’importation alimentaires (riz, blé, produits laitiers, viandes, fruits etc…) ne semblent pas capables de se trouver un avenir local fiable et les chantres de plus d’autonomie alimentaire, qui, malgré diverses incitations budgétaires répétées, ne peuvent démontrer grande réussite jusqu’ici.
Un des problèmes est que l’on pense systématiquement que bien plus de production locale va faire baisser les prix. Ce n’est pas une évidence ! Pour deux raisons. D’abord parce que si demain on arrivait à la maîtrise biologique du riz, par exemple, il faudrait que ce riz puisse d’une part se battre contre les subventions du riz importé ET résister à l’appel de l’exportation, si le marché mondial offre mieux que le marché local ! Ensuite, il faut comprendre que le plus petit producteur doit pouvoir générer suffisamment sur son lait ou son fruit, par exemple, pour qu’il puisse continuer à remplir son caddy chaque mois ! Un retour en arrière aux prix nostalgiques d’hier est ainsi impensable. Seule la réalité marchande du jour compte. Si l’on a bien compris cela, la priorité est alors une roupie qui tient la route et la concurrence ouverte des marchés d’approvisionnement
Un mot que l’on utilise souvent, mais sans grand résultat jusqu’ici localement, est le mot «innovation». Petit voyage, donc, aux frontières agricoles «innovantes» qui auront, si l’on s’y investit véritablement, peut-être le mérite de générer des devises d’exportation…
Le thé matcha est très tendance. La génération Z en raffole. La demande et les prix s’envolent. Il y a de bonnes raisons à cela, le thé matcha ayant plein de polyphénols antioxydants, soit 100 fois plus que le thé vert, qui lui-même en a plus que le thé noir. On le dit aussi anti-inflammatoire et contenant du L-Thébaine, un acide aminé qui calme et permet une meilleure concentration. Le matcha comporte aussi moins de caféine (70mg/tasse) que le café (120mg/tasse).
Le matcha est enraciné dans la tradition japonaise et dans des rites ancestraux qui lui donnent une patine commerciale indéniable. Le consommateur moyen ne prend pas, bien sûr, entre 1 et 4 heures pour du cérémonial, mais il achète quand même souvent son kit matcha : un bol en céramique, un petit fouet pour oxygéner et faire mousser le breuvage, ainsi qu’une spatule en bambou. Le matcha ne provient pas d’un théier spécial, celui-ci étant simplement recouvert pendant quelques semaines pour réduire le taux de chlorophylle, adoucissant ainsi le gout du thé. Apres séchage, les feuilles sont broyées pour en faire une poudre verte. Il y a un contexte suffisamment prometteur pour diversifier et ajouter de la valeur à notre thé, un peu comme les sucres spéciaux l’ont fait : céramique, artisanerie, packaging design, marketing. Ça vaudrait la peine d’essayer.
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Vous avez déjà acheté et goûté un avocat importé ? Je ne parle pas de celui qui porte robe noire et col cangé (amidonné) et que l’on paie très cher pour aller au Privy Council ! Je parle du fruit, petit, cher et pas très fameux gustativement, du moins face à notre avocat local…
L’avocat, comme le kiwi, s’est créé une assise non-négligeable sur le marché mondial des fruits exotiques. Entre autres, parce qu’il est une source de graisses monoinsaturées. Agréable au goût, avec du sucre ou de la vinaigrette, l’avocat commande de bons prix (Rs 200/unité californienne, Rs 350 pour une graine à faire germer). Imaginez le succès engendré par notre avocat local, tellement plus imposant et savoureux, vendu en exclusivité d’abord, dans quelques points de revente huppés en Europe ou ailleurs !
Cependant, l’arbre lui-même, l’avocatier, semble sous pression localement et a tendance à disparaître ; les jardins résidentiels qui rétrécissent ne pouvant plus faire place à de grands arbres. N’est-ce pas un sujet de recherche pour un ministère de l’Agriculture du «changement» ? Pour le MSIRI que l’on pourrait libérer de ses ailes purement sucrières ? Récoltons des graines, propageons les plantules, créons des jardins entiers et dans quelques années, nous aurons peut-être la base d’une industrie d’exportation florissante, même si saisonnière…
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Cythère est une petite île de la Méditerranée rendue fameuse pour son temple à Aphrodite, déesse de l’amour. C’est aussi là que la princesse mythique, Psyché, épousa Eros, avant son ascension vers Olympe, en tant que déesse.
Belle toile de fond pour le fruit de Cythère, dont je retrouve chaque année les arômes captivants. Sans pareil ! Je le mange malaxé au gros sel, puis rincé légèrement, en dessert rafraichissant. Un gros inconvénient reste le noyau, fibreux à souhait qui embarrasse les bouchées et gène donc la dégustation. Il y a des années de cela cependant, nous avons dégusté un fruit de Cythère à petit noyau, sans fibres encombrantes, au Vanuatu ! Sans doute une mutation ( tahitienne ?) ou, plus probablement, le résultat de recherches et de croisements entrepris par la CIRAD ou d’autres instituts de recherche de l’époque ?
Un tel fruit pourrait être un produit d’exportation «niche» et innovant. Il faudrait certes multiplier les initiatives de dégustation, après des démonstrations de préparation, lors de programmes télévisées de cuisine de haute écoute peut-être ? Les pionniers récolteront sûrement les primes ? De l’emballage luxueux, un tri sévère à l’exportation permettrait probablement à quelques centaines de familles de récolter les fruits, de bien les conditionner et d’animer une coop d’exportation professionnelle ?
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Soulignons enfin les algues, si l’on souhaite vraiment sortir notre «économie» bleue des limbes où elle se trouve… depuis déjà une décade ! Nous n’avons toujours pas de flotte de pêche d’importance et semblons heureux de laisser les Espagnols ou les Taïwanais cueillir nos richesses halieutiques ; nous n’avons récolté aucun nodule de manganèse ou de «métaux précieux» ; nous ne sommes toujours pas en mesure de contrôler notre Zone économique exclusive de 2,3 millions de km2 souverainement et n’avons même pas pu exploiter le courant sous-marin froid et profond, qui passe près de chez nous, pour refroidir ne serait-ce que Port-Louis !
Le rapport annuel 2022-23 du ministère «bleu» parle de… 50 000 jeunes seabreams (daurades) relâchées dans nos lagons ; de 4 900 berri rouge vendus ou distribués ; et de 375 000 juvéniles de crevettes d’eau douce produites (pour quelle récolte ?). Pas de quoi pavoiser, ni nourrir la population ! Même si 75 kg de berri rouge produits à la station d’Albion ont été vendus aux employés du ministère ! On y apprend aussi que seul… 20 % du recif de Poudre d’Or est vivant (Trou aux Biches : 6 % !). Comment comprendre alors que l’on interdise le bouturage du corail ? C’est navrant…
On y apprend encore que la récolte autorisée de bambara (concombre de mer) en 2006 a décimé les stocks, tant et si bien que cette exploitation fut interdite pendant 12 ans entre 2009 et 2023 ; une interdiction prolongée pour encore six ans jusqu’en 2029 ! Les populations d’oursins, exploitées commercialement aussi, seraient très largement réduites. Mais il s’agit là de cueillette, largement non règlementée… Pour les algues, ce sera plus dur, puisqu’il faudra d’abord identifier les bonnes variétés «tropicales», ensuite «planter», puis soigner avant de récolter ! Il s’agira donc de plantations ! Peut-être en polyculture ?
L’industrie mondiale de l’algue explose actuellement. De $9 milliards en 2024, on estime un marché de $85 milliards en 2026 ! On en mange de plus en plus ; on en fait des fertilisants, du bio-fuel ; on en extrait de l’agar agar ; on en utilise dans la nourriture d’animaux et dans l’industrie de la santé ou du cosmétique, entre autres. Les gros producteurs sont la Chine, le Japon et la Corée. L’Inde a lancé un programme national de cultivation depuis 2020. Il faudra répertorier ce qui est productif localement bien sûr, mais traiter le Kappaphycus Alvarezzi ou le Gracilaria Dura comme des variétés invasives et en discuter en comité pendant des années nous fera rater le train en marche, comme l’on a raté le train du chanvre, il y a quelques années. Sachons, après tout, que les algues produisent entre 50 et 80 % de l’oxygène de la planète et «fixent» des quantités considérables de CO2… Il y a peut-être des crédits carbones à l’horizon ? On peut démarrer artisanalement ou très professionnellement dès le début (**). Il vaut toujours mieux viser haut !
Une dernière suggestion. Pour ne pas risquer l’accusation d’exploiter le producteur, assuronsnous que le séchage, la transformation et la commercialisation des algues leur fasse de la place et qu’ils participent aussi dans la chaîne de valeur, possiblement en partenariat avec un réseau reconnu et respecté… Entre Sea6, Aqua Agri ou GreenWave, on finira par trouver une équation valable ?
Souhaitons !
Rêvons, camarades !
(**) https://www.youtube.com/watch?v=qYnGAAU-05Y
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