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Main-d’œuvre étrangère
Inquiétudes syndicales et conditions de travail en question
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Main-d’œuvre étrangère
Inquiétudes syndicales et conditions de travail en question

L’arrestation de deux travailleurs étrangers illégaux relance le débat sur l’importation de la main-d’œuvre étrangère dans divers secteurs
Les syndicats continuent de faire entendre leur voix avec le recours croissant aux travailleurs étrangers à Maurice dans divers secteurs. Une vidéo diffusée la semaine dernière, montrant l’arrestation de deux travailleurs indiens en situation irrégulière, a ravivé les tensions. Certains s’interrogent sur les garanties offertes aux entreprises afin d’éviter que ce type de situation ne ternisse, une fois de plus, l’image du pays à l’international.
Le syndicaliste Fayzal Ally Beegun s’est indigné après la diffusion de ces images. «Plusieurs pays connaissent un taux de chômage élevé, comme l’Inde, le Bangladesh, le Sri Lanka ou encore Madagascar. De nombreux travailleurs fuient la misère de leur pays pour venir travailler à Maurice. Or, ici, on les humilie de cette manière… Cette vidéo va continuer de circuler sur les réseaux sociaux et ce n’est pas acceptable», déplore-t-il. Il interpelle le ministre du Travail, Reza Uteem, lui demandant de réagir. «Je l’exhorte à condamner ce type d’arrestation menée par la police. Ces personnes, qu’elles soient en situation irrégulière ou non, méritent d’être traitées avec dignité. C’est à la justice de statuer sur leur statut légal, mais avant tout, ce sont des êtres humains.»
Alors que le gouvernement élabore actuellement une politique pour encadrer le recrutement de travailleurs étrangers, Fayzal Ally Beegun propose une approche différente. «Pourquoi ne pas offrir une seconde chance à ces travailleurs illégaux ? Plutôt que de les arrêter, on pourrait les intégrer à l’économie locale, dans des secteurs en pénurie de main-d’œuvre comme la construction, l’agriculture, le textile ou l’hôtellerie. Une amnistie leur permettrait de travailler légalement jusqu’à la fin de leur contrat, avant de retourner dans leur pays. Cela éviterait qu’ils ne tentent à nouveau de fuir dans l’illégalité.» Le syndicaliste dénonce également les conditions de vie des deux travailleurs arrêtés. «Ils vivaient dans des conditions déplorables, comme des animaux. La police aurait dû faire preuve de plus d’humanité au lieu de leur passer les menottes comme s’ils étaient des criminels.» Il s’interroge aussi sur la responsabilité des employeurs : «Qui sont-ils ? La police va-t-elle les identifier ? J’aimerais aussi savoir si elle procède à des perquisitions à une heure du matin chez les trafiquants de drogue, comme elle l’a fait avec ces travailleurs.»
Le secteur du transport en quête de solutions
Le débat sur l’arrivée de nouveaux travailleurs étrangers s’étend à d’autres secteurs, notamment celui du transport. Alain Kistnen, secrétaire de l’Union of Bus Industry Workers (UBIW), rappelle que le pays s’est construit grâce à l’apport des travailleurs étrangers. «Nous ne sommes pas opposés à leur venue, mais nous souhaitons que le ministre du Transport, Osman Mahomed, nous accorde du temps pour discuter de ce dossier», souligne-t-il. Il estime que le transport pourrait intéresser les jeunes Mauriciens, à condition qu’on leur donne les moyens de s’y engager. «Quand la Compagnie nationale de transport (CNT) lance des recrutements, elle reçoit bien plus de candidatures que nécessaires. Pour une cinquantaine de postes, plus d’un millier de personnes postulent. Pourquoi les autres compagnies n’ont-elles pas le même succès ?»
Selon lui, la réponse réside dans les conditions de travail. «La CNT, en tant que corps paraétatique, respecte les Remuneration Orders. Ailleurs, c’est la loi de la jungle.» Il plaide pour une amélioration des conditions de travail, dénonçant des délais excessifs pour l’obtention de congés et de jours de maladie. «Attendre cinq à six ans pour avoir droit à ces congés, ce n’est pas normal. Il y a toute une série de mesures à revoir avec le ministre. Nous espérons une rencontre avec lui.»
Travailleurs locaux délaissés ?
De son côté, Stéphane Maurymoothoo, président du Regroupement Artisan Morisien, estime que Maurice ne valorise pas assez sa main-d’œuvre locale. «Beaucoup de Mauriciens préfèrent chercher du travail à l’étranger, car ils ne trouvent pas de conditions attractives ici. On dit qu’ils refusent de travailler le weekend ou en horaires décalés, mais souvent, ils ont déjà un emploi à temps partiel pour joindre les deux bouts.» Il rappelle que le gouvernement travaillait sur un système de quota pour les travailleurs indépendants. «Une personne avec plus de dix ans d’expérience et un vrai savoir-faire ne va pas accepter un emploi de huit heures pour Rs 800. Elle préférera aller à l’étranger, où elle sera mieux payée.» Résultat : Maurice fait face à une pénurie de travailleurs qualifiés sur son propre marché.
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