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Internet gratuit, logements sociaux… : Le marketing politique tourne à plein régime

4 septembre 2024, 08:50

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Internet gratuit, logements sociaux… : Le marketing politique tourne à plein régime

Le leader de l’alliance de l’opposition, le Dr Navin Ramgoolam, doit s’en mordre les doigts. L’Internet gratuit à la population, annoncé le 1ᵉʳ mai comme une mesure phare de l’opposition en cas de victoire aux prochaines élections, a été repris pour figurer comme une des annonces populistes dans le dernier Budget de Renganaden Padayachy. Depuis samedi 1er septembre, c’est une réalité pour 100 000 jeunes de 18 à 25 ans.

Il ne faut pas pour autant occulter le timing de cette mesure et la manière dont elle a été «re- packaged» pour séduire une frange importante l’électorat : ces jeunes de 18 ans à monter qui vont pour la première fois voter. Cela, après l’introduction, l’année dernière, de l’Independence Scheme, visant à fournir un one-off payment de Rs 20 000 à chaque jeune qui atteint la majorité.

Ces deux mesures se greffent sur une réalité électorale évidente, qui doit nécessairement interpeller la classe politique. En cause : le réservoir de votes des jeunes.

Sur un peu plus d’un million de votants, il y a aujourd’hui 129 281 jeunes dans la fourchette d’âge de 18 à 24 ans, soit presque 13 % de l’électorat, qui vont se rendre aux urnes pour la première fois cette année. C’est loin d’être électoralement négligeable. Et si on étend cette fourchette d’âge à 30 ans, les votes de jeunes pourraient constituer facilement jusqu’à 20 % des électeurs du nouveau registre. Ce qui explique visiblement les tentatives de toutes les formations politiques de se livrer à une opération séduction vis-à-vis de cette clientèle politique.

La stratégie du Mouvement socialiste militant (MSM) et ses alliés portant sur la segmentation de leur offre électorale sera-t-elle politiquement payante ? Difficile de se prononcer à ce stade, dans la mesure où les enjeux de cette échéance sont incroyablement importants pour les principales alliances en confrontation.

Il y a une quinzaine d’années, le Mouvement militant mauricien (MMM) incarnait l’idéal de milliers de jeunes en quête d’une île Maurice moderne, véritablement démocratique, tournant le dos au communalisme et au népotisme. Au fil des années, ce parti a perdu de son aura auprès de cette clientèle, alors que de nombreux jeunes professionnels du secteur financier ainsi que des ouvriers qualifiés ont quitté le pays, à la recherche d’un nouvel Eldorado au Canada, au Luxembourg, en Australie ou encore en Nouvelle Zélande.

Il faudra voir si les jeunes seront sensibles au clin d’œil du MSM et de ses alliés…!

Chantage

Après les jeunes avec l’Internet gratuit, il faudra s’attendre dans les jours à venir à ce que le tandem Jugnauth / Obeegadoo mette du baume au cœur de ces milliers de familles qui attendent impatiemment la livraison des premiers logements sociaux de la New Social Living Development (NSLD).

Au départ, l’objectif était de faire de Maurice le plus gros chantier de construction résidentielle jamais réalisé avec, à la clé, 12 000 logements sociaux distribués en 2024. Une ambition réduite à 8 000 maisons, dont 1 850 achevées ce mois-ci, 1 800 autres livrées d’ici la fin de l’année et la différence en juin 2025, selon le Budget 2024-25. Cela en ligne avec la volonté de la majorité sortante de faire «de l’accès à un habitat décent l’une de ses priorités», consciente que «le mal logement est souvent synonyme d’exclusion sociale et économique». Tant mieux.

Entre-temps, à la faveur de la pose de la première pierre, lundi, d’un nouveau projet de la NSLD à Riambel, le ministre du Logement en remet une couche. Il annonce la livraison de 6 000 unités en novembre, incluant les logements de la National Housing Development Company (NHDC).

L’accès à un logement social joue sur la dignité d’une personne et plus largement sur celle d’une famille. Ce qui peut déclencher un «fee lgood factor» au sein d’une localité, voire une région. Avec cette série de livraisons de maisons, le gouvernement passe à une nouvelle étape de son marketing politique. Plus que jamais, le leader de l’alliance gouvernementale, qui multiplie sa présence publique à travers le pays, s’appuiera sur ce dossier politiquement vendable pour agencer son calendrier électoral et peut-être faire la différence le moment venu. Même si, au passage, la controverse autour le prix d’une unité, soit Rs 3,2 millions, gagne du terrain. Lourdement subventionné, ce projet de logements sociaux aura permis, selon des spécialistes, à une poignée de contracteurs, choisi sur le volet, de partager un pactole de plusieurs centaines de millions de roupies.

Entre la gratuité de l’Internet et la livraison des logements sociaux, il y a aussi l’annonce budgétaire qui avait fait tiquer certains au moment de la présentation du Budget, soit la fourniture gratuite de serviettes hygiéniques pour permettre «aux filles d’exercer pleinement ce droit humain fondamental». Évidemment, il n’a échappé à personne que cette mesure destinée aux filles de Grade 6 à 13, soit de la sixième au HSC, ces dernières étant des électrices potentielles, ayant majoritairement l’âge de vote, sera effective le 1ᵉʳ janvier 2025. Une démarche compréhensible face à la misère sociale de certaines familles, mais qui peut être perçue comme étant une de ces mesures populistes énumérées à la fin du discours du Budget 2024-25.

Tout comme, d’ailleurs, les bénéficiaires de la pension de vieillesse âgés de 60 à 64 ans, qui auront à attendre le 1ᵉʳ janvier 2025 pour voir celle-ci augmenter de Rs 1 000 pour passer à Rs 15 000 et, subséquemment, toutes pensions de base allant de 65 ans à 99 ans. Si ce n’est pas du chantage politique, cela y ressemble étrangement. Car, à terme, c’est plus de 266 000 retraités qui sont concernés et qui, d’une élection à l’autre, deviennent une cible électorale facile.

Pour le moment, on ne connaît pas le nombre de mesures déjà mises en chantier depuis le dernier grand oral du ministre des Finances, le 7 juin. Une cellule mise en place au début de l’année, opérant sous la tutelle du ministère des Finances, la Project Implementation and Monitoring Agency (PIMA), pilotée par Gilles L’Entêté, n’a pas été en mesure de chiffrer le pourcentage des projets budgétaires suivis, coordonnés et exécutés, plus soucieuse de faire son service-vente auprès des stakeholders.

En attendant, il faut se contenter et… peutêtre compter le nombre de cartons d’invitations qui pleuvent dans les rédactions pour des inaugurations, des lancements et autres poses de première pierre…