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Jacques Martial: «Cela fait 23 ans que je joue le ‘Cahier d’un retour au pays natal’ sur scène»
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Jacques Martial: «Cela fait 23 ans que je joue le ‘Cahier d’un retour au pays natal’ sur scène»

Aller «au bout du petit matin» avec l’acteur et comédien français Jacques Martial. Plus que jouer, il incarne la puissance du texte d’Aimé Césaire, «Cahier d’un retour au pays natal». La semaine dernière, il nous l’a prouvé avec élans et frémissements lors d’une conférence du cycle «À table avec…»
Un étudiant Martiniquais en vacances en Croatie. Il découvre ahuri qu’il y a là-bas un îlot au milieu d’un lac qui s’appelle Martiniska. «Quoi, je suis venu jusqu’ici pour revenir à la Martinique», s’exclame l’étudiant à l’âme de poète et au sang chaud de futur homme politique. «Il a une sorte de révélation, entre dans une épicerie acheter un cahier, un crayon et commence à rédiger Cahier d’un retour au pays natal. C’est un poème de l’exil contrairement à ce que le titre semble vouloir dire. C’est le poème de quelqu’un qui, loin de chez lui, va revenir jusque chez lui par des chemins étonnants.»
Celui qui nous transporte ainsi au cœur de l’aventure littéraire et humaniste d’Aimé Césaire est l’acteur français Jacques Martial. Nous étions conviés le jeudi 20 mars à prendre place À table avec… lui, à l’occasion de la conférence magistrale qu’il a donnée au Labourdonnais Waterfront Hotel. Jacques Martial a fait le déplacement à Maurice à l’occasion de la sortie de la traduction en kreol morisien du Cahier d’un retour au pays natal. Cette traduction, intitulée Dan balizaz barlizour, signée Michel Ducasse a été lancée le vendredi 21 mars.
Dans un récit à double volet, Jacques Martial a fait non seulement parler Césaire en déclamant avec sentiment de longs extraits de son œuvre, mais il a aussi parlé de ses liens organiques avec ce dire poétique. En racontant au passage la genèse de cet ouvrage paru en juillet 1939, à la veille de la Seconde Guerre mondiale. «Au moment où le monde s’apprête à vivre l’une des plus grandes horreurs que l’humanité soit capable de concevoir contre elle-même, Aimé Césaire produit un texte où il appelle à la fraternité, à la reconnaissance de l’Autre, de la diversité. Où il appelle tous les peuples opprimés non seulement à relever la tête mais à s’élever.»
Ce texte, Jacques Martial l’a découvert dans sa jeunesse. Il confie en avoir été «effaré, ébranlé. Je termine le livre et je n’ai rien compris». Pourtant, il «sent bien qu’il y a quelque chose entre ce texte» et lui. Le comédien attendra une trentaine d’années pour qu’enfin, dit-il, il sache ce qu’il voulait dire avec ce texte et comment il souhaitait le jouer. C’est en 2003 qu’il crée un spectacle à partir du Cahier d’un retour au pays natal. Un spectacle qu’il a joué au théâtre de Port-Louis – encore ouvert à ce moment-là – le 13 octobre 2006. C’est un spectacle avec lequel Jacques Martial continue de tourner autour du monde.
Cahier d’un retour au pays natal, Jacques Martial le joue «depuis 23 ans. Pas parce que je l’exploite, pas parce que c’est un spectacle de plus, mais parce qu’on me le demande. Ce texte est important. Il paraît en 1939 au moment où l’extrême droite a pris le pouvoir et va montrer au monde ce qu’elle est capable de faire au reste du monde. Aujourd’hui en 2025, j’ai peur».
Césaire en kreol. Dan balizaz barlizour de Michel Ducasse
Explication de texte par le traducteur. Ou comment Cahier d’un retour au pays natal devient Dan balizaz barlizour. Michel Ducasse rappelle que le texte d’Aimé Césaire est marqué par une anaphore (répétition de mots en début de phrase) : «Au bout du petit matin» ; «Le petit matin c’est ‘barlizour’. Arriver au bout, c’est atteindre le ‘balizaz’, l’entrée ou la sortie.» La traduction est publiée par Vilaz Metis en accord avec Présence africaine. L’acteur et comédien Jacques Martial n’a pas manqué de souligner qu’Aimé Césaire, bien que Martiniquais, «ne parle pas le créole. C’est pas sa langue, ce n’est pas son monde. Il est latiniste».
Le comédien a confessé qu’en apprenant de Michel Ducasse qu’il avait traduit le Cahier d’un retour au pays natal en kreol morisien, sa réaction initiale, c’était : «Qu’est-ce que le créole vient faire dans cette histoire ? Césaire n’écrivait pas en créole.» Mais plus Michel Ducasse lui parlait de sa démarche, plus Jacques Martial se sentait «mal à l’aise» avec lui-même. Jacques Martial, né à Paris de parents guadeloupéens, se souvient alors avoir «biberonné le créole au sein maternel. Les créoles ne sont pas des patois, ce sont des langues, des musiques, des cultures qui façonnent des esprits, qui racontent un territoire». Grâce à Michel Ducasse, Jacques Martial affirme avoir pris conscience que, «pour la première fois de l’histoire de ce texte majeur, un pays créolophone publie pour le reste du monde dans sa langue créole».
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