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James Estill: «Le SAJ bridge, c’est du béton»
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James Estill: «Le SAJ bridge, c’est du béton»
James Estill, Acting Supervisor à Gamma Materials (Photo: GAMMA MATERIALS)
Si la circulation entre les basses Plaines-Wilhems et Port-Louis, en passant par l’ancienne route, s’est grandement fluidifiée en raison du majestueux viaduc SAJ à Grande-Rivière-Nord-Ouest, une personne ressent une pointe de regret que cette structure soit terminée et c’est James Estill, Leading Hand et Acting Supervisor on site à Gamma Materials. C’est lui qui a été l’intermédiaire au niveau béton entre sa compagnie et le consortium constructeur.
Cet homme de 57 ans, curieux de tout, aime apprendre de nouvelles choses. «J’ai besoin de bouger, d’avancer et je dois dire que chez Gamma Materials, je suis servi», raconte James Estill. Une soif de connaissances venant sans doute du fait que cet habitant de Petite-Rivière, issue d’une fratrie de trois et orphelin de père assez jeune, n’ait pu aller au bout de ses études secondaires, faute de moyens financiers. «J’avais envie de faire la Form VI mais j’ai dû m’arrêter après la Form V. C’était impossible pour ma mère de continuer à financer mes études.»
Il prend le premier emploi qui s’offre alors à lui à 17 ans et c’est celui de machiniste dans une usine textile où il travaille quatre ans. Il se fait ensuite embaucher dans le port par une compagnie japonaise pêchant et exportant le thon. Il organise et supervise le travail des employés. Il le fait pendant sept ans, jusqu’à ce que cette entreprise stoppe ses activités.
James Estill prend alors de l’emploi comme superviseur des entrepôts à la Mauritius Freeport Development Authority, Mer Rouge. Son travail est si satisfaisant qu’il est nommé Senior Supervisor. Il se laisse tenter par une offre ponctuelle de superviseur du personnel pour le compte d’une importante compagnie employant 2 500 à 3 000 personnes dont beaucoup de travailleurs étrangers. Ce projet dure quatre ans et lorsqu’il se termine, il s’accorde quelques mois sabbatiques.
C’est alors qu’il reçoit une offre de Gamma Materials, filiale du groupe Gamma Civic, pour y travailler comme clerc. Sauf que James Estill fait bien vite le tour de ses tâches administratives et comme il n’aime pas se tourner les pouces, il commence à s’intéresser à un des produits phares de la compagnie qui l’emploie, à savoir le béton. «Je déteste rester en place et j’ai commencé à mettre mon nez dans le béton. A aucun moment, la compagnie ne m’a découragé.» Il se rend donc sur les sites des centrales à béton de Gamma Materials à La Chaumière, Fond-du-Sac, Calebasses, St-Julien et Rose-Belle et observe tout ce qui s’y déroule. Il va jusqu’à accompagner les camions qui vont livrer du béton.
Petit à petit, en sus d’observer, il se met à diriger les camions à pompe, alimentés en béton par des camions toupies, et à s’assurer que ce processus de déversement en vue du coulage sur le site dévolu se déroule sans anicroche et en toute sécurité pour les travailleurs. Vu son intérêt grandissant pour le béton, au bout de huit mois, la direction de Gamma Materials lui confie de plus en plus de responsabilités dans le domaine jusqu’à ce qu’il soit nommé Lead Hand et Acting Supervisor on site. Il est envoyé sur les plus importants chantiers de Gamma Materials.
A ce jour, James Estill estime avoir œuvré sur plus d’une centaine de chantiers, les deux plus importants jusqu’ici étant le pont de contournement au port et celui du viaduc SAJ que les internautes, jamais à court d’imagination, appellent familièrement le pont Bolom. C’est sur ce dernier gros œuvre qu’il dit avoir acquis le plus d’expérience. Depuis septembre 2019, il a supervisé la livraison de 12 000 mètres cubes de béton, acheminé par 1 300 camions toupies. Béton qui a permis d’effectuer le coffrage des pylônes dont l’un fait 128 mètres de hauteur et l’autre légèrement moins, de même que celui du tablier. Il a été particulièrement impressionné par le coulage du tablier. «Zame monn trouv sa façon ki zot coffrer ek koul béton. Par exemple, pou flyover le port, bann travailleurs ti komans fer so base, met pile cap, rempli li ar béton, solidifier so l’assise et lerla coffrer so pylônes. Dans cas SAJ Bridge, bann travailleurs consortium inn coffré pylônes enn ek dé pratiquement dans même semaine.»
Sur ce chantier, il a dû faire plus de 75 interventions de nuit car la température du béton ne devait pas dépasser les 32 degrés afin que ce matériau ne sèche pas. Une température prise par l’ingénieur réunionnais du consortium sous les yeux avides de connaissance de notre interlocuteur, de même que le slump test visant à s’assurer que le mélange de béton a la bonne consistance. Il lui est aussi arrivé de faire des rotations de nuit démarrant à 18 heures et d’être encore sur le chantier à 6 heures le lendemain. Et sans éprouver un soupçon de fatigue.
Après avoir été témoin de ces travaux d’envergure et sachant que le béton utilisé est d’excellente qualité, il se montre rassurant quant à sa solidité. «Le SAJ Bridge est solide. Il peut tenir 100 ans. Je sais que dans l’inconscient populaire, il pourrait y avoir une frayeur que cet édifice de quelque 128 mètres de hauteur ne tienne pas, surtout après avoir vu ce qui s’est passé avec le pont de Roches-Bois. Mais les matériaux de ces deux ponts sont différents. Le flyover de Roches-Bois était destiné uniquement aux piétons alors que le SAJ Bridge a été conçu pour soutenir des flots de voitures et autres poids-lourds et ce sont vraiment des matériaux solides qui ont été utilisés pour cette structure.»
Il est ravi d’avoir participé à cette construction qui lui a donné des connaissances supplémentaires et de l’expérience. «J’ai désormais un regard plus professionnel sur le béton», dit-il en avouant qu’il est parmi ceux qui en profitent au quotidien. «Cela me prend quatre minutes pour sortir de Petite-Rivière et atteindre le rond-point du Réduit. Le viaduc SAJ facilite vraiment la circulation».
Maintenant que le pont Bolom est livré, James Estill est affecté à un chantier de construction de bâtiment pour un particulier à Côte-d’Or. Si la vie a repris son cours normal – ce n’est pas tous les jours qu’un tel viaduc est construit, «une première dans l’océan Indien», précise-t-il, – il souhaite que Gamma Materials ait un autre projet aussi extraordinaire. On a le droit de rêver les yeux ouverts….
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