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Jane Ragoo: «Mo bizin ena kouraz ek konfians. Sinon ou pa viv, ou asize ou plore»

10 août 2024, 12:00

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Jane Ragoo: «Mo bizin ena kouraz ek konfians.  Sinon ou pa viv, ou asize ou plore»

Jane Ragoo, syndicaliste engagée, souffre du syndrome de POEMS, une maladie rare qui endommage les nerfs et impacte plusieurs parties du corps. Après avoir suivi un traitement de six mois en Inde, elle est déterminée à assister à la manifestation organisée par la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP) aujourd’hui, le samedi 10 août, soulignant ainsi son engagement continu malgré ses défis de santé.

Quand avez-vous appris que vous étiez malade ?

L’année dernière, en octobre, j’ai commencé à perdre du poids, ce qui a suscité des questions de la part de nombreux amis. Je n’avais aucune douleur. Donc, je ne m’en préoccupais pas, d’autant plus que je m’apprêtais à partir en Afrique du Sud. J’ai commencé à ressentir un engourdissement aux doigts. Je n’y ai pas prêté attention, préoccupée par mon travail. À mon retour d’Afrique du Sud, l’engourdissement s’est étendu jusqu’à mes talons. J’ai pu continuer à aller au travail. Mon fils m’a conseillé de faire un test sanguin. C’est là que les séries de tests médicaux ont commencé : prises de sang, et scans de la tête et de la colonne vertébrale, entre autres. Vers la mi-novembre, je n’arrivais plus à conduire. Après plusieurs tests, procédant par élimination, j’ai fini par faire une biopsie de la moelle osseuse à l’hôpital Victoria, Candos. J’étais inquiète face à tous ces tests. C’est ensuite que le syndrome de POEMS a été suspecté en raison de problèmes sanguins, d’hémangiomes sur le corps, de la perte de poids et du changement de couleur de ma peau… Je ne pouvais plus tenir d’objets, ce qui me préoccupait beaucoup, bien que je n’eusse toujours pas de douleur, seulement des problèmes de polyneuropathie. Il y a cinq éléments associés pour qualifier le POEMS. Et il paraît que je les avais tous. La prochaine étape était que mon poumon soit attaqué. Comme il n’y a pas ce traitement à Maurice, je suis partie à Mumbai, en Inde, le 11 janvier. Après une série de tests, il a été confirmé que j’ai le syndrome de POEMS, une maladie très rare dont la cause est méconnue.

Comment s’est passé le traitement en Inde ?

Le traitement devait durer entre quatre et six mois, semblable à un schéma de traitement du cancer. J’ai subi 16 semaines de chimiothérapie, avec des séances tous les mardis et des tests sanguins tous les lundis. Jusqu’au 7 mai, la chimiothérapie était légère. J’avais du mal à manger, je vomissais, et certains jours, je ne dormais pas du tout. Cependant, malgré ces difficultés, il y a eu des progrès lors des tests sanguins. Tout s’est bien déroulé jusque-là. Après ces 16 semaines, un test général a été effectué pour vérifier si mon corps était prêt pour une transplantation de moelle osseuse, qui devait m’aider à guérir. J’ai bénéficié d’une transplantation où les cellules étaient prélevées sur moi-même. Tout s’est bien déroulé, mais j’étais pas préparée pour une transplantation. J’ai ensuite fait une autre chimiothérapie plus forte, avec le melphalan.

Quel a été le moment le plus difficile pour vous ?

C’est la deuxième chimiothérapie de 21 jours. C’était le martyr. Je suis restée dans une chambre froide où personne ne pouvait me rendre visite, sauf ma belle-sœur qui est restée à mes côtés. Je ne pouvais pas manger, j’avais très froid, et après dix jours de chimiothérapie, mes cheveux ont commencé à tomber, me poussant à me raser la tête. Mes ongles étaient devenus noirs et je souffrais énormément. Heureusement, j’ai reçu beaucoup de soutien de ma famille, ce qui m’a fait réaliser à quel point elle est importante.

Je voulais célébrer mon 60e anniversaire à l’étranger avec ma famille. Bien que tout avait été préparé, le destin a voulu que je parte ailleurs. Nous avons finalement été réunis à Mumbai, où chacun a réorganisé son emploi du temps pour être avec moi malgré les contraintes professionnelles. Après ces 21 jours, pensant pouvoir quitter l’hôpital, je suis tombée très malade pendant environ cinq jours, souffrant d’une bronchite aiguë. J’avais du mal à respirer. Sans les bons médecins et l’aide de Dieu, je ne serais probablement pas là aujourd’hui. C’est la deuxième fois que Dieu me donne une seconde chance. J’ai déjà survécu à un grave accident en 2017. J’ai peut-être une mission que je n’ai pas encore terminée.

Comment percevez-vous votre évolution au cours des mois à venir ?

J’ai trois mois de répit. Je prends beaucoup de vitamines et je suis sous antibiotiques chaque week-end. À partir du 1er octobre, je commencerai un traitement. Il s’agit de médicaments et d’un vaccin pour éviter une rechute. Le 15 septembre, je saurai si ce protocole de médicaments doit durer une ou quatre années. Mais ces médicaments ne sont pas disponibles à Maurice. J’ai un peu peur car je ne sais pas quels seront les effets secondaires. Mo bizin ena kouraz ek konfians. Sinon ou pa viv, ou asize ou plore. Ki mo pa pou fer apre kot mo finn sorti ek kot mo finn arive?

Envisagez-vous de participer à la manifestation de la CTSP aujourd’hui et de reprendre vos activités syndicales par la suite ?

Il faut savoir que je n’ai pas arrêté mon travail syndical depuis que je suis partie en Inde. Je travaillais en ligne, je rédigeais ce qu’il fallait, corrigeais, et prodiguais des conseils, car il y a beaucoup de jeunes à la CTSP. J’ai continué mon travail de coaching. D’ailleurs, la manifestation du 7 avril a en partie eu lieu avec mon encouragement. Le travail se poursuit, actuellement, de la maison. Malgré le fait que je sois malade et que le médecin m’a pratiquement interdite de sortie, étant vulnérable, je négocie avec mon médecin pour participer à la manifestation de la CTSP de ce samedi 10 août. Ce, en portant deux masques, sans que personne ne me touche, ne m’embrasse ou ne me serre dans ses bras. Je vais juste passer un message et partir. Le médecin n’a pas encore donné son accord complet (NdlR, jeudi). Je fais tout ce qui est possible pour y aller car ma présence est importante. Le dual leadership avec Reeaz Chuttoo renforce notre capacité.

Le gouvernement fait la sourde oreille. Pourquoi ne comprend-il pas qu’il existe différentes catégories de travailleurs, qu’il faut des salaires variés et qu’il est important de reconnaître le temps de service ? Une personne ayant travaillé dans un magasin pendant huit ans et qui a un salaire de Rs 16 500 se retrouve avec le même salaire qu’une personne qui débute. Cela affecte la motivation des employés. C’est pour cela que, ce samedi, nous organisons une manifestation pour faire comprendre aux politiciens, y compris ceux de l’opposition, qu’il y a une crise. On dit que les jeunes quittent le pays, mais le problème est là. Quel jeune diplômé acceptera de travailler pour Rs 20 000 ? C’est un gros problème. D’autre part, avec les amendements de la loi, les agents recruteurs des travailleurs étrangers seront désormais leurs responsables. Nous aurons l’impression d’avoir des marchands d’esclaves à Maurice.

Avec la force des travailleurs, le gouvernement devra reculer. Si le gouvernement ne nous écoute pas sur la catégorisation, il sera responsable de la division entre les travailleurs du secteur public et ceux du secteur privé. De plus, les travailleurs étrangers doivent recevoir un bon traitement et les travailleurs mauriciens ne doivent pas se sentir menacer face aux travailleurs étrangers. C’est pourquoi je tiens à y participer.