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Rajesnarain Gutteea, syndicaliste, travailleur social
«Je suis en colère contre les parlementaires de tous bords»
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Rajesnarain Gutteea, syndicaliste, travailleur social
«Je suis en colère contre les parlementaires de tous bords»
Bien qu’il travaille dans un corps para-étatique, Rajesnarain Gutteea est souvent dans la presse pour parler de l’actualité. N’ayant pas la langue dans sa poche, il n’hésite pas à donner son opinion, allant souvent contre les autorités. Connu dans le domaine du travail social, il dit que la politique ne l’intéresse pas ; du moins, pour le moment. Il ne comprend pas comment les politiciens qui disent connaître tout le monde dans leurs circonscriptions respectives ne savent pas qui est dans la drogue…
Vous êtes sur tous les fronts. Vous sollicitez les journaux, la radio pour parler de tout. Certains affirment que vous fourrez votre nez dans toutes les affaires. Qu’en pensez-vous ?
Peut-être que je dois d’abord vous rappeler que je défends la cause des journalistes, dont vous faites partie. J’ai déposé devant le National Remuneration Board (NRB) pour améliorer les conditions de travail de vos confrères et je me demande combien de journalistes sont allés déposer devant le NRB. Pour répondre à votre question, que je suis sur tous les fronts, il est bon que vos lecteurs sachent je suis né dans une famille pauvre mais qui a toujours été dans le social. Ma famille a toujours aidé les autres, surtout dans les villages et celui dans lequel je suis né et j’ai grandi. Il y a toujours cette entraide.
En sus, je m’implique à fonds dans le social, au niveau des organisations socioculturelles et je suis syndicaliste. Après avoir travaillé comme laboureur dans les champs, j’ai travaillé dans l’hôtellerie et aujourd’hui je travaille dans une institution du ministère de l’Agroindustrie. Je vous cite une phrase de Martin Luther King que j’ai lue dans un livre : «Never be afraid to do what’s right !» Donc je n’ai pas peur de faire ce que je considère comme correct.
En parlant des organisations socioculturelles, ne pensez-vous pas qu’il y en ait trop à la merci du gouvernement du jour ?
Vous avez absolument raison. Oui, je milite dans une organisation socioculturelle, mais je n’approuve pas qu’une majorité d’entre elles ne fassent que les louanges de politiciens, surtout le Premier ministre du jour. Ces politiciens ne doivent pas avoir la parole dans les cérémonies et si quelqu’un devait passer un message, il doit être celui de l’unité. Et surtout pas question de politique. Il y a d’autres plateformes pour attaquer ses adversaires.
Et au niveau syndical, ne pensez-vous pas qu’il y ait trop de division ?
Je suis parfaitement d’accord avec vous. Je ne comprends pas pourquoi ni comment seulement 20 % des travailleurs sont syndiqués. J’ai participé à la grève estudiantine de 1975, alors que j’étais élève au collège Islamic de Port-Louis. Depuis ce jeune âge, je m’intéresse au syndicalisme. Mais de nos jours, beaucoup de syndicalistes ne se préoccupent que des voyages et de siéger sur les conseils d’administration. Ils auraient dû penser comment attirer au moins 50 % des travailleurs dans leurs syndicats respectifs.
Mais sur la cause des travailleurs, on constate qu’il y a plusieurs opinions, non?
Oui, je suis d’accord qu’il devrait avoir différentes opinions, mais tous devraient défendre la cause des travailleurs. Je ne comprends pas pourquoi certains trouvent normale la création de la Contribution sociale généralisée (CSG) et approuvent même quand cette caisse est vide ! Heureusement que c’est une opinion d’une minorité. Il faut l’unité des syndicats. On voit comment ils sont divisés le 1er mai, fête des travailleurs.
Vous avez aussi déposé devant la commission sur la drogue présidée par l’ex-juge Paul Lam Shang Leen…
En tant que travailleur social, je peux vous dire combien je fais un triste constat de la situation de la drogue. Une situation qui s’aggrave. J’ai fait une étude pendant six mois et j’ai même été menacé, mais je suis allé de l’avant pour déposer un document devant la commission. J’ai parlé à Paul Lam Shan Leen en chambre pendant plusieurs minutes.
Est-ce que le rapport a pris en considération vos recommandations ?
Oui. Je ne vous cite qu’un exemple : le transbordement de la drogue à travers l’aéroport, le porte et à bord des navires. Mais je suis en colère contre les parlementaires, de tous bords. Ils mènent campagne dans leurs circonscriptions respectives. Ils disent qu’ils connaissent tous les coins et recoins de leur circonscription. Ils connaissent les convictions politiques de presque toutes les familles. Ils connaissent les castes et leur vie privée et sociale. Mais comment se fait-il qu’ils ne sachent pas qui vend de la drogue et qui sont les consommateurs ? Soit ils mentent quand ils disent qu’ils connaissent bien leur circonscription, soit… Je condamne aussi certains avocats qui ne défendent que les mafieux impliqués dans la drogue.
Vous étiez parmi ceux qui avaient organisé un «yaj» (prière) pour Navin Ramgoolam quand il avait contracté le Covid. Êtes-vous proche du leader du Parti travailliste ?
Quand notre ancien Premier ministre avait contracté cette maladie, tous les Mauriciens avaient de la sympathie pour lui. Même l’actuel Premier ministre était touché. Donc, avec l’aide de certaines sociétés et organisations non gouvernementales, on avait organisé cette cérémonie de prière. Je vous rappelle quand je travaillais dans un hôtel, un ancien Premier ministre m’avait demandé d’organiser une prière, alors qu’il y résidait. Je n’avais pas hésité.
C’était qui ?
Non, je ne vous dirai pas le nom, mais c’était avant 1990 et certains de vos lecteurs ont deviné de qui je parle.
Il y a deux ans de cela, vous avez organisé une «candle night» en hommage de ceux décédés du Covid et il semblerait que vous aviez éprouvé des difficultés ?
Oui, c’était en décembre 2021. Il y avait beaucoup de décès, surtout parmi des policiers, des médecins, des infirmiers. J’ai choisi le professeur Hassen Raffa Square, devant l’hôpital SSRN, pour cette cérémonie. Le professeur Hassen Raffa, je vous le rappelle, a été le pionnier de la chirurgie cardiaque à Maurice. Mais j’ai reçu beaucoup de pression…
De la part de qui ?
Pour organiser une telle cérémonie devant un hôpital, il fallait la permission de la police et du ministère de la Santé. J’ai été traité comme un vulgaire criminel pour avoir cette permission, que j’ai pu obtenir après plusieurs démarches. Beaucoup de familles avaient souffert et de nombreux frontliners se sont donné corps et âme pour soigner des patients. Une cérémonie qui a eu lieu au-delà de mes espérances, de par la foule qui y a participé, même si j’ai regretté l’absence des hauts fonctionnaires du ministère de la Santé.
N’avez-vous pas de but politique ?
Mon grand-père et mon père appartenaient à des partis politiques différents. Deux proches ont été députés. Actuellement, je suis fonctionnaire. Donc j’évite de parler de la politique. Après ma retraite, je réfléchirai si je me lance dans la politique ou non. Mon combat, pour le moment, c’est défendre les pauvres et d’être à côté des sans-voix. Et aussi, je ne pense pas recevoir de récompense pour mon travail. Un ministre avait recommandé à un ancien Premier ministre, qui était d’accord, que je reçoive une décoration de Grand Officer Officer of the Order of The Star and Key (GOSK). J’avais refusé. Car je ne crois pas dans les titres et décorations.
Peut-on savoir quels ministres?
Non, je ne veux pas les embarrasser. Ils sont tous deux toujours très actifs dans la politique.
Au niveau de votre travail, n’avez-vous pas eu des reproches de la part de votre employeur en intervenant sur plusieurs sujets ?
Pas vraiment. Quelques fois, on m’a interrogé, comme des reproches. Une fois, j’ai été appelé par Suresh Seeballuck, l’ancien Permanent Secretary, qui était le président du conseil d’administration de l’institution dont je faisais partie. Il y avait également le syndicaliste Rashid Imrith. Après avoir écouté nos explications, il a été satisfait et nous a fait part de son appréciation. En aucun cas nous ne faisions du tort au pays. Au contraire, nous aidions nos concitoyens.
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