Publicité
Interview
Jean-Michel Lee Shim : «Le ver est dans le fruit au MTC»
Par
Partager cet article
Interview
Jean-Michel Lee Shim : «Le ver est dans le fruit au MTC»
Jean-Michel Lee Shim, actionnaire principal de People’s Turf Plc, «Le ver est dans le fruit au MTC».
Le magnant des jeux a accepté de se livrer à «l’express» sur l’avenir des courses. Après avoir fait le tour des radios privées, confirmant, notamment, que People’s Turf Plc (PTP) allait cesser ses activités en fin de saison, même avant si le pouvoir le décide, Jean-Michel Lee Shim nous parle, entre autres, de son scepticisme quant à un retour du MTC, des dissensions au sein du club, mais aussi, ou surtout, de ses relations avec le régime en place au lendemain des contrecoups reçus de la COIREC. Pour lui, PTP n’est pas à blâmer en ce qui concerne l’état actuel de l’industrie hippique : «Nou zis tay gazon, netway twalet ek met Champ-de-Mars prop! Kouma kav akoz nou ki lekours dan bez?»
L’arrêt des activités de PTP en fin de saison a été le «talk of the town» pendant la semaine. Vous avez d’ailleurs fait la tournée des radios pour en parler. Nous y reviendrons. Le sujet brûlant est le retour probable du Mauritius Turf Club (MTC). Estimez-vous la chose réalisable, compte tenu du marasme dans le lequel pataugent les courses, les comptes déficitaires du club, ainsi que les difficultés logistiques et administratives liées à ce retour ?
(Prend son temps). Le MTC prétend que ses bâtiments à Floréal et à Port-Louis valent Rs 700 millions. Si vous enlevez les liabilities, les pensions dues aux travailleurs et autres dépenses liées, entre autres, aux salaires, le MTC devrait se retrouver avec un surplus de Rs 300 millions, si, je dis bien si, la vente de tous ses actifs se matérialise. Floréal n’a même pas encore été vendu alors qu’il y avait eu promesse de vente. Ce vieux MTC à Port-Louis vaut-il Rs 600 millions à lui seul ? Il faut être sérieux ! Les comptes pour l’année 2023 sont dans le rouge. Ce sera la même chose cette année. Il faudra, au préalable, réhabiliter les infrastructures du club. Le bâtiment vétuste de Port-Louis constitue un danger potentiel. Combien de temps va-t-on continuer ainsi ? Avec des réparations au petit bonheur ?
Va-t-on plutôt, au MTC, opérer jusqu’aux élections ? Et, ainsi être le quartier général de l’opposition ? Si Ramgoolam devient Premier ministre va-t-il jeter une manne d’argent au MTC ? Combien d’argent faudrait-il ? Est-ce politiquement vendable, alors que les gens arrivent à peine à joindre les deux bouts ? N’y a-t-il pas mieux à faire avec l’argent du contribuable ?
Justement, une manne du gouvernement, comme l’a d’ailleurs proposé Xavier-Luc Duval, et éventuellement les autres partis politiques bientôt, pourrait bien être politiquement vendable, et même être un thème de campagne, après le passage jugé exécrable de PTP sur la scène hippique…
Ne venez pas nous mettre tout le mal du giron sur le dos. En 1995 et 1996, il y avait 140 bookmakers. En 2022, lorsque PTP arrive, il n’y en avait que 28. Je sais de quoi je parle. J’ai été président des bookmakers. L’industrie était déjà sur le déclin. Pourquoi PTP serait-elle coupable de ce déclin ? Nou zis tay gazon, netway twalet ek met Champ-de-Mars prop! Kouma kav akoz nou ki lekours dan bez? 125 chevaux ayant couru l’année dernière sont absents pour diverses raisons. Se pa nou fot! Ce n’est pas moi qui les empêche de courir. Ces chevaux doivent revenir. La compétition sera alors meilleure. Le turnover sera meilleur. Se pa dan mo lame elas!
Vous dites «se pa dan mo lame». Mais que s’est-il passé ? Avez-vous été lâché par le régime en place? Les exemples de discorde avec le pouvoir sont légion. Retour sans sommation du Port Louis Tennis Club (PLTC) à ses membres, sans doute sous la pression de Côte d’Or International Racecourse and Entertainment Complex Ltd, la sommation de la même entité d’enlever le slogan de bienvenue à l’entrée du Champ-de-Mars, l’amende infligée après que PTP a fait couper des arbres sur l’hippodrome, le refus de la COIREC de permettre la construction de dortoirs sur place pour les travailleurs de PTP, ou plutôt de la Global Equestrian Ltd (GEL), l’arrestation d’entraîneur considéré comme étant proche de vous, l’affaire «mentholatum» qui refait surface après trois ans et la suspension de votre Chief Executive Officer (CEO). «Bez lor ou» Jean-Michel Lee Shim…
Ce n’est qu’un concours de circonstances. Je ne pense pas que ce soit intentionnel. Certains au sein du gouvernement font tout simplement leur travail, au gré de leur disponibilité, agenda de travail et circonstances. Peu importe que ce soit Lee Shim ou pas. Cela démontre notamment que Lee Shim n’est pas un protégé du gouvernement. Et que le pouvoir en place ne se courbe guère devant Lee Shim. Le gouvernement ne fait aucun effort supplémentaire pour accommoder Lee Shim. C’est un fait.
Il faut arrêter de nous raconter des histoires. La chronologie des événements démontre clairement que PTP a tout le temps été privilégiée aux dépens du MTC. Le fait que vous soyez aujourd’hui le maître absolu au Champ-de-Mars en est la preuve. Ne venez pas nous faire croire que vous n’avez pas l’oreille du Premier ministre et son puissant conseiller Dev Beekharry…
Notre relation est purement professionnelle. Je n’appelle pas M. Beekharry pour me plaindre de tout et de rien. Concernant le MTC, on sait tous pourquoi il y a eu un arrêt d’activité. Ce n’est pas faute d’avoir essayé de travailler avec eux. Le gouvernement a essayé. Taposeea a essayé. Le refus a été total pour des raisons qui leur sont propres. Mazine kot MTC ti pou ete si zot ti aksepte propozision gouvernman. PTP mem pa ti pou existe. Je vous le redis. Arrêtez de mettre le malheur de cette industrie sur mon dos! Le gouvernement a traité avec nous parce que nous étions les seuls à vouloir organiser les courses pendant que le MTC tergiversait.
N’empêche, on ressent que vous êtes déçu de l’attitude du pouvoir à votre égard. Vous êtes un animal blessé. Vous qui avez été un bailleur de fonds du MSM, toutes ces tracasseries causées par la COIREC, une entité sous contrôle du Prime Minister’s Office (PMO), vous font mal. Vous avez même balancé un pavé dans la mare, brouillant les pistes, sur Radio Plus, en disant ne pas oublier le cadeau de Navin Ramgoolam…
C’est vrai que Ramgoolam m’a donné SMS Pariaz. C’est tout aussi vrai que je souhaite connaître le manifeste des uns et des autres pour décider qui je vais soutenir. Je ne vais pas détailler sur la politique car il était convenu qu’on parle de courses hippiques. Moi, un animal blessé ? Je ne dirai pas cela mais il est vrai que j’ai été déçu de devoir faire face à autant de bâtons dans les roues. Par contre, je relativise. Je suis convaincu que c’est un malheureux concours de circonstances.
Avec le recul, pensez-vous avoir fait un mauvais choix, en voulant, comme vous vous plaisez à le dire, «sauver l’industrie» ?
Les courses m’ont procuré beaucoup de bonheur. Puis, je vais vous dire quelque chose. Certains pourraient ne pas croire à mon altruisme. Qui serait assez fou pour injecter de l’argent de la sorte par pur altruisme ? Zot pou dir mo ti pe rod kontrol partou. Or, je l’ai fait parce que je peux le faire. Je n’ai pas les mêmes contraintes que la plupart des gens. Mes envies et autres désirs se situent sans doute à un autre niveau. Je suis milliardaire. J’ai pensé pouvoir sauver l’industrie hippique. J’ai tenté le pari parce que je le pouvais. Pour rien d’autre ! Mo pa bizin aranz lekours pou gagn kas. Mo deza ena.
Revenons au MTC. Des divergences d’opinions se feraient déjà sentir à peine les pourparlers repris avec le gouvernement. Vous qui avez été membre du MTC et qui avez côtoyé plusieurs présidents du club, expliquez-nous ce qui se passe vraiment là-bas…
Il y a, en effet, des dissensions au sein même du MTC. Il a plusieurs courants de pensée, dont deux extrêmes. Vous avez ceux qui souhaitent qu’on privatise les courses complètement. Vous aurez ceux qui pensent, comme Maingard, que l’État devrait avoir une participation dans le contrôle des courses. Ce courant trouve inconcevable que la stewards’ room et le board d’appel soient sous la même entité. En même temps, à l’étranger, on a vu qu’il faut avoir une autorité hippique bien séparée de l’organisateur des courses.
Nous avons aussi un ancien juge, Robert Ahnee, qui vous dira qu’un club qui gère autant d’argent et dont le public involvement est aussi conséquent ne peut se cacher derrière un mur en béton. Ce club doit être sous l’administration publique. Ou on peut le questionner. Ou on peut le soumettre à une Judicial Review. Puis, on a deux extrêmes en Gavin Glover et Jean-Michel Giraud. L’un veut le retour de toutes les prérogatives du club alors que l’autre, en tant que juriste, dit ne pas vouloir aller à l’encontre de la législation du pays.
Gavin Glover, lors de son intervention sur Radio Plus vendredi, a déclaré ne pas vouloir mélanger politique et industrie hippique. Il a sans doute raison car les observateurs sont unanimes à reconnaître que la politique est beaucoup à blâmer pour ce qui se passe actuellement au Champ-de-Mars.
La politique ne s’en mêlait pas auparavant. C’est en 2005 que tout change. Il faut comprendre la genèse de toute l’histoire. Le MTC est un panier de crabes. Bann krab karle! Le ver est dans le fruit au MTC.
L’investissement par le biais de partenaires étrangers au MTC est-il possible ?
Prenez le cas d’Hollywoodsbets en Afrique du Sud. Saviez-vous que les courses ne représentent qu’un pourcentage minime de leur chiffre d’affaires ? 1,4 %! Le betting sur le football et les casinos en ligne dominent l’industrie. Hollywoodsbets fait de l’altruisme en vue de sauver les courses sud-africaines. Le coastal racing d’Hollywoodsbets fait cela. De Port Elizabeh, Durban, Gold Circle et le Cap Racing, Hollywoodsbets gère le tout. La compagnie verse aussi de l’argent dans les comptes bancaires du régulateur. Cet argent sert, entre autres, à payer les salaires des stipes. C’est utopique de croire que l’aide extérieure va affluer. Hollywoodbets fait déjà de l’altruisme pour les courses dans son pays, pourquoi viendrait-il s’embêter avec nous ? D’autant que les projections sont catastrophiques. Si ce n’est pas rentable, personne du privé ne va venir aider le MTC.
Vous ne croyez pas en l’aide du gouvernement ni de l’étranger. L’industrie est, dans ce cas, vouée à une mort certaine. À bien vous écouter, n’est-on pas dans l’optique d’un maintien de PTP aux affaires en 2025, vu les «hurdles» que vous semblez trouver insurmontables pour le MTC ?
Certainement pas. Jean-Michel Lee Shim en a assez. Je vais me consacrer aux activités sociales en 2025, notamment pour les cancéreux. Zot trouv tou pa bon, be fer li zot mem. Je ne viendrai pas sauver l’industrie une nouvelle fois. Je suis pour demeurer neutre politiquement. Je leur donne la piste. Peu importe le choix politique qui sera fait par la population. Il n’y a pas lieu de venir m’arracher ceci ou cela. Pa bizin atak mwa. Mo pe donn zot tou. Le patient n’a pas le temps. Il doit être sauvé rapidement.
Allez-vous vraiment laisser le Champ-de-Mars après tous vos investissements ?
Tout est démontable. Les structures sont en tôle et en tuyaux. Il n’y a pas non plus beaucoup de mobilier. Pour ce qui est des écuries, je vais tout faire démonter et les envoyer à Balaclava.
Le centre d’entraînement de Petit-Gamin, votre bijou, n’a, on l’a compris, pas été nécessairement construit pour déloger l’activité hippique de Port-Louis. N’empêche, vous avez construit loges, espaces bookmakers, cantine, salles de jockeys et de commissaires. N’êtes-vous pas amer après tous ces efforts ?
Pas du tout. Le centre de Petit-Gamin a été construit pour être un centre d’entraînement, de transit et de quarantaine. Il n’a jamais été question d’organiser les courses là-bas. On a été construire les infrastructures dont vous faites mention pour avoir un plan B. On nous menaçait à coups d’injonction et autres au Champ-de-Mars. Puis, honnêtement, on a réhabilité de vieilles écuries pour en faire des loges et autres facilités. Cela ne nous a pas coûté grand-chose. Je ne suis pas amer. Détrompez-vous!
Parlons des commissaires de courses. Votre CEO, Khulwant Ubheeram, a déclaré, lors de son audition devant le «board» des commissaires de courses actuels, composé majoritairement d’Indiens, que les commissaires mauriciens seraient mieux car ils connaissent la réalité du pays. Partagez-vous son avis ?
Colombo est grand détective. Dites-lui maintenant de venir travailler au CID Central. Li pou maye. Vous devez être sur le terrain. Si vous, journalistes (il nous pointe du doigt), vous vous asseyez au bureau et ne souhaitez bosser que sur téléphone, vous allez passer à côté de plusieurs nouvelles croustillantes. Les Mauriciens sont plus aptes à faire ce travail vu qu’ils peuvent plus facilement être sur le terrain. En tout cas, c’est ce que je pense concernant le poste de stewards des courses.
Publicité
Les plus récents