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Dans la presse du… 6 janvier 2008

Joël de Rosnay: «Si Maurice réussit, le monde peut réussir»

6 janvier 2024, 11:04

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Joël de Rosnay: «Si Maurice réussit, le monde peut réussir»

Joël de Rosnay, chercheur et conseiller du gouvernement.

Voici plusieurs mois qu’on parle de cet homme que le Premier ministre a approché pour donner au pays un élan en matière de développement durable, souligne l’express du 6 janvier 2008. Joël de Rosnay explique son lien avec Maurice, de même que sa vision pour faire de notre île un modèle international.

Lors de son discours de fin d’année, le Premier ministre mauricien, Navin Ramgoolam, a évoqué le lien fort que vous avez avec Maurice. Quel est ce lien et qu’estce qui vous motive à aider le pays ?

Je suis né à Curepipe et mon père était Mauricien. J’ai vécu une partie de mon enfance et de ma jeunesse dans la maison de famille à la Villebague, à Pamplemousses. J’ai toujours été passionné par le développement et la vie de l’île Maurice. C’est un microcosme du monde, par sa diversité ethnique, religieuse et culturelle.

Je dis souvent que si Maurice réussit, le monde peut réussir ! C’est ce que qui me motive. Je veux vraiment aider ce pays à réussir. A la fois pour son économie, sa compétitivité, bien sûr, mais aussi et surtout pour son peuple, que j’admire et que je respecte profondément.

Quel regard avez-vous sur Maurice en tant qu’Etat insulaire et quels sont les défis auxquels nous aurons à faire face dans un avenir proche et lointain ?

Comme toutes les îles, Maurice a une économie et une psychologie particulière. Un sentiment d’unité d’abord, mais aussi un besoin de protection, autant que d’initiative face aux enjeux du monde moderne. Le défi sucrier est en passe d’être surmonté. La diversification industrielle a montré ses succès, mais doit maintenant faire face à de nouvelles concurrences, venant de la Chine, du Pakistan, et de plus près encore avec Madagascar.

Le tourisme doit évidemment continuer à se développer, mais il faut aussi penser à ses impacts sur l’environnement et sur la qualité de vie de la population mauricienne sédentaire.

L’un des grands défis du futur est la politique énergétique de l’île. C’est pourquoi j’ai proposé au Premier ministre le concept de «Maurice, île durable». Une nation entièrement autonome en énergie, utilisant ses ressources naturelles, ses déchets, les économies d’énergie, pour survivre et se développer dans un monde compétitif. Enfin, il y a le grand défi de l’éducation.

Il y a dix ans j’ai proposé le concept de «Maurice, île numérique» (la cyber-île et la cybercité) pour favoriser le développement d’Internet, notamment pour l’éducation. J’ai pu constater ces dernières années les très grands progrès réalisés par le gouvernement mauricien dans cette voie.

La vision de l’Etat mauricien est de faire de l’île un modèle de développement durable. Est-ce un objectif réaliste ? Est-ce que cela va réduire notre dépendance au pétrole, par exemple ?

Oui, c’est un projet très réaliste et même un projet-pilote pour le monde. Toutes les grandes nations regarderont avec intérêt le développement de ce projet à Maurice, ainsi que les pays en développement et les autres îles comparables. J’ai proposé que se tienne à Maurice en 2010, ou avant si possible, un «Davos de l’environnement», le World Ecologic Forum. Le Premier ministre a approuvé cette idée et nous allons la mettre en oeuvre.

Pour ce qui concerne la réduction de la dépendance au pétrole, il est clair que le fuel servant à fabriquer de l’électricité peut être remplacé par la biomasse – la bagasse permet déjà de produire 25 à 30 % de l’électricité de l’île –, par le solaire thermique et photovoltaïque, le biogaz provenant des déchets organiques et l’éolien. En revanche, les voitures vont encore rouler à l’essence pendant quelques années, même si les voitures hybrides et à PAC (électriques avec pile à combustible à hydrogène) prendront progressivement le relais. Maurice doit absolument promouvoir des moyens de transport alternatifs.

Est-ce réaliste pour Maurice d’aspirer à devenir un «hub» des nouvelles technologies ? Qu’est-ce que cela implique en termes de ressources, mais aussi d’investissement, surtout face à la menace de l’Inde et de la Chine qui se sont déjà positionnées dans ce secteur ?

Je pense que Maurice peut être tout à fait compétitive. C’est une question de volonté politique. N’oublions pas qu’elle peut être une extraordinaire «vitrine» mondiale des nouvelles technologies : infotechnologies, biotechnologies ou écotechnologies. Les 900 000 touristes et voyageurs d’affaires qui fréquentent régulièrement Maurice peuvent être des «ambassadeurs» du rôle de Maurice dans les nouvelles technologies. De grandes entreprises internationales m’ont déjà signifié leur intérêt d’investir à Maurice dans ces nouvelles technologies, et bien entendu, dans les énergies renouvelables et les écotechnologies.

En plus, la main-d’oeuvre mauricienne est douée, intelligente, bilingue et motivée. Tout repose sur la formation des jeunes aux nouveaux métiers et sur la confiance mise dans le peuple mauricien.

Le Premier ministre a aussi parlé de votre prochaine visite à Maurice et dans certains milieux. On évoque même la mise sur pied d’une cellule afin de préparer le dossier qui vous sera présenté. Quand venez-vous et comment comptez-vous vous y prendre ?

Oui, il est question d’une cellule de coordination pour le grand projet «Maurice, île durable» (MID). Cette cellule rassemblerait des compétences politiques, industrielles et universitaires pour lancer le projet. Il sera nécessaire, comme je l’ai proposé au Premier ministre, de réaliser au préalable un «bilan énergétique global» de l’île afin de mieux évaluer les investissements et les équipements nécessaires.

J’ai également proposé la création d’un «EcoPark» destiné à la population mauricienne et aux touristes, démontrant l’interdépendance des systèmes de production d’énergies renouvelables.

De mon côté, en France et sur le plan international, je suis en train de mobiliser des personnalités industrielles, universitaires, politiques, économiques et médiatiques sur le projet MID, considéré comme un projet-pilote pour le monde. Je suis impressionné par l’accueil que je reçois. Je ferai connaître en temps utile les soutiens déjà assurés. Evidemment, je me rendrai à Maurice autant que nécessaire, mais les progrès des communications sont tels, que par e-mail, téléphone, visioconférence et Skype, je peux déjà assurer une présence continue.

Je dois d’ailleurs remercier les services du Premier ministre qui assurent un rôle de relais indispensable et très efficace.


Un homme du futur

Joël de Rosnay est actuellement conseiller du président de la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette, en France, après avoir été directeur de la prospective et de l’évaluation jusqu’à la mi-2002, poursuit l’express du 6 janvier 2008. De plus, il siège à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, instance de réflexion créée en 1983 afin d’aiguiller le Parlement français sur les conséquences de certains choix à caractère scientifique et technologique. À la fois chercheur, écrivain, professeur et entrepreneur, Joël de Rosnay est le fils du peintre Gaëtan de Rosnay.

Ayant vécu tour à tour à Maurice, en Russie et en France, il fait d’abord un doctorat ès sciences en chimie organique à l’Institut Pasteur de Paris. Il se rend ensuite au prestigieux Massachussets Institute of Technology (MIT) de Boston en tant que chercheur et enseignant dans la biochimie et l’informatique. En plus de ses fonctions au MIT, il est aussi attaché scientifique à l’ambassade de France aux États-Unis.

Joël de Rosnay se lance sur la scène médiatique à partir des années 1980. Il publie une douzaine d’ouvrages de vulgarisation et de prospective, dont La plus belle histoire du monde, avec Yves Coppens, Hubert Reeves et Dominique Simonnet. Il devient son propre patron en fondant une société de conseil (Biotics International), dont il est actuellement le président, tout en restant conseiller du président de la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette.