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Ken Arian: le crash

10 mars 2024, 21:02

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Ken Arian: le crash

Il a souvent été une figure controversée dans le paysage politique. Ken Arian a parcouru un chemin sinueux pour atteindre le sommet de sa carrière. Parti de débuts modestes, son ascension fulgurante l’a propulsé au cœur du pouvoir, passant de steward de MK à conseiller de confiance du Premier ministre Pravind Jugnauth et finalementmembre du conseil d’administration d’Air Mauritius et patron d’Airport Holdings Ltd. Pourtant, son parcours est émaillé de scandales et de polémiques, alimentant les critiques sur son aptitude et les allusions à des jeux de pouvoir. Lundi, il s’est auto-éjecté de son poste de conseiller du board. S’est-il brûlé les ailes à force de fourrer son nez partout ? Ses casseroles ont-elles été «too much» pour Lakwizinn, qui l’a poussé à rendre son tablier ? Est-ce parce qu’il est en conflit avec deux ministres qu’il a dû faire ses bagages ? Le principal intéressé s’est contenté de dire à la radio qu’il «ne cautionne pas la mauvaise gouvernance au sein de MK». Retour sur le parcours de cet «Icare» local, qui s’est sans doute brûlé les ailes à trop vouloir s’approcher du soleil.

Les débuts de Ken Arian ont été modestes ; mais son ambition était palpable dès son plus jeune âge. Pendant ses études secondaires au Collège Royal de Curepipe, il opte initialement pour la filière économie et comptabilité, avec un intérêt particulier pour la géographie et les phénomènes naturels, tels que les cyclones. Cependant, il se tourne par la suite vers le français, matière dans laquelle il poursuit ses études à l’université de Maurice. Pendant ses années il jongle entre ses études et un emploi à temps partiel chez Bowman International, où il travaille en tant que rédacteur pour un projet de CD-Rom sur l’histoire mauricienne.

C’est pendant ses années universitaires qu’il fonde sa première entreprise, une aventure entrepreneuriale qui jette les bases de sa future carrière dans le monde des affaires. Par la suite, après avoir décroché une maîtrise en science de gestion de l’Institut d’Administration des Entreprises de Poitiers, en France, il rejoint Air Mauritius en tant que membre du personnel navigant. Son vaste et solide réseau de contacts le propulse au cœur du pouvoir ; il devient le conseiller de confiance, voire le chouchou, dit-on, du Premier ministre.

Après avoir été impliqué dans des épisodes de gestion calamiteuse, notamment lors du pèlerinage de Maha Shivatree, on aurait pu s’attendre à ce que sa carrière pique du nez. Cependant, au lieu de cela, il est promu au rang de «super conseiller» auprès de Pravind Jugnauth, une décision qui laissera de nombreux observateurs perplexes quant aux critères de sélection pour un tel poste. D’un pas plus qu’aérien, Ken Arian prend encore de l’altitude.

L’ironie atteint des sommets lorsqu’il est nommé président du conseil d’administration d’Airports of Mauritius Ltd (AML), malgré son absence de bagage dans la gestion aéroportuaire. Sa seule expérience dans le domaine semble être son travail antérieur en tant qu’ex-Passenger Service Agent et Steward chez MK. Sa progression fulgurante le conduit tout de même à la tête d’Airports Holdings Ltd, une fusion d’entités clés dans le secteur aéroportuaire mauricien, telles qu’Air Mauritius, Airports of Mauritius Ltd, Airport Terminal Operations Ltd et Mauritius Duty Free Paradise. En tant que Chief Executive Officer de cette entité, il est chargé de superviser des opérations complexes et stratégiques dans un domaine où il est considéré comme inexpérimenté, c’est le moins qu’on puisse dire. Cette décision est qualifiée de pied de nez flagrant à la compétence et à la logique professionnelle, alimentant ainsi les critiques quant au népotisme et au favoritisme au sein du gouvernement. Les allusions à des jeux de pouvoir et à des intrigues politiques ont renforcé l’image d’un individu qui navigue dans les coulisses du pouvoir avec une dextérité étonnante, tirant les ficelles pour servir ses propres intérêts et ceux de ses alliés.

Puis, malgré son rôle central au sein du Prime Minister’s Office et ses liens étroits avec Pravind Jugnauth, Ken Arian se retrouve de plus en plus isolé au sein du gouvernement, confronté à des critiques croissantes et à des révélations compromettantes. Son statut de «blue- eyed boy», de protégé du Premier ministre, ne parvient pas à le protéger des scandales et des controverses qui éclatent autour de lui.

Ainsi, la révélation selon laquelle Key Edge Consultants, dont il est actionnaire, aurait obtenu un contrat lucratif de Rs 520 000 de Metro Express Ltd pour des services de communication, a jeté une lumière crue sur les possibles conflits d’intérêts auxquels il pourrait être confronté. Ken Arian, dont le nom est mentionné dans l’affaire Kistnen, relevés téléphoniques à la clé, est aussi mis à l’index par Nando Bodha lors de sa démission, ce dernier faisant allusion à un «pouvoir cadenassé». Arian a également été cité dans l’affaire de la lettre anonyme entourant la démission de l’ex-présidente de la République Ameenah Gurib-Fakim, mais aussi par Sherry Singh lors de son grand déballage à la radio dans le cadre du «Sniffing-Gate». Au fur et à mesure que ces casseroles s’accumulent, Ken Arian – discret mais présent – polarise l’attention.

Le gouvernement a qui plus est dépensé Rs 1 368 638 pour les voyages de Ken Arian alors qu’il était le conseiller du Premier ministre, sur une période d’un an. Ces voyages comprenaient des déplacements à Addis-Abeba pour assister à l’Assemblée de l’Union africaine, à Londres pour une conférence des chefs d’État du Commonwealth, ainsi qu’en Chine, en France, aux Pays-Bas et à New York pour assister à l’Assemblée générale des Nations unies. Il a voyagé en première classe.

On ne sait pas où il est allé en voyage de noces, mais Ken Arian est marié à Rashmi Kamiah, qui occupe le poste de Chief State Attorney au Parquet. Des fonctions qu’elle exerce en toute discrétion.